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habits partagés

  • Le récit de la Passion de Jésus est porteur d’espérance

    Jean 19
    25.3.2016
    Le récit de la Passion de Jésus est porteur d’espérance
    Jean 19 : 16-37
    Télécharger le texte ici : P-2016-03-25.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Trois jours après les attentats de Bruxelles qui nous font désespérer du monde, nous nous rappelons la mort de Jésus, une autre mort violente, absurde. Les récits de la Passion nous racontent et nous rappellent années après années un fait désespérant : la violence s’abat sur des innocents et nous regardons ce spectacle chaque fois sidérés et impuissants.
    Pourtant le récit de la Passion selon l’évangéliste Jean n’est pas teinté de désespoir et d’impuissance. En fait, Jean fait de cet événement désespérant, le lieu d’une espérance, le lieu d’un commencement, le lieu d’un départ vers une nouvelle façon de vivre.
    Jésus parlait en paraboles, nous disent les Évangiles. L’évangéliste Jean a retenu la leçon et — à la suite de Jésus — il nous invite à lire entre les lignes, à chercher dans les événements une symbolique qui nous ouvre à la réalité de Dieu. La spiritualité consiste à voir le divin au-delà ou au travers de la réalité brute. C’est avec ses lunettes-là que nous allons relire le récit de la Passion, pour voir où l’évangéliste Jean nous ouvre des fenêtres vers la réalité divine.
    Jean injecte du symbolique, de la profondeur dans chaque épisode de la Passion de Jésus. D’un événement désespérant, il fait un événement chargé d’espérance, une espérance réalisée pour les lecteurs de sa communauté ! Il nous invite à voir, à comprendre ce qui se passe réellement sur la croix — au delà du supplice de Jésus. Il nous montre comment cet événement — à première vue absurde est désespérant (c’est comme cela que le vivent, par exemple, les témoins d’Emmaüs sur leur chemin, Luc 24 :17-18) — comment cet événement est porteur de sens et d’espoir.
    Jean nous permet de « retourner » cet événement, cette page noire de l’Évangile, en moteur d’espoir et de vie. Quatre passages montrent cela. Dans ces quatre passages, Jésus perd quelque chose qui va devenir un gain pour la communauté de l’Eglise. Il perd (1) ses habits, (2) sa mère, (3) sa vie, (4) le sang et l’eau qui coulent de son côté. Reprenons ces quatre pertes l’une après l’autre.
    1. Jésus est dépouillé de ses vêtements et de sa tunique. Cela montre son humiliation, il est mis à nu, dans une vulnérabilité totale. Les soldats se partagent ses habits, mais tirent au sort sa tunique qui est faite d’une seule pièce. Les Pères de l’Eglise y ont vu symboliquement, en même temps la dissémination des croyants — de la foi — aux quatre coins de l’empire romain et la permanence de l’unité de l’Eglise. Saint Augustin l’exprime dans ces termes : «le vêtement de notre Seigneur Jésus-Christ divisé en quatre pièces représente son Eglise distribuée en quatre parties, c’est-à-dire répandue partout dans le monde. (...) graduellement elle y réalise sa présence dans toutes ses parties (...). Quant à la tunique tirée au sort, elle symbolise l’unité de toutes les parties ensemble par le lien de la charité. »* Jésus est dévêtu, mais les chrétiens sont revêtus de sa gloire. Jésus est dépouillé, mais les chrétiens sont enrichis de sa grâce. Jésus est humilié comme un esclave, mais les chrétiens sont élevés au rang d’amis du Christ. La croix n’est pas le lieu de la mort de l’humanité, mais le lieu de son élévation.
    2. Ensuite vient l’épisode de Jésus qui remet sa mère aux bons soins du disciple bien-aimé. C’est le moment émouvant et terrible où Jésus se sépare de sa mère. Il va en être séparé par la mort. A ce moment, à cette heure, Jésus est actif et confie sa mère au disciple bien-aimé. C’est le geste symbolique de la création de la communauté de l’Eglise. Jésus confie l’Eglise au disciple bien-aimé qui va désormais la conduire, à la place de Jésus. C’est ce disciple bien-aimé qui est institué responsable de la transmission du message de Jésus. L’heure de la mort de Jésus est considérée par l’évangéliste Jean comme l’heure de l’élévation et comme l’heure de la création de l’Eglise en tant que telle. De cette mort naît la nouvelle communauté, celle qui va faire vivre le message Jésus, la nouvelle communion à Dieu, dans l’amour.
    3. Cette transmission se réalise en fait pile au moment de la mort de Jésus. C’est le troisième élément symbolique. Au moment de mourir, Jésus dit cette dernière parole : «tout est fini / accompli / achevé / parachevé. Pour l’évangéliste Jean, tout ce joue au moment de la mort de Jésus : la mort, l’élévation et la Pentecôte. Après que Jésus dit que tout est accompli, il baisse la tête et remet l’esprit. La façon réaliste de lire «remettre l’esprit» c’est de penser « rendre l’âme » c’est-à-dire mourir. Mais la façon symbolique de lire cela, c’est de lire littéralement le grec : Jésus livre, délivre l’esprit. Jésus donne l’Esprit saint à l’Eglise, à ses disciples. Le verbe traduit par «remettre» est aussi celui qui est utilisé quand Judas «livre» Jésus lors de son arrestation. C’est apporter, donner, livrer, faire une livraison. Et pour l’esprit, le grec ancien n’a pas de minuscules ou de majuscules, c’est aussi bien l’esprit de Jésus ou l’Esprit de Dieu. Mais l’Évangile n’a-t-il pas enseigné tout du long que Jésus était justement habité par l’Esprit de Dieu ? Ainsi Jean laisse-t-il entendre que Jésus donne l’Esprit saint, ici, sur la croix, à son Eglise et à ses disciples. Voici l’heure du don du Paraclet, de l’Esprit saint.
    4. Reste la quatrième perte, celle du sang et de l’eau. Qu’est-ce que cela nous dit ? C’est un récit qu’on ne trouve que dans l’Évangile selon Jean. Au premier niveau, le coup de lance au cœur atteste de la mort de Jésus, contre certains courants qui pouvaient dire que l’agonie de Jésus avait été trop courte et qu’il avait été descendu de la croix avant d’être vraiment mort. Mais la lecture symbolique est plus riche. À quoi nous font penser le sang et l’eau dans les Évangiles ? L’eau est symbole du baptême. Le baptême prend son sens le plus profond comme assimilation à la mort et à la résurrection du Christ. Par le baptême nous revivons le parcours du Christ, nous sommes assimilés à lui et à sa vie divine. Ensuite le sang est symbole de la sainte-cène. Le sang, c’est la vie, la vie partagée dans le vin de la coupe de cène. La cène renvoie au corps du Christ rompu sur la croix, signe de sa présence pour nous. La cène renvoie au sang versé sur la croix, symbole de sa vie répandue pour la multitude, pour toute la communauté de l’Eglise. Jean ancre ainsi les deux sacrement de l’Eglise dans la Passion même du Christ. La croix devient porteuse de la vie de la communauté de l’Eglise.
    Du récit d’une mort absurde et cruelle, vaine et désespérante, l’évangéliste Jean passe à un récit porteur d’espérance et de vie. Ils montre que la mort de Jésus n’est pas vaine, elle est créatrice de vie, créatrice d’une nouvelle vie communautaire. De la vulnérabilité acceptée de Jésus, l’Eglise reçoit sa force. De l’abandon des liens familiaux de Jésus, l’Eglise reçoit des témoins conducteurs et la possibilité pour chacun de devenir le disciple bien-aimé de Jésus. De la remise de son esprit à Dieu, l’Eglise reçoit le Paraclet, l’Esprit saint qui anime la vie de l’Eglise. Du don de la vie de Jésus, l’Eglise reçoit les sacrements qui la constituent et la nourrissent.
    La mort de Jésus — bien loin d’être désespérante et vaine — devient source de vie, de force et d’espérance. Que nous aussi, nous puissions nous nourrir de cette vie et de cette espérance et devenir lumière dans ce monde obscurité !
    Amen

    * cité dans Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.246.

    © Jean-Marie Thévoz, 2016