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i) Petits rouleaux

  • Paroles du Sage

    (14.11.1999)

    Qohélet / Ecclésiaste

    Paroles du Sage

    Tous les passages sont tirés du livre de l'Ecclésiaste (aussi appelé Qohélet).

    Les passages en italiques dans le texte biblique signalent des ajouts ou des modifications.

    télécharger le texte : P-1999-11-14.pdf

     

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  • Ecclésiaste 12. Se préparer une vieillesse heureuse (I)

    Ecclésiaste 12
    12.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (I)

    Ecclésiaste 12 : 1-8

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-0812.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En juillet, je vous ai annoncé une suite de prédications sur les âges de la vie. Je commence aujourd'hui. J'ai choisi ce thème à la suite de réflexions apparues autour de la votation sur EXIT et suite à mon travail dans les EMS.
    Dans ces deux situations, j'ai été confronté à la question de "l'utilité" ou de "l'inutilité" ressentie par les personnes âgées et très âgées. Dans les EMS, j'entends des personnes dire : "Je me sens un fardeau pour les autres" (famille, personnel soignant), "je me sens tellement inutile !"
    Notre société occidentale tient, aujourd'hui, un discours qui valorise à l'extrême la productivité marchande, monétaire, et dévalorise par conséquent ceux qui sont sortis du marché du travail. On nous dit que seuls ceux qui sont rentables et productifs sont utiles.
    Cela a pour conséquences de disqualifier les autres qui sont considérés comme improductifs ou coûteux, une charge pour la société. Ne sont pas visés seulement ceux qui sont hors du marché du travail comme les retraités, mais souvent aussi ceux qui sont salariés pour s'occuper des autres, assistants sociaux, infirmières, animateurs d'EMS etc… qui font "gonfler la facture sociale" comme on dit.
    Je trouve ce langage odieux qui dévalorise le service ou le juste droit à une retraite paisible après une vie de travail et de productivité.
    Ma question est double : (1) que devenir, quelle "utilité" trouver, lorsque nous sortons des circuits de "production marchande" ? (2) Quel discours l'Eglise peut-elle proposer comme alternative, comme antidote à ce langage productiviste ?
    Je pense que nous devons, en tant que communauté, conduire une large réflexion là-dessus, pour nous aider au niveau individuel et pour avoir un discours public différent.
    Qu'est-ce qui donne de la valeur à la personne, hors production marchande, et comment arriver à le dire en public et à l'intégrer au dedans de soi pour conserver sa dignité quand nos forces diminuent ?
    Je vais commencer aujourd'hui par la vieillesse, même par l'extrême vieillesse, par la situation de radicale impuissance, pour poser le constat. Pour cela, je prendrai le tableau poétique et imagé, en même temps que désabusé et réaliste que pose l'Ecclésiaste (ou Qohélet) dans la Bible.
    Sous le pseudonyme de Salomon, l'Ecclésiaste propose une réflexion souvent cynique et désabusée, mais toujours décapante de la réalité. Il nous propose ici (Eccl 12:3-5) un tableau de la dégradation qu'apporte le grand âge. Toutes les images sont à décrypter pour les rapporter à la situation et au corps du vieillard.

    Ecclésiaste 12 :
    "3. Alors les gardiens de la maison tremblent de peur  (ce sont les bras), les gens forts se courbent (ce sont les jambes), les meunières cessent de moudre trop peu nombreuses (les dents), les fenêtres perdent leur transparence (les yeux). 4. Alors les deux portes qui donnent sur la rue se ferment (les oreilles), le bruit du moulin baisse (le cœur ralentit), l'oiseau s'envole au moindre bruit (la tension s'élève), les chansons s'arrêtent (la voix se casse). 5. Alors la route qui monte fait peur, la marche effraie (la mobilité se réduit), les cheveux blanchissent comme l'aubépine, les épices perdent leurs saveurs (perte du goût). Et un jour chacun s'en va vers sa tombe."   
    Voilà un tableau sans complaisance de la vieillesse, loin du politiquement correct. Il nous met cependant en face de la réalité que, malheureusement, on ne peut plus se cacher. L'extrême vieillesse mène à ces pertes de capacités, de mobilité, de conscience, jusqu'au dernier départ. L'Ecclésiaste ne cherche pas à nous désespérer. Il assortit sa description d'une recommandation :
    "Pendant que tu es jeune, souviens-toi de ton Créateur. Souviens-toi de lui avant l'arrivée des jours mauvais, avant le moment où tu diras : « Je n'ai plus envie de vivre. » (Eccl. 12:1)
    Avec sa description l'Ecclésiaste veut nous avertir : attention, il y a un moment où c'est trop tard pour changer, trop tard pour évoluer. Il nous dit : la vieillesse se prépare et se prépare tôt. Il parle de "jeunesse", certains traduisent même "adolescence." Il faut peut-être remettre cela dans un cadre où l'espérance de vie était plus courte qu'aujourd'hui. Mais le mot d'ordre de l'Ecclésiaste reste : il faut anticiper.
    Oui, dans l'extrême vieillesse, ce qui a été pratiqué auparavant, pendant la vie active, s'accentue, se fige ou se répète. Dans l'extrême vieillesse, il n'y a plus de place pour la nouveauté, pour le changement, pour l'évolution. Dans l'extrême vieillesse, il y a un rétrécissement des contacts, des activités, des perceptions. Il est donc primordial de préparer ce qu'on veut devenir ! "Souviens-toi de ton Créateur pendant que tu es encore jeune !"
    C'est maintenant, quand le changement est encore possible, quand nous avons encore des capacités d'apprentissage que nous devons mettre en place le caractère que nous voudrons avoir quand viendra le temps de l'immobilisme du très grand âge. C'est maintenant que nous devons mettre cela en place.
    Nous essayerons de voir, ces prochains dimanches, ce que nous devons viser et comment le faire.
    A suivre…
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • Esther III - Un message pour les nations

    Esther 8

    29.7.2007

    Esther III - Un message pour les nations

    Esther 7:10—8:8    Esther 8:9-17    Esther 9 : 1-23


    Chers Amis,
    Voilà le dénouement du livre d'Esther. Le machiavélique vizir Haman a été démasqué et pendu. Le décret d'extermination des juifs a été contré par un décret miroir enjoignant les juifs à infliger à leurs ennemis le sort que ceux-ci leur réservait. Le retournement est complet, les victimes triomphent de leurs agresseurs et instituent une fête commémorative. Voilà un happy end digne des films holiwoodiens !
    Cependant, pour un livre biblique, cette fin nous laisse avec un goût d'amertume. Quand même, 75'800 morts et faire la fête… On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus pacifique, une fin sous forme de pardon ou au moins d'armistice.
    Cela nous choque que ces juifs puissent ainsi "avec la bénédiction biblique" tuer leurs adversaires ! Vous êtes choqués par cette autorisation de vengeance ? L'êtiez-vous autant par le décret d'extermination ? Je crois que c'est le premier message du livre envers les nations : nous interroger sur notre capacité à nous scandaliser. De quoi nous scandalisons-nous lorsque nous lisons le journal ? Davantage des résistants qui tuent ou de l'armée d'occupation qui oppresse ? Davantage des jeunes qui commettent des incivilités ou des cols blancs qui ruinent une entreprise prestigieuse et parlent seulement d'erreurs de management ?
    Dans le livre d'Esther, soyons d'abord scandalisés par la volonté de génocide, avant celle de self-défense ! Et puis, rappelons-nous que nous lisons un roman qui met en scène une partie de réalité et une partie de fiction. Que ce roman essaie d'exprimer les espoirs d'un peuple : qu'on le laisse vivre tranquille et que les persécutions s'arrêtent !
    Que celui qui n'a jamais lu un roman policier leur jette la première pierre. Lorsque nous lisons un roman policier, ce n'est pas pour nous réjouir du meurtre, mais pour voir finalement la justice triompher dans l'arrestation et la condamnation de l'assassin. Souvent — dans les films — celui-ci tombe sous les balles de la police. Nous n'en faisons pas tout un plat, c'est du roman. C'est du roman qui nous aide à penser que dans ce monde violent, la justice peut gagner. Il en est de même dans le livre d'Esther.
    Si nous restons encore un peu choqués, réalisons que le rédacteur ne met pas les deux tueries au même niveau. Si le premier et le second décret s'expriment dans des termes presque identiques (3:13; 8:11) il est permis de "tuer les hommes, les femmes, les enfants et piller leurs biens," il est bien spécifié que les juifs n'ont tué que des hommes et n'ont pas pillé leurs biens. Il y a une retenue, comme l'application d'un droit dans la guerre, qui distingue cet acte de défense d'une extermination ou d'une vengeance libre.
    Il y a aussi un côté réaliste, parfois le mal ne peut être éradiqué que par un autre mal. C'est une pente très dangereuse qui a réussi lors de la 2e guerre mondiale, mais a échoué dans toutes les guerres depuis lors.
    Comme le livre d'Esther est un roman et non pas la relation de faits historiques, il est avisé d'en faire une lecture allégorique ou symbolique. C'est ce qu'a très bien compris l'écrivain de théâtre Jean Racine.* Il a écrit une sorte d'opéra — on dirait aujourd'hui une comédie musicale — sur le livre d'Esther, essayant d'éclairer le roi Louis XIV sur la situation religieuse dans son royaume et l'amener à être plus tolérant envers les jansénistes et les huguenots qui étaient persécutés pour leur foi.
    Le livre d'Esther est un plaidoyer pour la tolérance religieuse mais aussi l'expression de la lutte, du combat entre la justice et le mal. Qui triomphera ? Le livre d'Esther est rempli de retournements où la justice, l'intégrité, la loyauté sont constamment menacés de succomber aux assauts du mal. Mais c'est un livre d'espoir, un plaidoyer pour la victoire — fragile, mais têtue — de la justice.
    Comment la justice pourrait-elle triompher sans que le mal soit détruit ? C'est plus tardivement que l'on a été amené à faire la distinction entre le mal et le malfaiteur. En théologie chrétienne, on dit que Dieu veut la mort du péché, mais pas celle du pécheur. C'est ce qui nous a amené à vouloir et pouvoir abolir la peine de mort, mais sans abolir le jugement et la peine.
    Dans le livre d'Esther l'exécution des ennemis est la forme que prend le jugement contre le mal. C'est une façon de dire qu'il n'y a pas de justice visible tant qu'il n'y a pas eu de jugement sur le mal. Le triomphe de la justice doit se marquer d'une façon ou d'une autre dans la réalité. Il est difficile pour nous les humains de nous en remettre uniquement à une justice céleste qui ne déploierait pas ses effets sur la terre déjà. Nous le voyons très clairement dans les pays qui ont été traumatisés par une dictature, surtout si elle a réussi à mettre en place son auto-amnistie, comme au Chili ou en Argentine.
    Les victimes crient pour que justice soit rendue, c'est-à-dire qu'il y ait des procès devant des tribunaux et que des peines — même symboliques (aucune peine de toute façon ne peut amener réparation, aussi sévère soit-elle) — soient infligées. Acceptons que le livre d'Esther se situe dans un temps d'avant les tribunaux internationaux puisqu'ils n'ont été mis en place qu'à partir du XXe siècle.
    Le livre d'Esther manifeste aussi une attente messianique. Il décrit un idéal symbolique — qui appartient à la fin des temps humains — mais auquel on peut aspirer dès maintenant : que la justice soit plus forte que le mal, que Dieu nous délivre du mal afin que la vie soit la fête qu'elle devrait être.
    C'est dans ce sens-là que ce livre d'Esther instaure une fête : fête de délivrance, fête du triomphe de la justice, du triomphe de Dieu qui sauve son peuple. Pour les juifs, c'est la fête de Pourim, nom qui vient des dès jetés par Haman pour déterminer la date de l'extermination (Esther 3:7).
    Cette fête est une fête joyeuse, une sorte de festival du rire et de la joie. On y raconte des blagues, on fait des plaisanteries, on s'échange des petits cadeaux et on y fait des dons aux pauvres pour que ce jour soit joyeux pour tout le monde.
    Le livre d'Esther fête donc, dans la joie, l'équipe qui a gagné dans le match justice contre mal. Dieu est vainqueur, il a sauvé son peuple.
    Alléluia.

    * Racine, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
    Michel Le Guern, Sur l'Esther de Racine, in Lumière & Vie, 260, oct-déc 2003, pp.49-56.

    Sur Pourim, voir le site très complet : http://www.jafi.org.il/education/french/fetes/pourim/index.html

    © Jean-Marie Thévoz

  • Esther 3 - II - Un message pour les juifs en exil

    Esther 3

    22.7.2007

    Esther II - Un message pour les juifs en exil

    Esther  3 : 1-11    Esther  4: 12-16    Jean 15 : 18-20


    Chers Amis,
    Nous continuons notre exploration du livre d'Esther, ce récit qui présente, sous une forme romancée, une réalité trop souvent vécue par les juifs : l'exil et les persécutions.
    Au moment de sa rédaction, le Royaume d'Israël n'existe plus, le peuple vit sous domination grecque et une grand partie des juifs vit en exil, en diaspora : en Orient (Babylone, Perse) en Egypte (Alexandrie) et sur le pourtour méditerranéen.
    Le livre d'Esther condense en une histoire des situations qui se répètent dans divers lieux : des familles juives essaient de vivre leur foi et leurs traditions en terre étrangère. Ce livre d'Esther a de nombreux points communs avec le livre de Daniel qui montre aussi un juif qui essaie de respecter la Loi, la Torah, ce qui amène tracasseries et persécutions. Comment vivre sa foi, obéir à la Torah, préserver ses coutumes, tout en vivant en bonne harmonie avec la population indigène ?
    Le livre d'Esther nous propose deux modèles en parallèle : l'attitude de Mardochée et celle d'Esther. Mardochée a la même attitude que Daniel. Il représente le pratiquant convaincu qui affiche sa foi et sa pratique. Jamais il ne se prosternera devant un autre homme — serait-ce le premier ministre — quoi qu'il lui en coûte.
    On aime bien ce type de personnage chez nous; cela nous rappelle Guillaume Tell qui brave le bailli autrichien. Mais on déteste aussi ce personnage — lorsque nous sommes dans le rôle de l'indigène et qu'un étranger se permet de demander un voile pour sa fille ou un minaret pour sa mosquée.
    Mardochée, c'est lui. Touchant pour sa rectitude et sa loyauté à son Dieu, mais agaçant au possible de ne pas accepter les coutumes locales et l'assimilation. Cette attitude droite, mais provocante, va amener la persécution, pas seulement contre le seul Mardochée, mais contre l'entier du peuple juif. Cela en vaut-il la peine s'interrogent, au cours des siècles, les rabbins eux-mêmes ?
    De l'autre côté, il y a le personnage d'Esther, la cousine de Mardochée qui — cachant sa religion — a été choisie comme reine par le roi Xerxès. Elle a adopté, paradoxalement sur le conseil de Mardochée, le profil bas, la clandestinité. Elle cache sa foi.
    Le rédacteur affiche donc deux modèles de conduite et à aucun moment ne pose de jugement, n'indique de préférence. Ce sont deux modèles parallèles qui ont chacun leur raison d'être, leurs avantages et leurs inconvénients. Je trouve remarquable qu'ils coexistent simplement. Dans notre pensée occidentale, cartésienne, logique et tellement binaire, nous voudrions trancher, déclarer l'un meilleur que l'autre. Ah, l'emprise de la pensée unique !   Là, non, entre Esther et Mardochée, chacun doit se déterminer selon sa conscience, sa situation, ses capacités.
    En fait, c'est égal. En fin de compte, lorsque la situation de crise surgit, qu'on aie adopté l'une ou l'autre position, il vient un moment où l'on doit se dévoiler et agir. C'est ce qui arrive à Esther. Lorsqu'elle apprend l'existence du décret d'extermination, elle va agir et dévoiler son identité au roi de manière à sauver son peuple. Il y a toujours un temps où l'identité est révélée par la nécessité de la situation. Chacun doit prendre ses responsabilités ou perdre son identité. Esther se dévoile donc.
    Il est frappant de voir dans la résistance de Mardochée qu'il 'y a aucune explication à son refus de se prosterner. La seul "explication" qu'il donne est  : "Je suis juif" (Esther 3:4). C'est aussi sur ce seul "titre" que les rafles se déroulaient sous le régime nazi. Il n'était pas question de savoir si ces juifs étaient pratiquants ou non, libéraux ou orthodoxes, de gauche ou de droite. L'antisémitisme ne s'explique pas par une pratique, par des attitudes, par des qualités ou des défauts des juifs, mais il se décrète, comme le fait le ministre Haman.
    Ainsi, "le juif" représente cette insupportable limite opposée à la toute-puissance humaine : en signalant que cette aspiration au pouvoir total est une usurpation d'un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu seul. En tant que peuple à qui Dieu a confié la Loi, la Torah, le peuple juif est devenu porteur et représentant de cette limite à tout abus de pouvoir.
    Celui qui veut abuser du pouvoir à son profit ne peut supporter ce rappel incessant de sa transgression. C'est le cas de Haman, le vizir du roi Xerxès. C'est pourquoi le texte rattache Haman — par sa généalogie — à Agag, le roi amalécite, l'ennemi de Saül. Les Amalécites avaient aussi été le peuple qui s'était opposé au passage sur leurs terres des hébreux sortis d'Egypte pour se rendre dans le pays de Canaan. Amaleq, Agag, Haman sont les représentations de la haine de la Loi, loi qui garantit le droit, le droit de chacun, mais aussi de la veuve et de l'orphelin.
    Le livre d'Esther nous rappelle qu'il y a une lignée du mal qui peut ressurgir à chaque époque et contre tous ceux qui prennent la défense des sans-voix ou des opprimés, en réaffirmant les limites que les puissants ne doivent pas dépasser.
    Ce mal a fait d'innombrables victimes : les juifs persécutés sous les perses, les grecs, les romains; Jésus lui-même; les chrétiens martyrs; les juifs à nouveau persécutés, mais par les chrétiens, jusqu'à la Shoa; plus proche de nous, Ghandi, Martin Luther King ou Mgr Romero; des chrétiens persécutés sous le régime soviétique ou dans certains pays musulmans.
    Le livre d'Esther rappelle à tous les lecteurs de la Bible le prix qu'il peut en coûter de témoigner de sa foi, de la dignité de tout être humain quel qu'il soit, y compris les combattants, y compris les présumés terroristes.
    La question que je me pose est de savoir si nous, chrétiens, avons assez lu le livre d'Esther ? Pourquoi, encore aujourd'hui, les juifs sont-ils davantage interpellateurs des pouvoirs extrêmes que les chrétiens ? Nous avons le même Dieu et la même exigence de respect de chaque être humain ! Pourtant, il me semble que bien des pouvoirs oppressants se développent chez nous, que ce soit des pouvoirs économiques ou les pouvoirs de surveillance issus de la lutte anti-terroriste.
    Où est notre pouvoir d'interpellation en tant que chrétiens ? Sommes-nous des croyants cachés comme Esther ? Mais nous réveillerons-nous au moment nécessaire ? Ne devraient-ils pas se lever quelques Mardochées, quelques provocateurs pour nous ouvrir les yeux afin de voir dans quelles situations nous nous prosternons jusqu'à terre devant des pouvoirs dont nous espérons tirer aussi quelques profits ou avantages ? Notre Eglise vaudoise est-elle trop assimilée qu'elle en perd son identité et avec elle, un à un, ses membres ?
    Je vous laisse ces questions que je me pose. Je n'ai pas moi-même des réponses à chacune d'elles, mais je pense que nous devrions y réfléchir sérieusement si nous ne voulons pas simplement nous dissoudre dans la pensée unique actuelle.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • Esther 1. (I) Un message pour les femmes

    Esther 1 - 2

    15.7.2007

    Esther I - Un message pour les femmes

    Esther 1 : 1-21    Esther 2 : 1-17    Esther 2 : 18-23


    Chers Amis,
    Pendant les trois prochains dimanches de ce mois de juillet, nous allons nous plonger dans le livre d'Esther, un récit peu lu dans nos Eglises protestantes. En effet, à la première lecture, le récit n'est pas très édifiant ni très moral et l'on n'y parle jamais de Dieu.
    En résumé, le récit nous présente la vie à la cour du roi perse Xerxès avec les intrigues de palais, la destitution de la reine Vashti, son remplacement par Esther. Puis un épisode où le "méchant" Haman s'en prend à Mardochée, un fonctionnaire juif, et par haine de Mardochée décrète l'anéantissement du peuple juif. Par un jeu habile d'interventions auprès du roi, Esther réussit à retourner le jeu de Haman, c'est lui qui finit sur le gibet qu'il destinait à Mardochée. Esther réussit ensuite à infléchir le roi de sorte qu'il permet aux juifs de se défendre, les armes à la main, contre leurs agresseurs mobilisés par le décret d'Haman. Le récit se termine donc par le massacre des ennemis des juifs et l'instauration d'une fête commémorative : la fête juive de Pourim.
    Le règne du roi perse Xerxès étant assez connu par l'archéologie, on peut être certain que cette histoire est une fiction placée à cette époque, mais écrite plus tardivement. Nous sommes donc en présence d'un roman biblique et non de la relation de faits historiques.
    Dans ce roman sont placés les craintes et les espoirs des juifs dispersés hors du pays d'Israël, ainsi que la confiance qu'ils ont dans une intervention divine qui retournerait l'histoire en leur faveur. Intervention divine —il faut le remarquer — qui passe entièrement par des intermédiaires humains, courageux et pleins de sagesse.
    Sous cette forme romancée, ce livre d'Esther nous envoie plusieurs messages. J'en ai retenu trois que je vais présenter ces trois dimanches : un message pour les femmes, un message pour les juifs en exil, un message pour les nations.
    Ce livre a deux héros : Esther et Mardochée, mais il est clair que c'est Esther qui a la première place. Le rôle de Mardochée est de mettre en valeur celui d'Esther. Mardochée est le tuteur d'Esther, il la conseille, il l'appuie, mais c'est elle qui agit et organise. Mardochée est un administrateur important à la cour du roi, mais Esther est la reine. Mardochée joue le rôle d'intermédiaire entre Esther et le peuple juif. mais c'est elle qui définit les tâches et commande.
    Dans les deux premiers chapitres du livre, il y a comme une mise en lumière du rôle imposé aux femmes dans l'empire perse, opposé au rôle de la femme juive.
    Le premier élément se trouve dans l'ordre du roi donné à la reine Vashti. Le roi, fortement éméché, veut exposer sa femme à l'admiration de ses convives. Il la traite comme un objet de spectacle pour susciter l'envie et l'admiration de ses sujets à son égard.
    Pour préserver sa dignité, la reine Vashti refuse, ce qui provoque un tollé dans l'administration : on ne peut pas tolérer une reine rebelle. Tous les foyers en seraient ébranlés. Tout est mis en œuvre pour rétablir la suprématie masculine, la reine Vashti est bannie.
    Mais on ne peut laisser le roi sans épouse… Alors s'organise la chasse à la nouvelle épouse. Les termes sont clairs, des jeunes filles sont enlevées à leurs familles, apprêtées pendant un an dans le harem royal, jusqu'à ce que le roi fasse son choix, comme on choisit de beaux fruits au marché. Les femmes ne sont que des objets pour le bon plaisir du roi.
    Pour accentuer cette chosification des femmes, le rédacteur emprunte des morceaux de phrases au récit de Joseph (le fils de Jacob, vendu en Egypte par ses frères) pour faire des parallèles. J'en cite deux. Dans la Genèse, il est dit à propos de la lutte contre la famine :
    "qu'on établisse des fonctionnaires dans tout le pays (…) qu'on rassemble toute la nourriture des bonnes années. (…) Ce discours plut à Pharaon." (Gn 41:34-37) et dans Esther à propos des jeunes filles :
    "que le roi établisse des fonctionnaires dans toutes les provinces du royaume, chargés de rassembler toutes les jeunes filles de bonne apparence (…) Ce discours plut au roi." (Esther 2:3-4).
    Deuxième exemple, à propos des soins de beauté à appliquer aux jeunes filles, le rédacteur écrit :
    "C'est le temps requis pour leurs toilettes" (Esther 2:12) ce qui renvoie dans le récit de la Genèse à la mort du père de Joseph, où l'on trouve l'expression suivante : "C'est le temps requis pour l'embaumement" (Gn 50:3).

    Clairement, le rédacteur du livre d'Esther dénonce cette exploitation des femmes qui se trouvent réduites à l'état d'objets, ce qui tue ce qu'il y a d'humain en elles.
    A l'opposé, nous est présentée Esther. Au commencement, elle est dans un rôle de victime, elle est orpheline, elle a perdu ses parents. Ensuite elle est emmenée loin de son cousin et de son peuple au harem, puis choisie par le roi.
    On remarque ici aussi le parallèle avec l'histoire de Joseph, vendu comme esclave, emmené en Egypte, jeté en prison, puis remarqué par le Pharaon.
    Mais c'est à cette place, qu'Esther n'a pas choisie, qu'elle prend sa vie en main et agit de sorte à être remarquée — par sa bienveillance dit le texte. C'est ainsi que — pour ses qualités humaines — elle est élevée au rang de reine. C'est à partir de cette situation, pas choisie, mais acceptée, qu'elle va jouer son rôle, un rôle où l'intelligence et la psychologie sont au premier plan.
    Comme Joseph, elle accède au pouvoir, souvent par l'intermédiaire de Mardochée. Elle est la tête, il est la main. C'est ainsi que, comme Joseph, il reçoit l'anneau d'or du roi (Esther 6:12 // Gn 41:43). C'est ainsi qu'Esther réussit à sauver son peuple du massacre que prévoyait le décret du premier ministre Haman.
    Nous avons donc, dans ce livre, la présentation d'une femme qui figure le messie, comme Joseph. Une femme qui sauve son peuple, par l'acceptation de son destin et le jeu de son intelligence. L'acceptation de son destin n'est pas une soumission ou une démission, mais la foi qu'en toutes circonstances — d'une épreuve ou d'un mal subi — peut surgir une opportunité ou un bien.
    S'il n'est jamais fait mention de Dieu par son nom dans ce récit, il est présent sous la forme d'une Providence qui justement alimente la transformation, la transfiguration d'un mal en bien, d'une épreuve en opportunité.
    Ce récit romanesque — que je vous encourage à lire en entier chez vous — nous ouvre donc à une lecture de notre propre réalité où découvrir la main de la providence divine. Elle est certainement dans le fait de nous donner à tous et à toutes une place et une valeur humaine — à ne pas nous laisser réduire à des objets — mais elle est sûrement également dans bien des événements de notre vie personnelle.
    A nous de nous retourner sur notre vie et à en lire le roman pour y voir la place que Dieu y a prise.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • 9.10.06 / Ecclésiaste 11."Jette ton pain à la surface des eaux…"

    Ecclésiaste 11
    9.10.2006
    "Jette ton pain à la surface des eaux…"
    Eccl. 11 : 1-6 Marc 4 : 26-29

    "Jette ton pain à la surface des eaux…" (Eccl. 11:1) (Ecclésiaste = Qohélet dans la TOB)
    Cette phrase de l'Ecclésiaste m'est venue à l'esprit après être tombé sur le même mot, le même jour, dans deux livres très différents. Ce mot qui est venu à moi par ces deux canaux différents, c'est le mot "régenter."
    Je l'ai rencontré dans le livre "Voyages" de Michael Crichton*1. Cet écrivain est l'auteur de la série TV "Urgences." Son livre "Voyages" est une autobiographie où il raconte son parcours, son évolution, sa quête spirituelle. Et il raconte dans l'un de ses voyages sa rencontre avec des villageois de Pahang en Malaisie. Un cerf était arrivé dans ce village quelques années auparavant. Le cerf tuaient les chèvres qu'élevaient les habitants, mais ils avaient accepté le cerf et, du coup, ils avaient cessé de manger leur mets favori. Pour Michael Crichton, il aurait fallu faire quelque chose, trouver une solution, changer la réalité etc., jusqu'à cette prise de conscience : "Les événements s'étaient chargés de me rappeler que j'avais des limites — des limites assez grandes, dans l'ordre général des choses — et que même si je le pouvais, il ne rimait à rien d'essayer de tout régenter." (p.215)
    Ce mot "régenter" je l'ai retrouvé le même jour dans "Les âges de la vie" de Christiane Singer*2. A propos de l'âge adulte elle écrit ceci : "le seul pouvoir auquel il (= l'adulte) puisse prétendre : [est] non celui de régenter les choses, mais de les pénétrer, de les connaître de l'intérieur et de les reconnaître (…)." (p.152)
    Ces deux auteurs, américain pour le premier, française pour la seconde, arrivent au même constat : nous nous épuisons, notre société s'épuise à vouloir tout régenter, tout contrôler (ou faire semblant de contrôler). Et ce contrôle se fait au détriment de la rencontre, au détriment du foisonnement de la vie, au détriment de l'imprévu des relations. C'est en écho à cela que m'est venue à l'esprit cette phrase de l'Ecclésiaste : "Jette ton pain à la surface des eaux…" (Qo 11:1)
    Jusqu'à ce jour je n'avais jamais compris cette sentence. Elle n'avait pas de sens pour moi. Comme conseil cela semble même absurde ! "Jette ton pain à la surface des eaux et avec le temps tu le retrouveras." « Même pôs vrai ! » dirait Titeuf. L'eau va engloutir le pain, ou ce seront les canards, les cygnes et les mouettes qui viendront le manger !
    Alors — si cette phrase veut dire quelque chose — que signifie-t-elle ? La traduction de la Bible en français courant remplace carrément cette phrase par une sorte de commentaire : "Engage-toi dans une affaire, même en courant des risques, un jour tu peux y retrouver ton compte." Voilà qui est pragmatique et qui colle bien avec le néo-libéralisme de notre XXIe siècle. Mais l'Ecclésiaste veut-il vraiment nous dire de nous précipiter pour investir dans le capital risque ? Je sais que le Sage qu'est l'Ecclésiaste est souvent terre-à-terre, mais de là à donner des conseils financiers, j'en doute. Jésus aussi a parlé finance (le débiteur impitoyable (Mt 18 :23-34), l'économe infidèle (Luc 16 :1-9), le paiement de l'impôt à César (Mc 12 :14-17)…) mais c'était toujours pour nous apprendre quelque chose sur les relations humaines et la relation à Dieu. Je crois que là aussi il faut transposer, quitter la finance pour entrer dans les relations humaines.
    Dans ce passage, le Sage dépeint quelques attitudes humaines avec des sortes de maximes ou de slogans très courts*3.

    v.1 "Jette ton pain à la surface des eaux, plus tard tu le retrouveras" c'est la confiance dans la vie, dans le destin.
    v.2 "Donne à sept, à huit même, on ne sait jamais sur terre ce qui peut arriver" c'est la mutualité, la réciprocité.
    v.3 "Les nuages chargés se déverseront sur la terre. Si sous le vend du sud ou sous le vent du nord l'arbre tombe. Là où est tombé l'arbre, là il reste" c'est le poids de la réalité, les limites incontournables qui conduisent à la fatalité.
    v.4 Si tu t'inquiètes du vent, tu ne sèmeras jamais. Si tu scrutes les nuages, tu n'auras pas de récolte" c'est l'expression de la peur qui paralyse.
    v.5 Tu ne sais pas la route du vent, tu ne sais pas où sont les os dans le ventre d'une femme enceinte, ainsi tu ne sais pas ce que Dieu fait, lui qui fait tout" c'est le non-savoir de l'homme face à l'œuvre de Dieu.
    Autant de maximes, autant d'attitudes face à la vie, au destin. Mais il y a aussi une invitation, au début des vv.1 et 2 et à la fin avec le v.6 "Dès le matin sème la semence, jusqu'au soir ne laisse pas reposer ta main. Tu ignores ce qui réussira, ceci, cela, ou les deux à la fois ?" Face à la fatalité et aux contraintes de la réalité (v.3), face à la peur paralysante (v.4), face à l'appréhension d'un avenir incertain (v.5) le Sage invite à la confiance (v.1), à la réciprocité (v.2) et au faire teinté de lâcher prise (v.6). L'action a son sens en elle-même, ce sens ne dépend pas de son résultat. Une action peut ne pas atteindre son but, cela n'a pas d'importance, c'est le chemin qui compte. L'important, c'est de semer, le reste en nous appartient pas, le reste ne se laisse pas régenter. C'est ce que nous dit Jésus dans la parabole de la semence qui pousse toute seule (Mc 4:26-29).
    Le Sage nous invite à ne pas avoir peur des incertitudes, il nous pousse même à "surfer" sur le non-savoir (v.5). On ne sait pas, mais finalement tout est entre les mains de Dieu, qui fait tout. C'est donc l'occasion de lui faire confiance, de miser sur Lui qui — dans ce qui nous échappe — donne tout de même un sens. Régenter, contrôler, c'est prendre le risque de limiter les chances que Dieu intervienne dans l'imprévu, dans les coïncidences, par le hasard des situations et des chemins. Régenter, contrôler, c'est se fermer à la possibilité de rencontres imprévues, de surprises. Le sage — tout en connaissant le poids du réel et des contraintes — nous invite à faire confiance en la vie, en la générosité de la vie, en nous permettant des actes dont nous ne contrôlons pas le devenir.
    "Jette ton pain à la surface des eaux." Maintenant, cette phrase peut déployer, révéler son sens. Pour cela nous devons la décortiquer comme une noix et voir ce que chacun des mots renferme, chercher le deuxième sens des mots.
    Commençons par la fin :
    - les eaux. On trouve les eaux dans le poème de la création. Elles représentent le chaos primordial : "l'esprit de Dieu planait sur la surface des eaux"" (Gn 1:2). On les retrouve dans le déluge, porteuses de mort. On les retrouve avec la passage de la Mer des Roseaux s'ouvrant pour laisser passer les hébreux et s'abattant sur l'armée du pharaon. Les eaux, c'est donc la mort.
    - à la surface de… c'est exactement la même expression que dans Gn 1:2. C'est littéralement "contre la face, contre le visage. Il y a une forte opposition.

    Jusque là, la phrase se transforme en "Jette ton pain contre la face de la mort." Il faut encore traduire la première partie de la phrase.
    - le pain. Dans l'évangile de Jean, Jésus dit : "Je suis le pain descendu du ciel" (Jn 6:51) et aussi "Je suis le chemin, la vérité et la vie" (Jn 14:6). Le pain est la base de la vie, la vie terrestre. On peut donc remplacer pain par vie.
    - jeter. On va encore remplacer "jeter" pour que la traduction soit complète, enlever le côté "se débarrasser de" tout en gardant le côté dynamique. Optons pour "lancer", comme lancer un projet.
    Cela donne finalement : "Lance ta vie contre la face de la mort" qui peut aller aussi bien dans le sens de "Vis ta vie en faisant un pied de nez à la mort" ou "Lance-toi à l'assaut de la mort."
    Vivre, c’est le contraire de se laisser à aller à la fatalité, à l'inquiétude face au risque ou à l'ignorance. Vivre vraiment, c'est se lancer à l'assaut de tout ce qui tue la vie, combattre tout ce qui tue nos relations, écarter tout ce qui nous ferme à la rencontre, toutes les gènes de déranger les autres, de les bousculer. Jésus disait : "Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra la retrouvera" (Lc 17:33). C'est la même chose ! Jette ton pain à la surface des eaux, lance-toi dans la vie !
    Amen


    *1 Michael Crichton, Voyages, Paris, Robert Laffont, 1998 (Pocket 10524)
    *2 Christiane Singer, Les âges de la vie, Paris, Albin Michel, 1990 (Espaces libres 8)
    *3 citations selon la traduction : La Bible nouvelle traduction, Paris Bayard, 2001

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

  • 27.8.06 / Ruth 4. Le message politique du livre de Ruth

    Ruth 4
    27.8.2006
    Le message politique du livre de Ruth
    Néh 13 : 1-3 Esd 9:1-4 + 10:1-3 Rt 4 : 7-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous sommes penchés sur le récit du livre de Ruth. J'ai abordé ce récit de différentes manières. Dans une lecture plutôt psychologique, nous avons vu comment trois femmes, Noémi et ses deux belles-filles Orpa et Ruth, adoptaient des attitudes différentes face à un événement semblable, le deuil de leurs maris. Dans une lecture théologique, nous avons vu comment ce récit est une parabole de la Providence divine, au travers des nombreuses bénédictions qui sont reçues et échangées.
    Aujourd'hui, j'aimerais aborder une autre facette de ce récit, c'est la portée politique de ce livre ! Cela peut paraître bizarre de penser que ce récit de mariage champêtre peut revêtir une signification politique. En effet, cette dimension politique n'est pas immédiatement visible, elle est comme camouflée par le côté léger, idyllique, romantique de cette histoire. Eh bien, je crois que ce côté masqué est voulu et qu'il a permis que ce livre soit intégré dans la Bible.
    En effet, le livre de Ruth, tel que nous le lisons aujourd'hui, est porteur d'un courant politique minoritaire au moment de la formation de la Bible. Ce livre présente donc deux niveaux de lecture — dus probablement à deux étapes de rédaction.
    Le premier niveau de lecture est de l'ordre du roman qui présente des personnages, une intrigue, un drame et un dénouement heureux, l'histoire de ces femmes qui doivent reprendre pied dans l'existence et qui reçoivent les bénédictions de Dieu au travers d'un homme respectueux de la Loi, qui fait son devoir légal, puis est béni en retour par un beau mariage. A ce niveau de lecture, c'est un récit hors du temps, qui n'a pas de connexion avec la réalité historique.
    Dans un deuxième temps, dans le contexte du retour de l'Exil à Babylone, un rédacteur rajoute quelques mots à la première phrase pour inscrire ce récit dans la chronologie de l'histoire d'Israël : "A l'époque où les juges exerçaient le pouvoir en Israël…" (Rt1:1) et ajoute un demi verset à la fin du récit : Obed fut le père de Jessé, père de David." (Rt 4:17). Il complète enfin le livre par la liste des ancêtres de David depuis Pérès, déjà nommé dans le récit.
    Ces deux petites adjonctions ont deux effets. Le premier, c'est d'inscrire cette petite histoire dans la grande Histoire : maintenant elle raconte quelque chose sur les antécédents du roi David, elle prend de l'importance et cela explique pourquoi il faut l'inclure dans la liste des livres bibliques.
    Le deuxième effet — et c'est là sa portée politique — c'est de placer un femme étrangère (moabite de surcroît) dans la généalogie du roi David, le héros d'Israël, la figure du Messie. Au temps de l'Exil et après, David est le modèle du Messie à venir, celui qui devra redonner sa splendeur et son indépendance politique à Israël, malgré le fait d'avoir du sang moabite dans les veines.
    Pourquoi cette femme moabite, Ruth, a-t-elle une portée politique dans ce retour d'Exil ? Il faut rappeler que l'Exil a été une terrible épreuve pour l'identité d'Israël. Jérusalem détruite, le peuple a perdu son Roi, son Temple et sa Terre. Comment expliquer cela en gardant sa foi en Dieu ? Habituellement, lorsqu'un peuple perdait tout, on en concluait qu'il ne s'était pas adressé à la bonne divinité, puisque celle-ci n'avait pas réussi à le protéger.
    En Israël, les choses ne se sont pas passées ainsi. Ce n'est pas Dieu qui a failli, c'est la faute du peuple et surtout de ses dirigeants. S'il y a un exil, c'est à cause de la désobéissance d'Israël, c'est une punition divine, temporaire. Et le retour d'Exil est vu comme une seconde chance : dès maintenant, par l'obéissance de tous à la Loi de Moïse, le peuple d'Israël va regagner sa terre et pouvoir y rester.
    Mais pour rester sur la terre promise, il ne faut plus se laisser aller à la désobéissance et à l'idolâtrie. La sécurité passe par le culte du Dieu unique. Et un courant majoritaire se dessine (on le voit dans Esdras/Néhémie) qui accuse les étrangers implantés en terre d'Israël d'être la plus grande menace pour eux et pour le culte. Ainsi Néh 13:3 dit : "Lorsque les Israélites entendirent la lecture de cette interdiction, ils décidèrent d'exclure de leur communauté tous les étrangers." Cette interdiction lue devant le peuple se trouve dans Deutéronome 7:1-7.
    Il y a donc, en ce temps-là, post-exilique, un courant, une veine nationaliste très forte qui veut exclure les étrangers, notamment en demandant à tous les juifs qui ont épousé une étrangère de la renvoyer. Nous avons entendu cela dans le livre d'Esdras. Le mariage entre juifs et étrangères est proscrit, parce qu'il est vu comme un risque de contamination idolâtrique. Les livres d'Esdras et de Néhémie sont les principaux vecteurs de cette pensée nationaliste, à son stade le plus intransigeant.
    Cette veine nationalise, de pureté ethnique, se retrouve aussi, mais entremêlée avec une veine universaliste, dans les livres du Lévitique, du Deutéronome, de Samuel et des Rois. La veine universaliste se signale par tous les rappels "souvenez-vous que vous avez été étrangers en Egypte" (Dt 24:22, par ex.). La veine nationaliste dénonce les rois qui se laissent entraîner par leurs épouses vers les cultes étrangers (1 Rois 11:1-13 par. ex.).
    La veine universaliste pure est le combat politique du livre de Ruth, comme il l'est de la majorité des prophètes, avec, comme fer de lance, la deuxième et la troisième partie d'Esaïe.
    Ces deux veines sont donc présentes dans la Bible, comme elles sont présentes dans le monde, comme elles sont présentes en Suisse. D'un côté, les partisans — comme Esdras/Néhémie — de la pureté du peuple et de l'expulsion des étrangers, des femmes étrangères et de l'autre, les partisans du livre de Ruth qui appellent à ne pas juger par généralisation et a priori, mais de regarder la personne et la situation, indépendamment des origines et de la provenance.
    Cette lutte entre ces deux tendances se retrouve aussi au cœur du Nouveau Testament. Ainsi, Matthieu souligne l'ouverture universaliste du message de Jésus en incluant Ruth dans sa généalogie (Mt 1:5). Matthieu n'inclut que quatre femmes dans les 42 générations évoquées. Avoir choisi Ruth parmi celle-ci a certainement une signification !
    Dans le livre des Actes, on voit aussi ce combat entre l'ouverture ou la fermeture de l'Eglise aux païens prendre place entre l'apôtre Jacques, le frère de Jésus, et Pierre, puis Paul (Actes 15). Chaque époque est replacée devant ce choix.
    Le récit du livre de Ruth prend clairement position : c'est l'attitude personnelle de Ruth, vis-à-vis de sa belle-mère et de Dieu, qui en fait un personnage attachant et digne d'entrer dans la lignée du Christ. Les amies de Noémi le soulignent lorsqu'elles disent : "Ta belle-fille vaut mieux pour toi que 7 fils" (Rt 4:15).
    Aujourd'hui, chez nous, à nous de savoir si nous voulons adopter une attitude défensive et craintive ou avancer dans ce courant universaliste du livre de Ruth.
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)

  • Ruth 2. La bénédiction est le signe de la présence de Dieu

    Ruth 2
    13.8.2006
    La bénédiction est le signe de la présence de Dieu
    Dt 24 : 19-22 Rt 2 : 1-13 Rt 2 : 14-23

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous continuons notre exploration du livre de Ruth, l'histoire de cette veuve Moabite, donc étrangère à Israël, qui s'attache à sa belle-mère Noémi et la raccompagne à Bethléem. Une fois réinstallées, elles doivent vivre, subvenir à leurs besoins. C'est pourquoi Ruth s'en va glaner dans les champs, puisque c'est le temps de la moisson.
    Glaner, c'est chercher les épis que les ramasseurs qui suivent les moissonneurs oublient ou perdent dans les champs. C'est récolter les miettes qui tombent de la table des riches. La Loi de Moïse que nous avons entendue dans le Deutéronome, essaie de donner un peu plus de chance aux glaneuses : elle interdit aux propriétaires ou aux moissonneurs de passer deux fois dans leurs champs. Mais le résultat du travail des glaneuses restera toujours précaire et aléatoire.
    Les glaneuses dépendent du bon vouloir du propriétaire. Et là — ce que le récit nous montre— c'est que Booz est un propriétaire généreux. Booz accueille Ruth, il la protège en avertissant ses ouvriers pour qu'ils ne l'importunent pas. Il l'invite à partager son repas. Il la favorise même discrètement en demandant à ses ouvriers de laisser exprès des épis par terre !
    Lorsque Ruth revient à la maison et raconte sa journée, Noémi réagit tout de suite en s'exclamant : "Que Dieu bénisse celui qui a été bon pour toi" (Rt 2:19). Le bien que Booz fait transforme la vie de ces deux femmes. A leur tour elles souhaitent du bien à leur bienfaiteur et ainsi la bénédiction circule des uns aux autres.
    C'est une des caractéristiques de ce livre de Ruth : la bénédiction, le bien, va en s'amplifiant en circulant d'une personne à une autre. Cette amplification du bien, de la bénédiction, est le signe de la présence de Dieu dans ce récit. Une présence discrète, silencieuse, mais constante. Elle n'a rien de spectaculaire, puisqu'elle passe par des gestes tout humains, mais elle est là et rend la vie plus facile, plus légère.
    Booz fait du bien, pour le plaisir de faire du bien, pour enrichir le monde de bonté. Booz n'a aucune arrière-pensée, il ne calcule pas, il ne poursuit pas de but. Nous qui connaissons la suite de l'histoire pourrions penser que Booz agit ainsi en vue de son mariage avec Ruth. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Le texte montre bien — dans le 3e chapitre — que c'est Ruth qui prend toutes les initiatives.
    Booz fait le bien pour le bien, car il a compris le fonctionnement de la bénédiction (il n'est pas agriculteur pour rien !) : on récolte ce qu'on sème. C'est ainsi dans la vie, l'amour donné gratuitement revient sous de nouvelles formes, souvent inattendues. Il ne grandit que lorsqu'il circule sans arrière-pensées ou calculs. C'est ainsi que Noémi reconnaissante demande à Dieu de bénir Booz en retour.
    Le thème de la bénédiction divine est un thème qui parcours toute la Bible, même si souvent nous la négligeons. J'ai souvent entendu, dans mes visites de classes, des enfants demander : "Mais pourquoi Dieu n'agit-il plus aujourd'hui comme au temps de Moïse, lorsqu'il a ouvert la mer ?"
    C'est vrai que de nos jours, nous n'arrivons plus à voir Dieu intervenir visiblement dans le cours de l'Histoire. Mais quand nous disons cela, nous négligeons au moins la moitié de la Bible, Ancien Testament compris. Bien sûr, il y a, dans le Pentateuque, le noyau important de la sortie d'Egypte où Dieu intervient par des événements extraordinaires. Mais la Bible affirme aussi, avec insistance et longuement, que Dieu agit dans la vie des humains au travers de ses actes de bénédiction.
    Tout le livre de la Genèse, depuis Noé jusqu'à Joseph, en passant par Abraham, Isaac et Jacob, nous montre comment Dieu bénit l'humanité au travers des naissances et des liens de filiations. A travers les généalogies, la vie continue, la vie renaît, recommence. Et chaque naissance est un renouveau et une bénédiction, un avenir ouvert ! La suite des générations est une bénédiction divine.
    Et puis le livre du Deutéronome qui clôt le Pentateuque met, lui, l'accent sur la bénédiction que constitue le don d'une terre, d'un pays où coulent le lait et le miel. La production de la terre, le produit du travail des humains, sont vus comme une bénédiction divine.
    Et c'est bien ainsi que le conçoit Booz. Il reçoit tout comme venant de la main de Dieu. Ensuite il est plus facile de donner, d'être généreux, si l'on considère que tout ce que l'on possède ou tout ce que l'on acquiert nous a été donné comme une bénédiction.
    Dans le récit, Booz devient la figure de la Providence divine, celui qui accueille, celui qui invite à partager son repas, celui qui protège, celui qui favorise en nous donnant l'occasion de recevoir.
    Qu'est-ce qui nous empêche de voir dans nos vies la présence de cette bénédiction continue de Dieu ? Qu'est-ce qui nous empêche de la reconnaître dans ce qui nous arrive ? Qu'est-ce qui nous empêche de la recevoir et de la communiquer autour de nous ?
    Nous voyons bien que le monde et plutôt engagé sur le chemin de la vengeance et dans la spirale de la violence. Le livre de Ruth nous apprend que la spirale du bien est aussi une option. Que jour après jour Dieu place quelques épis de bonheur que nous pouvons glaner dans le champ de notre existence, si nous nous faisons assez humbles pour partir glaner plutôt que d'attendre ce qui nous revient de droit !
    Engageons-nous dans le cycle, la spirale de la bénédiction pour semer le bonheur et la joie autour de nous et il y aura toujours quelqu'un pour dire "Que Dieu bénisse celui qui a été bon pour toi !"
    Amen
    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)

  • Ruth 1. Après le deuil, le bonheur est-il possible ?

    Ruth 1
    6.8.2006
    Après le deuil, le bonheur est-il possible ?
    Rt 1 : 1-22

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour ces prochains dimanches du mois d'août, j'ai choisi de vous parler de l'histoire de Ruth la Moabite. On a l'habitude de l'entendre comme une jolie histoire d'amour champêtre où la jeune et jolie Ruth s'éprend de (ou séduit) Booz, le riche propriétaire… et tout cela finit par un beau mariage.
    Cette lecture — façon Collection Arlequin — risque cependant de nous faire perdre les aspects plus piquants, voire choquants, et plus dramatiques de l'histoire. Cette lecture romantique risque aussi de nous faire passer à côté des vraies leçons de vie du récit, et même de ses implications politiques. Je ferai donc trois lectures de ce récit : aujourd'hui une lecture plutôt psychologique, dimanche prochain une lecture théologique et finalement le dimanche 27 août, une lecture politique.
    L'histoire de Ruth est une belle histoire, puisqu'elle finit bien. Ruth se marie avec l'homme qu'elle a choisi, elle enfante un fils, ce qui l'inscrit dans la lignée généalogique d'où sortira le roi David et le Christ. Voilà un destin merveilleux qui semble sortir tout droit d'un conte de fée.
    Ce qui différencie ce récit du conte de fée cependant, c'est que ce bonheur s'est construit dans la douleur. Il n'y a pas de princesse, il a une veuve, Ruth — belle-fille d'une autre veuve — qui arrive comme étrangère dans un pays qu'elle ne connaît pas. Il n'y a pas de prince charmant, il y a deux hommes qui ont des droits sur Ruth et qui peuvent l'acheter sans qu'elle ait son mot à dire. Il n'y a pas de château, il y a la pauvreté qui oblige Ruth à aller glaner dans les champs, ramasser les restes négligeables abandonnés derrière les moissonneurs, moissonneurs qui ne manqueront pas de l'importuner, voire de la violenter si elle n'a pas de protecteur.
    Comment donc, à partir de cette situation de départ, veuvage, dépendance, pauvreté, vulnérabilité, cette histoire peut-elle déboucher sur le bonheur ?
    C'est justement à cause de cela, à cause de cette distance franchie entre le malheur et le bonheur que ce texte est un récit si attachant. Il pose en effet crûment la question : le bonheur est-il possible ? Et il répond oui, mais il ne le fait pas par des artifices merveilleux ou une atténuation de la dureté de la réalité.
    Le récit part de situations réelles, fréquentes, banales. Le récit part de la réalité la plus pénible pour l'être humain : le deuil. Le récit ne nous présente donc pas un bonheur construit sur du bonheur, mais un bonheur qui sort, qui s'extirpe du malheur. Quand le malheur frappe, la route du bonheur n'est pas fermée ! Contrairement à ce qu'on croit d'habitude.
    Comment voit-on cela dans le récit ? Nous sommes en présence de trois femmes, toutes veuves. Trois femmes blessées dans leur chair, dans leur relation conjugale. Trois femmes et trois chemins différents.
    D'abord Noémi, partie avec son mari et ses deux fils pour fuir la famine et chercher un nouvel horizon, une nouvelle vie. Le pays qui devait leur apporter la prospérité se révèle le pays du deuil. Noémi perd son mari. Ses fils se marient, mais décèdent à leur tour. Noémi le dira elle-même : "Je suis partie les mains pleines et je reviens les mains vides" (Rt 1:16-17).
    Elle quitte Moab et retourne dans son pays, retour au point de départ, retour vers ses racines, mais aussi pour elle retour en arrière. Elle voit sa situation comme pire qu'auparavant. On peut ajouter qu'elle ne voit que le négatif, elle ne remarque pas ce qu'elle a ou ce qu'elle a en plus : elle est à nouveau sur sa terre, dans son peuple; elle a gagné une belle-fille, Ruth.
    L'écueil au bonheur que nous présente le caractère de Noémi, c'est de ne pas regarder tout le champ de la réalité, c'est de ne pas compter — à cause de sa souffrance — la partie positive de la réalité qui existe à côté de ses malheurs et de sa souffrance. Certes, le positif n'annule pas le négatif, mais il est là comme un terreau, une plate-forme où un nouveau bonheur peut prendre racine.
    Ensuite, il y a Orpa, la première belle-fille de Noémi. Elle vit aussi le deuil de son mari, le fils de Noémi. Elle pense accompagner Noémi dans son retour en Israël, mais ne le fait pas, finalement. Elle est tentée par une nouvelle vie, ailleurs que dans le lieu de son malheur, mais elle renonce. Elle a sûrement de bonnes raisons. En restant sur sa terre, elle évite le statut d'étrangère qu'elle aurait en Israël. Elle évite de perdre son statut de femme libre (en terre de Moab, la société était matriarcale ! v.8 "rentrez chez votre mère" dit Noémi). Ainsi donc Orpa renonce au changement et préfère rester sur la terre de son deuil.
    Cela me fait penser à la phrase de Max Frisch : "Quand on a plus peur du changement que du malheur, comment éviter le malheur ?"
    Ruth, elle, va choisir le chemin du changement. elle veut quitter la terre du malheur. Elle préfère partir vers l'inconnu que rester dans le malheur. Elle prend des risques, ceux que sa belle-sœur n'a pas voulu affronter : être étrangère, perdre ses droits de femme libre. Elle fait le choix du départ et le choix de l'attachement. Ce départ n'est pas une fuite loin du malheur, c'est un acte de foi en la vie, en l'attachement à Noémi et à son Dieu. Avec eux elle peut affronter l'inconnu et la nouveauté.
    Cette audace — « je change de pays, je change de parenté, je change de Dieu » — est bien ce qui caractérise Ruth. Elle n'est pas une jeune fille naïve qui se laisse aller aux hasards de la vie. C'est ce qu'on voit dans les chapitres suivants. Dans l'espace minuscule que lui laissent les contraintes sociales de son temps, elle prend sa vie en main (Rt 2:2), elle donne de petites impulsions pour faire basculer son destin dans les bras de l'homme qu'elle choisi (Rt 3:9).
    Le bonheur de Ruth n'est pas construit sur des circonstances favorables et l'absence d'épreuves ou de malheurs. C'est au travers de sa confiance dans la vie — marquée par son attachement à Noémi et à Dieu — qu'elle arrive à voir les situations favorables et ainsi petit à petit faire basculer son destin.
    Nous verrons dimanche prochain comment cette confiance en la vie, en la générosité de la vie, est confessée comme un don de Dieu dans le livre de Ruth.

    ...suite demain dans Ruth 2

    © 2006, Jean-Marie Thévoz

    Fait partie de la suite : Ruth 1 / Ruth 2 / Ruth 4 (il n'y a pas de Ruth 3)