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eunuque

  • De l’exclusion à l’accueil

    Actes 8

    8.2.2019

    De l’exclusion à l’accueil

    Esaïe 53 : 1-10         Actes 8 : 26-39

    télécharger le texte : P-2019-02-08.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Les protestants sont très attachés à la lecture de la Bible, et à faire jouer — comme en stéréo — l’Ancien et le Nouveau Testament. Comment comprendrait-on le Nouveau Testament sans une connaissance de l’Ancien Testament ?

    Nous en avons un exemple dans ce récit de la rencontre de Philippe et de l’eunuque éthiopien. Cet homme est allé “adorer Dieu à Jérusalem”. Mais comme étranger et comme eunuque, il n’a pas eu droit d’entrer dans le Temple de Jérusalem. La loi interdit l’entrée des lieux saints aux eunuques. Il n’a pu aller que jusqu’à la cour des païens. Cette rebuffade n’a pas éteint sa quête de Dieu. Il retourne dans son pays avec le rouleau du prophète Esaïe.

    Au moment où Philippe arrive — et l’entend lire à haute voix comme c’était l’habitude dans l’antiquité — cet homme est en train de lire le passage d’Esaïe que je vous ai lu. On appelle ce passage le “Poème du Serviteur souffrant”. Un passage qui a été lu par la jeune communauté chrétienne comme annonçant la Passion du Christ. Il faut imaginer que la première communauté chrétienne ne dispose pas encore du Nouveau Testament! Paul n’est même pas encore converti (cela se passe un peu plus tard dans le livre des Actes). Pour comprendre la trajectoire et la destinée de Jésus, les premiers chrétiens ne disposent que de l’Ancien Testament. Ils ont le récit des disciples qui ont vécu avec Jésus et accompagné — de loin — la Passion de Jésus. Un destin terriblement difficile à comprendre.

    Ici, le fonctionnaire éthiopien lit ce “Poème du Serviteur souffrant”. Il ne comprend pas, et il y a de quoi. Comment comprendre qu’un envoyé de Dieu soit vilipendé, accusé, maltraité, sans répondre. Sans que Dieu le sorte de là ? Il est comme l’agneau qu’on mène à l’abattoir, sans défense, sans défenseur. Philippe va expliquer au fonctionnaire éthiopien que ce Serviteur souffrant, c’est ce Jésus qui a été crucifié. Que ce Jésus est l’agneau qui porte les malheurs de l’humanité. Ce qui revient à dire que Dieu a changé de place. Il n’est pas magnifique dans un Temple érigé de main d’homme — ce Temple auquel l’eunuque n’a d’ailleurs pas eu accès — il est celui qui partage les malheurs de l’humanité, il est du côté des humiliés, des petits, des sans voix.

    L’eunuque qui a été privé d’entrée dans le Temple et qui a sûrement dû être au moins moqué, si ce n’est discriminé du fait de sa constitution, s’est senti reconnu, réhabilité. Il se sent compris, invité à s’associer avec ceux qui suivent ce Jésus accueillant. Aussi bien demande-t-il s’il y a un obstacle à être baptisé, c’est-à-dire inclus dans la communauté de ceux qui suivent le chemin de Jésus. Il n’a pu entrer dans le Temple, mais il est accueilli dans l’Eglise. Il reçoit le baptême de la main de Philippe. Dieu ne veut pas de portillon pour filtrer les entrées dans le Royaume.

    Le banquet du Royaume est ouvert à tous, d’autant plus que ceux qui avaient reçu un carton d’invitation ne se sont pas donnés la peine de venir. Se retrouvent donc à la table du Seigneur ceux qui pensaient ne pas être dignes d’être invité, d’avoir une place à sa table. Ce récit est une invitation à ne pas mettre d’obstacles — nous les humains — là où Dieu les a déjà abolis. La communauté de ceux que Dieu appelle et accueille pourrait bien nous surprendre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Esaïe 56. Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56
    1.11.2015
    Quelle communauté l’Évangile construit-il ?

    Esaïe 56 : 1-7     Matthieu 5 : 1-10

    Télécharger le texte P-2015-11-01.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd’hui nous vivons un culte de reconnaissance pour toutes les personnes engagées dans la paroisse, les bénévoles qui font tourner la paroisse, qui animent des activités, qui donnent de leur temps, occasionnellement ou régulièrement. Ensemble, tous ensemble, nous formons l’Eglise, dans sa diversité et dans son unité.
    Aujourd’hui nous fêtons également le dimanche de la Réformation. Nous rappelons ainsi les événements qui ont façonné notre manière de formuler notre foi réformée. Dans deux ans, en 2017, nous allons fêter le 500e anniversaire du début de la Réforme, qu’on date du 31 octobre 1517, le jour ou Martin Luther a affiché les thèmes qu’il voulait voir débattus par les théologiens.
    Une démarche commence dès maintenant pour nous préparer à cet anniversaire. Avec le prochain Bonne Nouvelle que vous allez recevoir à la fin de la semaine, vous trouverez une petite brochure intitulée : « Réformés ? Et alors ! 40 thèmes pour agir… » Quarante thèmes sont proposés à notre réflexion dès maintenant et pour toute l’année 2016, avec pour but de transformer ses réflexions en proposition de formulations modernes et contemporaines de l’Évangile. Ces formulations actualisées seront exposées ensuite pendant toute l’année anniversaire 2017 au niveau Suisse par la FEPS. Chacun, chacune, chaque paroisse est invitée à participer à ce processus.
    Pour aujourd’hui j’ai choisi de vous présenter le thème 3 « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le texte biblique qui accompagne cette question est le texte d’Esaïe 56 que vous venez d’entendre.
    Un petit mot sur le contexte dans lequel est écrit ce texte. Cet oracle de la troisième partie du livre d’Esaïe a été prononcé après le retour de l’Exil, retour autorisé par l’empereur perse Cyrus. Les textes contemporains, dans la Bible, sont les livres d’Esdras et de Néhémie. La situation historique est la suivante : 47 ans plutôt (en 587 av. J.-C) le pays de Juda a été envahi par les babyloniens. Les élites et une partie de la population a été déportée à Babylone, le Temple et la ville de Jérusalem ont été détruits.
    Pendant ces 47 ans, dans le pays de Juda, ceux qui sont restés ont occupé les maisons et les terres de ceux qui sont partis ; d’autres personnes s’y sont aussi installées. Ceux qui ont été déportés à Babylone y ont refait leur vie, se sont mélangés à la population babylonienne et on élaboré une foi juive qui peut se vivre hors du pays et sans le Temple de Jérusalem. Après l’édit de Cyrus autorisant le retour (en 540 av. J.-C), certains reviennent au pays dans l’idée de reprendre leur vie d’avant. Mais voilà, le temps ayant passé, rien n’est comme avant. Des étrangers occupent leurs maisons et leurs terres et eux-mêmes sont considérés comme des étrangers par ceux qui sont restés sur place. Il y a deux populations qui se considèrent chacune être le peuple légitime et les autres comme des étrangers. Ils ont une origine commune, mais ont eu des chemins différents. Qui est l’étranger ? Qui occupe légitimement le pays ? Qui est le vrai peuple de Dieu ? Pour répondre à cette question nous pouvons regarder dans le livre d’Esdras ou dans le livre d’Esaïe, et trouver des réponses opposées.
    Esdras défend le maintien d’une lignée ethniquement pure et préconise le renvoi des épouses babyloniennes (Esd 9—10). Au contraire Esaïe, dans les lignes que vous avez entendues, préconise le regroupement de tous ceux qui reconnaissent Dieu et observent ses commandements, quelle que soit leur provenance, leur appartenance ethnique ou leur origine. Ce qui importe, c’est l’adhésion à la justice de Dieu, c’est la foi et le culte.
    Ce qui est intéressant, c’est qu’Esaïe ajoute à la problématique de l’étranger celle de l’eunuque. Dans la loi de Moïse (Dt 23:2; Lév 21:20-21), l’eunuque est rejeté de la communauté de foi et du sacerdoce parce qu’il ne peut pas avoir de descendance, donc son nom ne sera pas transmis, son nom va s’effacer de la surface de la terre. Et cela, c’est une une malédiction aux yeux de la loi juive. Mais voilà que, dans la bouche d’Esaïe, Dieu déclare qu’il va écrire le nom des sans-descendance sur les murs du Temple et que ceux-ci auront mieux que des fils et des filles. S’ouvre ici le thème de la vie éternelle, voire de la résurrection, une vie qui n’est pas attachée à la transmission des gènes ! Esaïe transmet ici une parole de Dieu qui ouvre à l’inclusion, qui lutte contre l’exclusion.
    Mais ce qui est intéressant à relever dans cette parole d’Esaïe, c’est qu’il n’est pas question d’une exclusion de l’étranger ou de l’eunuque par les autres, mais d’une auto-exclusion ! « Il ne faut pas que l’étranger aille s’imaginer : le Seigneur me met à l’écart ! Il ne faut pas non plus que l’eunuque se mette à penser : je suis en arbre sec ! » (v.3)
    Combien de fois n’imaginons-nous pas des jugements de la part de Dieu. Jugements qui ne sont que dans nos têtes, mais pas dans la pensée divine. Combien de fois pensons-nous être indignes d’approcher de Dieu, alors que lui nous attend et nous espère. Ne confondons pas nos pensées, nos projections et celle de Dieu.
    C’est souvent ce qui nous piège avec l’Eglise. Nous pensons à telle ou telle barrière, alors que cette barrière est dans notre tête, pas dans la pensée de Dieu. Dieu n’attend pas des gens parfaits, impeccables. Jésus n’a-t-il pas proclamé, dans les béatitudes, heureux les pauvres, heureux ceux qui sont tristes, heureux les doux-naïfs, heureux les miséricordieux, heureux les persécutés. Ce ne sont pas des héros. Heureux, non pas ceux qui baignent dans le bonheur, mais heureux parce que nous sommes pleinement accueillis par Dieu, acceptés par Dieu. L’accueil de Dieu est large, c’est pourquoi la maison de Dieu est dite être « une maison de prière pour tous les peuples » (v.7).
    Appartiennent au peuple de Dieu, non pas ceux qui sont d’une certaine condition, mais ceux qui agissent de la façon que Dieu désire. Le croyant n’est pas celui qui jouit d’une certaine condition, mais celui qui adhère, celui qui se joint au projet de Dieu.
    Nous n’avons pas d’avenir comme protestants si nous ne comptons que sur notre descendance pour maintenir vivante la foi protestante. Alors nous ne serions que des eunuques dans le nom va s’éteindre. Pourtant Dieu fait cette promesse de pérennité qui sera mieux que des fils et des filles. Nous avons une transmission spirituelle a assurer, parce que l’Évangile est un projet de vie. Jésus-Christ nous a transmis des valeurs de vie qui ont un sens et une place dans notre société.
    Au point de départ de notre réflexion de ce matin il y avait cette question : « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le Christ rassemble des hommes et des femmes avec leurs faiblesses et leurs insuffisances, leurs capacités et leurs compétences : NOUS. Nous ne sommes pas une élite ou des gens particulièrement forts, parce que Dieu ne met pas de barrière, pas de filtre, pas de tri à l’entrée des églises.
    Mais, c’est l’Évangile qui rend les gens plus forts, qui rend la communauté forte et solidaire. Ensemble nous sommes renforcés et rapprochés de Dieu. Ensemble nous pouvons ouvrir nos portes à l’image du cœur ouvert de Dieu. Ensemble nous pouvons faire de l’Eglise une maison de prière pour tous les peuples.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • Esaïe 56. En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.

    Esaïe 56

    8.11.2009
    En attendant que Dieu nous rassemble tous ensemble devant Lui.
    Es 56 : 1-8    Jn 4 : 19-30    

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour comprendre les paroles du livre d'Esaïe que nous venons d'entendre, il faut expliquer les circonstances qui prévalent lorsqu'elles sont dites. Ces paroles ouvrent la troisième partie du livre d'Esaïe, celle écrite après le retour de l'Exil à Babylone.
    Bref rappel des faits. En 587 av. J.-C. l'empire babylonien s'empare de Jérusalem, détruit le Temple de Salomon et déporte les élites du pays vers Babylone. Une partie des Israélites se réfugie en Egypte. C'est donc une dispersion et un exil. En 540, les Perses — avec Cyrus à leur tête — défont les babyloniens et permettent aux israélites de rentrer chez eux à Jérusalem.
    La situation au retour est difficile : (i) il s'est passé près de 50 ans entre le départ et le retour. (ii) Sur place les maisons et les terres des exilés ont été occupées, par ceux qui sont restés ou par des populations voisines, étrangères. (iii) Ceux qui arrivent d'exil de Babylone ou de leur refuge en Egypte sont des "secondos" ou des 3e générations. Ils ne sont pas bien accueillis. Ils ne sont pas reconnus comme des "autochtones", mais vus comme des étrangers.
    Il y a donc au moins trois catégories de personnes qui habitent le pays :
    - Les Israélites qui ne sont pas partis. Ils sont considérés comme des sortes de traîtres ou de collaborateurs par les exilés.
    - Les populations voisines qui ont profité du vide pour s'installer. Ils sont vus comme des étrangers et des païens.
    - Ceux qui reviennent, porteurs de leurs souffrances d'exilés ou de réfugiés, qui s'attendent à être accueillis et fêtés, mais qui sont vus comme dérangeants et quasi étrangers.
    Tout cela est générateur de tensions, tensions ethniques et tensions religieuses. Chacun essaie de justifier son droit à habiter le pays. C'est la période où chacun se construit une généalogie et des racines pour justifier sa place, son bon droit.
    C'est là que la Parole de Dieu est adressé au prophète pour dire à tous :
    "Mon salut vient pour ceux qui respectent le droit et pour ceux qui pratiquent la justice."
    Peu importe la généalogie, la provenance, l'origine, ce qui compte aux yeux de Dieu, c'est le droit, la justice et le respect du sabbat, c'est-à-dire de faire une place à Dieu dans sa vie. Et le prophète donne des exemples où la pensée de Dieu diffère de la pensée humaine : le sort de l'étranger et le sort de l'eunuque. Les deux ont une place dans le peuple de Dieu.
    C'est tout à fait choquant, c'est un retournement des positions précédentes ! Le Deutéronome (Dt 23:2) exclut les hommes mutilés de l'assemblée du culte. Il exclut même tous les handicapés du service dans le Temple (Lév 21:16-23). Et voilà que Dieu change la Loi. Même les eunuques, même les handicapés ont une place dans le peuple de Dieu, dans le service du Seigneur ! Halte à l'exclusion, à la discrimination, les exclusions sur l'apparence physique sont terminées.
    Et il en est de même avec les étrangers, continue le prophète. Ils sont inclus dans l'alliance de Dieu. Le mot d'ordre final c'est : "J'en ai déjà rassemblés, j'en rassemblerai d'autres encore." (Es 56:8).
    Et c'est bien ce qui va se passer avec Jésus. Jésus va lui-même reprendre ce passage d'Esaïe : "La maison de mon Père est une maison de prière pour tous les peuples." (Mc 11:17). Et comme toujours, Jésus le réalise en acte aussi.
    Il a toujours refusé l'exclusion par le handicap : il touche les aveugles et les sourds, il s'approche des lépreux. Il abat également les barrières des origines. Il guérit le serviteur d'un centurion romain, il va manger avec Zachée le collabo, il guérit la fille de la femme cananéenne et parle avec la Samaritaine.
    On voit par ces rencontres la liberté incroyable de Jésus. Les humains, les religieux mettent des barrières partout : entre les peuples, entre les hommes et les femmes, entre les confessions et les religions. Jésus, dans ses relations, casse toutes ces barrières. Il est libre, totalement libre. Et il nous invite à cette même liberté.
    Dans le dialogue avec la Samaritaine, il est question de lieux de culte, ceux autorisés et ceux qui ne le sont pas. Et Jésus sort de cette logique. L'important, c'est d'adorer Dieu en esprit et en vérité. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, ce qui se passe dans le présent n'est pas important. Chacun peut adorer Dieu dans son lieu, jusqu'à ce que la révélation finale nous rassemble tous devant le Très-Haut.
    En attendant — semble nous dire Jésus — pas de discriminations, pas de vexations inutiles, pas de limitations humiliantes. Vivons de l'espérance du grand rassemblement final, ne soyons pas des obstacles au rapprochement, dans le présent, en dressant des barrières inutiles.
    Faisons ce que Dieu nous demande : "Respectez le droit et pratiquez la justice, car le salut que j'apporte est proche." (Es 56:1)
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2009