(17.9.2000)
Marc 4
Un semeur insensé
Deutéronome 6 : 1-9. Marc 4:1-9
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Chers amis,
De nos jours de puissants tracteurs tirant des remorques perfectionnées s'occupent à semer en lignes bien droites nos champs de blé, de maïs, de tournesols ou de soja. Arrivé au bout de son champ, l'agriculteur bloque l'épandage de la semeuse avant de faire son demi-tour et repartir. Qui a l'idée de perdre du grain sur le chemin, dans les cailloux ou dans les ronces ?
Cette attitude ne date cependant pas d'aujourd'hui et de nos puissantes machines, ou de notre désir d'efficacité. Il faut imaginer le petit paysan du temps de Jésus. Il n'a pas acheté son blé à une multinationale. Il tient son grain de la part qu'il a mise de côté dès la dernière moisson, sur sa dernière récolte. Ce grain est le fruit de ses efforts, il ne va pas le gaspiller sur le chemin, dans les cailloux ou les ronces.
Pire encore, si la récolte de l'année a été mauvaise, il doit — avec toute sa famille — se restreindre et surtout ne pas toucher à cette partie mise à part, de peur de compromettre toute récolte future ! Qu'il est précieux le grain à semer !
Il n'y a qu'un insensé qui peut se comporter comme le semeur dont parle Jésus ! Un insensé ou quelqu'un qui possède des ressources inépuisables. Le semeur dont Jésus parle est un mélange des deux. Il fait le pari fou que le miracle de la germination peut se produire partout, qu'il vaut la peine de semer à tout vent, qu'on ne peut pas préjuger de ce qui va se passer.
On ne peut pas préjuger que cette personne-là sera réceptive et celle-ci non. On ne peut pas préjuger que cet individu sera touché et que celui-là ne peut pas l'être. On ne peut pas le préjuger avant d'avoir semé.
Et Dieu se refuse à préjuger, il est assez fou et généreux pour s'adresser à chacun, à celui dont le coeur a tant été piétiné qu'il est devenu dur comme de la terre battue; autant à celui dont la vie est si remplie de malheurs qu'il ne semble pas y avoir de place pour autre chose, qu'à celui qui se sent envahi par le chagrin ou les scrupules, par la culpabilité ou les soucis.
Aucun n'est finalement inatteignable, impénétrable à l'amour de Dieu. Dieu s'abaisse et s'approche de chacun d'eux, de nous, pour les relever et leur offrir la possibilité du bonheur.
Ce mouvement d'approche de Dieu vers nous est léger comme un grain qui tombe sur le sol. Ce n'est pas la foudre qui frappe, ce n'est pas un tremblement de terre qui creuse une faille, ce n'est pas un vent qui déracine les arbres (allusion à 1 Rois 19: 11-13), c'est juste un grain qui tombe par terre.
[Je lâche quelques grains de blé du haut de la chaire pour faire entendre le bruit que cela fait]
Vous avez entendu ? Presque rien ou même rien du tout ! Ce n'est pas pour rien que Jésus commence sa parabole en disant "Ecoutez !" (Mc 4:3) et qu'il la termine par ces mots : "Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende, qu'il s'en serve !" (Mc 4:9)
Dieu ne s'impose pas à l'être humain, il est discret comme un grain qui tombe par terre, mais ce grain est lourd d'une multitude de potentialités pour celui qui l'accueille et le laisse se développer.
Lors du baptême, la graine de l'amour de Dieu est semée, un geste, quelques gouttes d'eau, une promesse de présence et d'amour et la possibilité d'une croissance merveilleuse.
Comme l'enfant que Dieu confie à ses parents, le grain nous est confié. A partir de là, nous sommes investis d'une responsabilité envers nous-mêmes, envers nos proches, envers la terre entière. Cet amour reçu, allons-nous le laisser s'envoler, s'assécher, s'asphyxier ? Ou allons-nous le développer, lui faire porter du fruit, le transmettre, le faire rayonner afin que le monde en soit enrichi et élevé ?
Que celui qui veut entendre, ouvre ses oreilles et son esprit.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2021