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  • Esther III - Un message pour les nations

    Esther 8

    29.7.2007

    Esther III - Un message pour les nations

    Esther 7:10—8:8    Esther 8:9-17    Esther 9 : 1-23


    Chers Amis,
    Voilà le dénouement du livre d'Esther. Le machiavélique vizir Haman a été démasqué et pendu. Le décret d'extermination des juifs a été contré par un décret miroir enjoignant les juifs à infliger à leurs ennemis le sort que ceux-ci leur réservait. Le retournement est complet, les victimes triomphent de leurs agresseurs et instituent une fête commémorative. Voilà un happy end digne des films holiwoodiens !
    Cependant, pour un livre biblique, cette fin nous laisse avec un goût d'amertume. Quand même, 75'800 morts et faire la fête… On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus pacifique, une fin sous forme de pardon ou au moins d'armistice.
    Cela nous choque que ces juifs puissent ainsi "avec la bénédiction biblique" tuer leurs adversaires ! Vous êtes choqués par cette autorisation de vengeance ? L'êtiez-vous autant par le décret d'extermination ? Je crois que c'est le premier message du livre envers les nations : nous interroger sur notre capacité à nous scandaliser. De quoi nous scandalisons-nous lorsque nous lisons le journal ? Davantage des résistants qui tuent ou de l'armée d'occupation qui oppresse ? Davantage des jeunes qui commettent des incivilités ou des cols blancs qui ruinent une entreprise prestigieuse et parlent seulement d'erreurs de management ?
    Dans le livre d'Esther, soyons d'abord scandalisés par la volonté de génocide, avant celle de self-défense ! Et puis, rappelons-nous que nous lisons un roman qui met en scène une partie de réalité et une partie de fiction. Que ce roman essaie d'exprimer les espoirs d'un peuple : qu'on le laisse vivre tranquille et que les persécutions s'arrêtent !
    Que celui qui n'a jamais lu un roman policier leur jette la première pierre. Lorsque nous lisons un roman policier, ce n'est pas pour nous réjouir du meurtre, mais pour voir finalement la justice triompher dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin. Souvent — dans les films — celui-ci tombe sous les balles de la police. Nous n'en faisons pas tout un plat, c'est du roman. C'est du roman qui nous aide à penser que dans ce monde violent, la justice peut gagner. Il en est de même dans le livre d'Esther.
    Si nous restons encore un peu choqués, réalisons que le rédacteur ne met pas les deux tueries au même niveau. Si le premier et le second décret s'expriment dans des termes presque identiques (3:13; 8:11) il est permis de "tuer les hommes, les femmes, les enfants et piller leurs biens," il est bien spécifié que les juifs n'ont tué que des hommes et n'ont pas pillé leurs biens. Il y a une retenue, comme l'application d'un droit dans la guerre, qui distingue cet acte de défense d'une extermination ou d'une vengeance libre.
    Il y a aussi un côté réaliste, parfois le mal ne peut être éradiqué que par un autre mal. C'est une pente très dangereuse qui a réussi lors de la 2e guerre mondiale, mais a échoué dans toutes les guerres depuis lors.
    Comme le livre d'Esther est un roman et non pas la relation de faits historiques, il est avisé d'en faire une lecture allégorique ou symbolique. C'est ce qu'a très bien compris l'écrivain de théâtre Jean Racine.* Il a écrit une sorte d'opéra — on dirait aujourd'hui une comédie musicale — sur le livre d'Esther, essayant d'éclairer le roi Louis XIV sur la situation religieuse dans son royaume et l'amener à être plus tolérant envers les jansénistes et les huguenots qui étaient persécutés pour leur foi.
    Le livre d'Esther est un plaidoyer pour la tolérance religieuse mais aussi l'expression de la lutte, du combat entre la justice et le mal. Qui triomphera ? Le livre d'Esther est rempli de retournements où la justice, l'intégrité, la loyauté sont constamment menacés de succomber aux assauts du mal. Mais c'est un livre d'espoir, un plaidoyer pour la victoire — fragile, mais têtue — de la justice.
    Comment la justice pourrait-elle triompher sans que le mal soit détruit ? C'est plus tardivement que l'on a été amené à faire la distinction entre le mal et le malfaiteur. En théologie chrétienne, on dit que Dieu veut la mort du péché, mais pas celle du pécheur. C'est ce qui nous a amené à vouloir et pouvoir abolir la peine de mort, mais sans abolir le jugement et la peine.
    Dans le livre d'Esther l'exécution des ennemis est la forme que prend le jugement contre le mal. C'est une façon de dire qu'il n'y a pas de justice visible tant qu'il n'y a pas eu de jugement sur le mal. Le triomphe de la justice doit se marquer d'une façon ou d'une autre dans la réalité. Il est difficile pour nous les humains de nous en remettre uniquement à une justice céleste qui ne déploierait pas ses effets sur la terre déjà. Nous le voyons très clairement dans les pays qui ont été traumatisés par une dictature, surtout si elle a réussi à mettre en place son auto-amnistie, comme au Chili ou en Argentine.
    Les victimes crient pour que justice soit rendue, c'est-à-dire qu'il y ait des procès devant des tribunaux et que des peines — même symboliques (aucune peine de toute façon ne peut amener réparation, aussi sévère soit-elle) — soient infligées. Acceptons que le livre d'Esther se situe dans un temps d'avant les tribunaux internationaux puisqu'ils n'ont été mis en place qu'à partir du XXe siècle.
    Le livre d'Esther manifeste aussi une attente messianique. Il décrit un idéal symbolique — qui appartient à la fin des temps humains — mais auquel on peut aspirer dès maintenant : que la justice soit plus forte que le mal, que Dieu nous délivre du mal afin que la vie soit la fête qu'elle devrait être.
    C'est dans ce sens-là que ce livre d'Esther instaure une fête : fête de délivrance, fête du triomphe de la justice, du triomphe de Dieu qui sauve son peuple. Pour les juifs, c'est la fête de Pourim, nom qui vient des dès jetés par Haman pour déterminer la date de l'extermination (Esther 3:7).
    Cette fête est une fête joyeuse, une sorte de festival du rire et de la joie. On y raconte des blagues, on fait des plaisanteries, on s'échange des petits cadeaux et on y fait des dons aux pauvres pour que ce jour soit joyeux pour tout le monde.
    Le livre d'Esther fête donc, dans la joie, l'équipe qui a gagné dans le match justice contre mal. Dieu est vainqueur, il a sauvé son peuple.
    Alléluia.

    * Racine, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
    Michel Le Guern, Sur l'Esther de Racine, in Lumière & Vie, 260, oct-déc 2003, pp.49-56.

    Sur Pourim, voir le site très complet : http://www.jafi.org.il/education/french/fetes/pourim/index.html

    © Jean-Marie Thévoz

  • Esther 3 - II - Un message pour les juifs en exil

    Esther 3

    22.7.2007

    Esther II - Un message pour les juifs en exil

    Esther  3 : 1-11    Esther  4: 12-16    Jean 15 : 18-20


    Chers Amis,
    Nous continuons notre exploration du livre d'Esther, ce récit qui présente, sous une forme romancée, une réalité trop souvent vécue par les juifs : l'exil et les persécutions.
    Au moment de sa rédaction, le Royaume d'Israël n'existe plus, le peuple vit sous domination grecque et une grand partie des juifs vit en exil, en diaspora : en Orient (Babylone, Perse) en Egypte (Alexandrie) et sur le pourtour méditerranéen.
    Le livre d'Esther condense en une histoire des situations qui se répètent dans divers lieux : des familles juives essaient de vivre leur foi et leurs traditions en terre étrangère. Ce livre d'Esther a de nombreux points communs avec le livre de Daniel qui montre aussi un juif qui essaie de respecter la Loi, la Torah, ce qui amène tracasseries et persécutions. Comment vivre sa foi, obéir à la Torah, préserver ses coutumes, tout en vivant en bonne harmonie avec la population indigène ?
    Le livre d'Esther nous propose deux modèles en parallèle : l'attitude de Mardochée et celle d'Esther. Mardochée a la même attitude que Daniel. Il représente le pratiquant convaincu qui affiche sa foi et sa pratique. Jamais il ne se prosternera devant un autre homme — serait-ce le premier ministre — quoi qu'il lui en coûte.
    On aime bien ce type de personnage chez nous; cela nous rappelle Guillaume Tell qui brave le bailli autrichien. Mais on déteste aussi ce personnage — lorsque nous sommes dans le rôle de l'indigène et qu'un étranger se permet de demander un voile pour sa fille ou un minaret pour sa mosquée.
    Mardochée, c'est lui. Touchant pour sa rectitude et sa loyauté à son Dieu, mais agaçant au possible de ne pas accepter les coutumes locales et l'assimilation. Cette attitude droite, mais provocante, va amener la persécution, pas seulement contre le seul Mardochée, mais contre l'entier du peuple juif. Cela en vaut-il la peine s'interrogent, au cours des siècles, les rabbins eux-mêmes ?
    De l'autre côté, il y a le personnage d'Esther, la cousine de Mardochée qui — cachant sa religion — a été choisie comme reine par le roi Xerxès. Elle a adopté, paradoxalement sur le conseil de Mardochée, le profil bas, la clandestinité. Elle cache sa foi.
    Le rédacteur affiche donc deux modèles de conduite et à aucun moment ne pose de jugement, n'indique de préférence. Ce sont deux modèles parallèles qui ont chacun leur raison d'être, leurs avantages et leurs inconvénients. Je trouve remarquable qu'ils coexistent simplement. Dans notre pensée occidentale, cartésienne, logique et tellement binaire, nous voudrions trancher, déclarer l'un meilleur que l'autre. Ah, l'emprise de la pensée unique !   Là, non, entre Esther et Mardochée, chacun doit se déterminer selon sa conscience, sa situation, ses capacités.
    En fait, c'est égal. En fin de compte, lorsque la situation de crise surgit, qu'on aie adopté l'une ou l'autre position, il vient un moment où l'on doit se dévoiler et agir. C'est ce qui arrive à Esther. Lorsqu'elle apprend l'existence du décret d'extermination, elle va agir et dévoiler son identité au roi de manière à sauver son peuple. Il y a toujours un temps où l'identité est révélée par la nécessité de la situation. Chacun doit prendre ses responsabilités ou perdre son identité. Esther se dévoile donc.
    Il est frappant de voir dans la résistance de Mardochée qu'il 'y a aucune explication à son refus de se prosterner. La seul "explication" qu'il donne est  : "Je suis juif" (Esther 3:4). C'est aussi sur ce seul "titre" que les rafles se déroulaient sous le régime nazi. Il n'était pas question de savoir si ces juifs étaient pratiquants ou non, libéraux ou orthodoxes, de gauche ou de droite. L'antisémitisme ne s'explique pas par une pratique, par des attitudes, par des qualités ou des défauts des juifs, mais il se décrète, comme le fait le ministre Haman.
    Ainsi, "le juif" représente cette insupportable limite opposée à la toute-puissance humaine : en signalant que cette aspiration au pouvoir total est une usurpation d'un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu seul. En tant que peuple à qui Dieu a confié la Loi, la Torah, le peuple juif est devenu porteur et représentant de cette limite à tout abus de pouvoir.
    Celui qui veut abuser du pouvoir à son profit ne peut supporter ce rappel incessant de sa transgression. C'est le cas de Haman, le vizir du roi Xerxès. C'est pourquoi le texte rattache Haman — par sa généalogie — à Agag, le roi amalécite, l'ennemi de Saül. Les Amalécites avaient aussi été le peuple qui s'était opposé au passage sur leurs terres des hébreux sortis d'Egypte pour se rendre dans le pays de Canaan. Amaleq, Agag, Haman sont les représentations de la haine de la Loi, loi qui garantit le droit, le droit de chacun, mais aussi de la veuve et de l'orphelin.
    Le livre d'Esther nous rappelle qu'il y a une lignée du mal qui peut ressurgir à chaque époque et contre tous ceux qui prennent la défense des sans-voix ou des opprimés, en réaffirmant les limites que les puissants ne doivent pas dépasser.
    Ce mal a fait d'innombrables victimes : les juifs persécutés sous les perses, les grecs, les romains; Jésus lui-même; les chrétiens martyrs; les juifs à nouveau persécutés, mais par les chrétiens, jusqu'à la Shoa; plus proche de nous, Ghandi, Martin Luther King ou Mgr Romero; des chrétiens persécutés sous le régime soviétique ou dans certains pays musulmans.
    Le livre d'Esther rappelle à tous les lecteurs de la Bible le prix qu'il peut en coûter de témoigner de sa foi, de la dignité de tout être humain quel qu'il soit, y compris les combattants, y compris les présumés terroristes.
    La question que je me pose est de savoir si nous, chrétiens, avons assez lu le livre d'Esther ? Pourquoi, encore aujourd'hui, les juifs sont-ils davantage interpellateurs des pouvoirs extrêmes que les chrétiens ? Nous avons le même Dieu et la même exigence de respect de chaque être humain ! Pourtant, il me semble que bien des pouvoirs oppressants se développent chez nous, que ce soit des pouvoirs économiques ou les pouvoirs de surveillance issus de la lutte anti-terroriste.
    Où est notre pouvoir d'interpellation en tant que chrétiens ? Sommes-nous des croyants cachés comme Esther ? Mais nous réveillerons-nous au moment nécessaire ? Ne devraient-ils pas se lever quelques Mardochées, quelques provocateurs pour nous ouvrir les yeux afin de voir dans quelles situations nous nous prosternons jusqu'à terre devant des pouvoirs dont nous espérons tirer aussi quelques profits ou avantages ? Notre Eglise vaudoise est-elle trop assimilée qu'elle en perd son identité et avec elle, un à un, ses membres ?
    Je vous laisse ces questions que je me pose. Je n'ai pas moi-même des réponses à chacune d'elles, mais je pense que nous devrions y réfléchir sérieusement si nous ne voulons pas simplement nous dissoudre dans la pensée unique actuelle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Esther 1. (I) Un message pour les femmes

    Esther 1 - 2

    15.7.2007

    Esther I - Un message pour les femmes

    Esther 1 : 1-21    Esther 2 : 1-17    Esther 2 : 18-23


    Chers Amis,
    Pendant les trois prochains dimanches de ce mois de juillet, nous allons nous plonger dans le livre d'Esther, un récit peu lu dans nos Eglises protestantes. En effet, à la première lecture, le récit n'est pas très édifiant ni très moral et l'on n'y parle jamais de Dieu.
    En résumé, le récit nous présente la vie à la cour du roi perse Xerxès avec les intrigues de palais, la destitution de la reine Vashti, son remplacement par Esther. Puis un épisode où le "méchant" Haman s'en prend à Mardochée, un fonctionnaire juif, et par haine de Mardochée décrète l'anéantissement du peuple juif. Par un jeu habile d'interventions auprès du roi, Esther réussit à retourner le jeu de Haman, c'est lui qui finit sur le gibet qu'il destinait à Mardochée. Esther réussit ensuite à infléchir le roi de sorte qu'il permet aux juifs de se défendre, les armes à la main, contre leurs agresseurs mobilisés par le décret d'Haman. Le récit se termine donc par le massacre des ennemis des juifs et l'instauration d'une fête commémorative : la fête juive de Pourim.
    Le règne du roi perse Xerxès étant assez connu par l'archéologie, on peut être certain que cette histoire est une fiction placée à cette époque, mais écrite plus tardivement. Nous sommes donc en présence d'un roman biblique et non de la relation de faits historiques.
    Dans ce roman sont placés les craintes et les espoirs des juifs dispersés hors du pays d'Israël, ainsi que la confiance qu'ils ont dans une intervention divine qui retournerait l'histoire en leur faveur. Intervention divine —il faut le remarquer — qui passe entièrement par des intermédiaires humains, courageux et pleins de sagesse.
    Sous cette forme romancée, ce livre d'Esther nous envoie plusieurs messages. J'en ai retenu trois que je vais présenter ces trois dimanches : un message pour les femmes, un message pour les juifs en exil, un message pour les nations.
    Ce livre a deux héros : Esther et Mardochée, mais il est clair que c'est Esther qui a la première place. Le rôle de Mardochée est de mettre en valeur celui d'Esther. Mardochée est le tuteur d'Esther, il la conseille, il l'appuie, mais c'est elle qui agit et organise. Mardochée est un administrateur important à la cour du roi, mais Esther est la reine. Mardochée joue le rôle d'intermédiaire entre Esther et le peuple juif. mais c'est elle qui définit les tâches et commande.
    Dans les deux premiers chapitres du livre, il y a comme une mise en lumière du rôle imposé aux femmes dans l'empire perse, opposé au rôle de la femme juive.
    Le premier élément se trouve dans l'ordre du roi donné à la reine Vashti. Le roi, fortement éméché, veut exposer sa femme à l'admiration de ses convives. Il la traite comme un objet de spectacle pour susciter l'envie et l'admiration de ses sujets à son égard.
    Pour préserver sa dignité, la reine Vashti refuse, ce qui provoque un tollé dans l'administration : on ne peut pas tolérer une reine rebelle. Tous les foyers en seraient ébranlés. Tout est mis en œuvre pour rétablir la suprématie masculine, la reine Vashti est bannie.
    Mais on ne peut laisser le roi sans épouse… Alors s'organise la chasse à la nouvelle épouse. Les termes sont clairs, des jeunes filles sont enlevées à leurs familles, apprêtées pendant un an dans le harem royal, jusqu'à ce que le roi fasse son choix, comme on choisit de beaux fruits au marché. Les femmes ne sont que des objets pour le bon plaisir du roi.
    Pour accentuer cette chosification des femmes, le rédacteur emprunte des morceaux de phrases au récit de Joseph (le fils de Jacob, vendu en Egypte par ses frères) pour faire des parallèles. J'en cite deux. Dans la Genèse, il est dit à propos de la lutte contre la famine :
    "qu'on établisse des fonctionnaires dans tout le pays (…) qu'on rassemble toute la nourriture des bonnes années. (…) Ce discours plut à Pharaon." (Gn 41:34-37) et dans Esther à propos des jeunes filles :
    "que le roi établisse des fonctionnaires dans toutes les provinces du royaume, chargés de rassembler toutes les jeunes filles de bonne apparence (…) Ce discours plut au roi." (Esther 2:3-4).
    Deuxième exemple, à propos des soins de beauté à appliquer aux jeunes filles, le rédacteur écrit :
    "C'est le temps requis pour leurs toilettes" (Esther 2:12) ce qui renvoie dans le récit de la Genèse à la mort du père de Joseph, où l'on trouve l'expression suivante : "C'est le temps requis pour l'embaumement" (Gn 50:3).

    Clairement, le rédacteur du livre d'Esther dénonce cette exploitation des femmes qui se trouvent réduites à l'état d'objets, ce qui tue ce qu'il y a d'humain en elles.
    A l'opposé, nous est présentée Esther. Au commencement, elle est dans un rôle de victime, elle est orpheline, elle a perdu ses parents. Ensuite elle est emmenée loin de son cousin et de son peuple au harem, puis choisie par le roi.
    On remarque ici aussi le parallèle avec l'histoire de Joseph, vendu comme esclave, emmené en Egypte, jeté en prison, puis remarqué par le Pharaon.
    Mais c'est à cette place, qu'Esther n'a pas choisie, qu'elle prend sa vie en main et agit de sorte à être remarquée — par sa bienveillance dit le texte. C'est ainsi que — pour ses qualités humaines — elle est élevée au rang de reine. C'est à partir de cette situation, pas choisie, mais acceptée, qu'elle va jouer son rôle, un rôle où l'intelligence et la psychologie sont au premier plan.
    Comme Joseph, elle accède au pouvoir, souvent par l'intermédiaire de Mardochée. Elle est la tête, il est la main. C'est ainsi que, comme Joseph, il reçoit l'anneau d'or du roi (Esther 6:12 // Gn 41:43). C'est ainsi qu'Esther réussit à sauver son peuple du massacre que prévoyait le décret du premier ministre Haman.
    Nous avons donc, dans ce livre, la présentation d'une femme qui figure le messie, comme Joseph. Une femme qui sauve son peuple, par l'acceptation de son destin et le jeu de son intelligence. L'acceptation de son destin n'est pas une soumission ou une démission, mais la foi qu'en toutes circonstances — d'une épreuve ou d'un mal subi — peut surgir une opportunité ou un bien.
    S'il n'est jamais fait mention de Dieu par son nom dans ce récit, il est présent sous la forme d'une Providence qui justement alimente la transformation, la transfiguration d'un mal en bien, d'une épreuve en opportunité.
    Ce récit romanesque — que je vous encourage à lire en entier chez vous — nous ouvre donc à une lecture de notre propre réalité où découvrir la main de la providence divine. Elle est certainement dans le fait de nous donner à tous et à toutes une place et une valeur humaine — à ne pas nous laisser réduire à des objets — mais elle est sûrement également dans bien des événements de notre vie personnelle.
    A nous de nous retourner sur notre vie et à en lire le roman pour y voir la place que Dieu y a prise.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007