Esaïe 56
1.11.2015
Quelle communauté l’Évangile construit-il ?
Esaïe 56 : 1-7 Matthieu 5 : 1-10
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Aujourd’hui nous vivons un culte de reconnaissance pour toutes les personnes engagées dans la paroisse, les bénévoles qui font tourner la paroisse, qui animent des activités, qui donnent de leur temps, occasionnellement ou régulièrement. Ensemble, tous ensemble, nous formons l’Eglise, dans sa diversité et dans son unité.
Aujourd’hui nous fêtons également le dimanche de la Réformation. Nous rappelons ainsi les événements qui ont façonné notre manière de formuler notre foi réformée. Dans deux ans, en 2017, nous allons fêter le 500e anniversaire du début de la Réforme, qu’on date du 31 octobre 1517, le jour ou Martin Luther a affiché les thèmes qu’il voulait voir débattus par les théologiens.
Une démarche commence dès maintenant pour nous préparer à cet anniversaire. Avec le prochain Bonne Nouvelle que vous allez recevoir à la fin de la semaine, vous trouverez une petite brochure intitulée : « Réformés ? Et alors ! 40 thèmes pour agir… » Quarante thèmes sont proposés à notre réflexion dès maintenant et pour toute l’année 2016, avec pour but de transformer ses réflexions en proposition de formulations modernes et contemporaines de l’Évangile. Ces formulations actualisées seront exposées ensuite pendant toute l’année anniversaire 2017 au niveau Suisse par la FEPS. Chacun, chacune, chaque paroisse est invitée à participer à ce processus.
Pour aujourd’hui j’ai choisi de vous présenter le thème 3 « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le texte biblique qui accompagne cette question est le texte d’Esaïe 56 que vous venez d’entendre.
Un petit mot sur le contexte dans lequel est écrit ce texte. Cet oracle de la troisième partie du livre d’Esaïe a été prononcé après le retour de l’Exil, retour autorisé par l’empereur perse Cyrus. Les textes contemporains, dans la Bible, sont les livres d’Esdras et de Néhémie. La situation historique est la suivante : 47 ans plutôt (en 587 av. J.-C) le pays de Juda a été envahi par les babyloniens. Les élites et une partie de la population a été déportée à Babylone, le Temple et la ville de Jérusalem ont été détruits.
Pendant ces 47 ans, dans le pays de Juda, ceux qui sont restés ont occupé les maisons et les terres de ceux qui sont partis ; d’autres personnes s’y sont aussi installées. Ceux qui ont été déportés à Babylone y ont refait leur vie, se sont mélangés à la population babylonienne et on élaboré une foi juive qui peut se vivre hors du pays et sans le Temple de Jérusalem. Après l’édit de Cyrus autorisant le retour (en 540 av. J.-C), certains reviennent au pays dans l’idée de reprendre leur vie d’avant. Mais voilà, le temps ayant passé, rien n’est comme avant. Des étrangers occupent leurs maisons et leurs terres et eux-mêmes sont considérés comme des étrangers par ceux qui sont restés sur place. Il y a deux populations qui se considèrent chacune être le peuple légitime et les autres comme des étrangers. Ils ont une origine commune, mais ont eu des chemins différents. Qui est l’étranger ? Qui occupe légitimement le pays ? Qui est le vrai peuple de Dieu ? Pour répondre à cette question nous pouvons regarder dans le livre d’Esdras ou dans le livre d’Esaïe, et trouver des réponses opposées.
Esdras défend le maintien d’une lignée ethniquement pure et préconise le renvoi des épouses babyloniennes (Esd 9—10). Au contraire Esaïe, dans les lignes que vous avez entendues, préconise le regroupement de tous ceux qui reconnaissent Dieu et observent ses commandements, quelle que soit leur provenance, leur appartenance ethnique ou leur origine. Ce qui importe, c’est l’adhésion à la justice de Dieu, c’est la foi et le culte.
Ce qui est intéressant, c’est qu’Esaïe ajoute à la problématique de l’étranger celle de l’eunuque. Dans la loi de Moïse (Dt 23:2; Lév 21:20-21), l’eunuque est rejeté de la communauté de foi et du sacerdoce parce qu’il ne peut pas avoir de descendance, donc son nom ne sera pas transmis, son nom va s’effacer de la surface de la terre. Et cela, c’est une une malédiction aux yeux de la loi juive. Mais voilà que, dans la bouche d’Esaïe, Dieu déclare qu’il va écrire le nom des sans-descendance sur les murs du Temple et que ceux-ci auront mieux que des fils et des filles. S’ouvre ici le thème de la vie éternelle, voire de la résurrection, une vie qui n’est pas attachée à la transmission des gènes ! Esaïe transmet ici une parole de Dieu qui ouvre à l’inclusion, qui lutte contre l’exclusion.
Mais ce qui est intéressant à relever dans cette parole d’Esaïe, c’est qu’il n’est pas question d’une exclusion de l’étranger ou de l’eunuque par les autres, mais d’une auto-exclusion ! « Il ne faut pas que l’étranger aille s’imaginer : le Seigneur me met à l’écart ! Il ne faut pas non plus que l’eunuque se mette à penser : je suis en arbre sec ! » (v.3)
Combien de fois n’imaginons-nous pas des jugements de la part de Dieu. Jugements qui ne sont que dans nos têtes, mais pas dans la pensée divine. Combien de fois pensons-nous être indignes d’approcher de Dieu, alors que lui nous attend et nous espère. Ne confondons pas nos pensées, nos projections et celle de Dieu.
C’est souvent ce qui nous piège avec l’Eglise. Nous pensons à telle ou telle barrière, alors que cette barrière est dans notre tête, pas dans la pensée de Dieu. Dieu n’attend pas des gens parfaits, impeccables. Jésus n’a-t-il pas proclamé, dans les béatitudes, heureux les pauvres, heureux ceux qui sont tristes, heureux les doux-naïfs, heureux les miséricordieux, heureux les persécutés. Ce ne sont pas des héros. Heureux, non pas ceux qui baignent dans le bonheur, mais heureux parce que nous sommes pleinement accueillis par Dieu, acceptés par Dieu. L’accueil de Dieu est large, c’est pourquoi la maison de Dieu est dite être « une maison de prière pour tous les peuples » (v.7).
Appartiennent au peuple de Dieu, non pas ceux qui sont d’une certaine condition, mais ceux qui agissent de la façon que Dieu désire. Le croyant n’est pas celui qui jouit d’une certaine condition, mais celui qui adhère, celui qui se joint au projet de Dieu.
Nous n’avons pas d’avenir comme protestants si nous ne comptons que sur notre descendance pour maintenir vivante la foi protestante. Alors nous ne serions que des eunuques dans le nom va s’éteindre. Pourtant Dieu fait cette promesse de pérennité qui sera mieux que des fils et des filles. Nous avons une transmission spirituelle a assurer, parce que l’Évangile est un projet de vie. Jésus-Christ nous a transmis des valeurs de vie qui ont un sens et une place dans notre société.
Au point de départ de notre réflexion de ce matin il y avait cette question : « Quelle communauté l’Évangile construit-il ? » Le Christ rassemble des hommes et des femmes avec leurs faiblesses et leurs insuffisances, leurs capacités et leurs compétences : NOUS. Nous ne sommes pas une élite ou des gens particulièrement forts, parce que Dieu ne met pas de barrière, pas de filtre, pas de tri à l’entrée des églises.
Mais, c’est l’Évangile qui rend les gens plus forts, qui rend la communauté forte et solidaire. Ensemble nous sommes renforcés et rapprochés de Dieu. Ensemble nous pouvons ouvrir nos portes à l’image du cœur ouvert de Dieu. Ensemble nous pouvons faire de l’Eglise une maison de prière pour tous les peuples.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2015