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identité

  • Marie a choisi la bonne part.

    10.11.2019

    Luc 10

    Marie a choisi la bonne part.

    Deutéronome 6 : 4-9    Luc 10 : 38-42

    télécharger le texte : P-2019-11-10.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Jésus est en visite chez Marthe et Marie à Béthanie. Les évangiles nous racontent trois rencontres de Jésus avec ces deux femmes. D'abord le récit dont vous avez entendu la lecture tout à l’heure, qui sera l'objet de notre réflexion de ce matin. Un second récit qui nous décrit la résurrection de Lazarre, le frère de Marthe et Marie. Enfin une troisième rencontre, six jours avant la dernière Pâque de Jésus où Marie versa du parfum de grande valeur sur les pieds de Jésus.

    Jésus semble donc être un familier de cette maison. Lorsqu'il est de passage dans la région de Jérusalem, il fait halte chez Marthe à Béthanie. Marthe est la maîtresse de maison, elle s'occupe à bien recevoir son hôte qu'elle sait être un hôte de marque. Elle fait son devoir, elle remplit bien son rôle, elle soigne le service. Et c'est cela qui l'amène à se disputer avec sa soeur, en prenant Jésus à partie.

    Pourquoi Luc nous rapporte-t-il une scène aussi banale, presque une scène de ménage ? Et il est vrai que pour nous aujourd'hui cette histoire est d'une banalité quasi désolante. On croirait entendre cette phrase commune à bien des ménages : "Chéri ne reste pas planté devant la télévision, viens m'aider à finir la vaisselle !" Pourtant ce récit a un autre sens, et cette histoire est importante pour nous aujourd'hui.

    Essayons de la comprendre dans l'environnement de l'époque de Jésus. Il faut imaginer une société proche de celle que nous voyons aujourd'hui en Arabie Saoudite ou au Pakistan. Des règles strictes régissent les relations entre les hommes et les femmes. Les hommes mènent une vie et des activités publiques. Ils vivent hors des maisons, et dirigent leurs activités comme bon leur semble. Seuls les garçons reçoivent un enseignement, vont à l'école.

    Les filles n'apprennent que ce qui leur est utile pour l'entretien de leur foyer. Les femmes restent à l'in­térieur de leur maison et n'adressent pas la parole à des inconnus. Cela se passait aussi comme cela en Grèce avec les gynécées. Elles vivent sous la protection et dépendance de leur père d'abord, de leur mari ensuite, elles ne sont jamais indépendantes.

    Dans cette situation, l'attitude de Marie est choquante. En se plaçant au pieds de Jésus, Marie prend la position de l'élève, du disciple vis-à-vis de son maître. Marie se prend pour un garçon, un homme qui attend un ensei­gnement auquel les filles n’ont pas droit. Elle usurpe un droit masculin et abandonne les tâches dévolues aux femmes. De plus Marie prend cette attitude face à un homme qui n'ap­partient pas à sa famille; même s'il n'est pas tout à fait un inconnu, cela ne se fait pas.

    Marthe réagit à ces attitudes qui sont à contre-courant de leur éducation. Elle veut remettre Marie à sa place, à sa juste place selon elle.L'attitude de Marthe n'est pas tant motivée par le fait qu'elle aurait besoin d'aide, elle assume son service, le service pour Jésus. Mais elle est choquée par la liberté que prend sa soeur par rapport aux conventions, aux usages, aux bonnes manières.

    Alors Marthe s'adresse à Jésus pour qu'il remette Marie à la place qu'elle n'aurait pas dû quitter. On peut dire que Marthe demande à Jésus de rendre Marie à son rôle de femme soumise, de la rendre aux fonctions qui sont celles des femmes dans son esprit. Marthe demande à Jésus de ne pas laisser Marie devenir un homme, de ne pas sortir de sa condition de femme, de ne pas quitter son rôle fixé par la société. Jésus doit rendre à Marie ce que Marthe pense être sa véritable identité, qu'elle soit une vraie femme.

    Or, c’est ce que Jésus va faire, mais pas de la façon dont Marthe le conçoit. Marthe veut rendre à Marie son rôle de femme, Jésus va rendre à Marie son identité personnelle.

    Avant de voir comment Jésus va s'y prendre, il faut remarquer que Jésus ne méprise pas Marthe et son service. Il reconnaît toute la peine que Marthe se donne pour lui. Il ne rejette pas ce travail, il ne le qualifie pas d’inutile ou de superflu. Il est vrai que ce travail doit être fait, et il en est reconnaissant. Mais il signale tout de même que le moment est mal choisi et qu'en cela Marie a choisi la bonne part.

    Qu'est-ce que la bonne part ? Pendant toute une époque, ce texte a été interprété comme mettant en opposition la vie besogneuse et la vie contemplative. Marthe est une travailleuse alors que Marie consacre tout son temps à l’écoute de Jésus. Et Jésus aurait tranché, la vie contemplative serait la seule forme de vie qui donne accès au salut. Tout le monde devrait avoir Marie pour idéal. Or — s'il est juste que Marie est donnée en exemple ici — ce n'est pas pour mener une vie contemplative.

    Cette opposition entre la travail et la prière n'est pas le sens de ce récit. Jésus ne méprise pas le travail de Marthe, il désire lui révéler quelque chose que Marie a déjà saisi, c'est-à-dire l'importance relative des choses selon le moment vécu. Il faut saisir l'occasion à temps.

    Marie a saisi l'importance de cette visite de Jésus. Elle a compris ce que cette rencontre pouvait avoir d'essentiel pour elle, de déterminant pour toute sa vie.

    L’important, dans ce moment, c’est le temps du passage de Jésus chez eux. Face à cet événement on peut se donner la permission de laisser tomber tout ce qui est secondaire, le service, les convenances, les contraintes sociales. Devant l'important, l'essentiel — devant Dieu — on peut devenir soi-même, exprimer et vivre le désir profond d'habiter son identité vraie.

    Marthe demandait à Jésus de rendre à Marie sa condition de femme (femme au foyer, au travail, au service); mais Jésus s'attache à favoriser l'émergence de la nouvelle identité de Marie. Jésus conforte cette femme dans cette identité personnelle qu'elle se découvre et exprime face à lui. Etre elle-même dans ce moment là, c'est vraiment avoir choisi la bonne part et elle ne lui sera pas ôtée.

    Devant Jésus, on peut se permettre d'être soi-même, d'être vrai, de laisser parler l'essentiel, de laisser vivre son désir. Marie a saisi cette occasion, elle a discerné le temps du passage de Jésus auprès d'elle et elle a profité de devenir elle-même.

    Jésus cherche à faire découvrir cela à Marthe. Il ne lui reproche pas son travail. Il désire qu'elle découvre aussi qu’il existe des occasions où s'ouvrent d'autres possibilités pour sa personnalité que les déterminismes sociaux ou les habitudes. Marie s'est libérée des choses secondaires, des choses imposées de l'extérieur, le temps de la visite de Jésus, pour se consacrer à l'essentiel.

    Nous sommes appelés à discerner, dans le temps de nos existence, ces moments importants où l'essentiel passe à notre portée. Au coeur de nos activités — et nous savons comme elles nous occupent et nous envahissent — au coeur de nos activités apprenons à mettre un temps de côté pour ne pas risquer de passer à côté de l'essentiel.

    Et pour nous tous rassemblés ici ce matin, quand Dieu nous visite, ne manquons pas l'occasion de nous asseoir à ses pieds pour écouter sa parole et faire grandir notre vraie identité à sa lumière.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Matthieu 23. Que doit faire un protestant ?

    Matthieu 23
    2.11.2014
    Que doit faire un protestant ?


    Phil. 3 : 8-11      Matthieu 23 : 1-13


    Téléchargez le texte : P-2014-11-02.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Voilà que Jésus tombe à bras raccourcis sur les scribes et les pharisiens. Ce chapitre 23 est une attaque en règle contre ces deux groupes de religieux qui maîtrisent la lecture et l’enseignement de la Torah au Temple et dans les synagogues.
    Jésus reconnaît leur expertise de la Bible (puisqu’il dit aux foules et à ses disciples de les écouter et de suivre leurs enseignements sur la loi de Moïse), mais Jésus s’en prend à leurs pratiques, ou à l’inexistence de leur pratique : les scribes et les pharisiens ne font pas ce qu’ils enseignent. On a résumé cela, chez nous, en disant, ce sont des gens qui disent « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
    Ainsi Jésus les accuse d’être un contre témoignage, tellement il y a d’écart entre leurs paroles et leurs actes. Et ce contre témoignage empêche les gens d’avoir accès à Dieu. Jésus dit « Vous fermez la porte du Royaume des cieux aux hommes. Vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous ne laissez pas y entrer ceux qui le désirent » (Mt 23:13).
    En quoi ce récit a-t-il un rapport avec la Réformation que nous rappelons en ce dimanche ? Et bien, le mouvement de la Réforme est né du même constat que fait Jésus dans ce récit. Les responsables religieux monopolisent la Bible et son interprétation, mais ne mettent pas en pratique son message. Bien plus, ils deviennent un obstacle à la recherche de Dieu.
    C’est ce que les Réformateurs ont reproché, au XVIe siècle, à l’Eglise romaine, qui vivait bien loin des idéaux de l’évangile. Les Réformateurs ont cherché de nouvelles voies pour retrouver l’évangile, un nouvel accès à Dieu, ils ont cherché à rendre Dieu à nouveau accessible à tout un chacun.
    La grande redécouverte — à la lecture des Evangiles — a été de voir que l’accès à Dieu ne vient pas de nos compétences ou de nos capacités à trouver la bonne clé pour entrer dans le Royaume de Dieu, mais de réaliser que la porte du Royaume de Dieu est déjà ouverte, que c’est Dieu lui-même qui l’a ouverte en Jésus-Christ et que nous avons seulement à faire le pas de la franchir. Pas d’indulgences à acheter, pas de pèlerinages à faire, pas d’interminables rosaires à murmurer. Dieu nous accueille à bras ouverts et malheur à ceux qui mettent des obstacles entre Dieu et les humains.
    C’est la redécouverte de Paul, l’ancien pharisien, qui a balayé les obstacles sur le chemin du Royaume. Je le cite : « Je n’ai plus la prétention d’être juste grâce à ma pratique de la Loi. C’est par la foi au Christ que je le suis, grâce à la possibilité d’être juste, créée par Dieu et qu’il accorde en réponse à la foi. » (Phil 3:9).
    Notre protestantisme a merveilleusement réagit à la condamnation des pharisiens par Jésus. Oui, merveilleusement ! Nous avons compris qu’il fallait renoncer à tout ce qui est ostentatoire, à tout fardeau, à toute contrainte, à toute pratique visible ! Au point que nous sommes devenus invisibles dans la société ! Oups ! La lampe est sous le seau.
    C’est vrai, pouvez-vous me citer un acte, une tâche, un geste, que les protestants se doivent d’accomplir pour qu’on puisse les voir, les reconnaître comme protestants ? Que doit faire un protestant ?
    Un catholique doit aller à la messe, ou donner le denier du culte, ou se confesser, faire un signe de croix, jeûner en carême. Un musulman doit accomplir les cinq piliers de l’islam. Un juif doit aller une fois dans sa vie à Jérusalem, fêter le sabbat et les cinq fêtes de l’année.
    Que doit faire un protestant ?
    Nous avons fait nôtre la phrase « pas de contrainte en religion » ! Pas de devoirs, pas de contraintes, pas de discipline. Le bon côté, c’est la liberté de chacun. S’il fait quelque chose, c’est vraiment librement, par et pour lui-même, certainement pas pour les apparences ou pour se faire voir.
    Mais les inconvénients :
    •    c’est la paresse à laquelle cela a conduit. Tout est optionnel et donc sans grande valeur,
    •    c’est la dissolution dans l’invisibilité,
    •    c’est la diminution de toute pratique communautaire et finalement l’assèchement de la pratique individuelle.
    Parce qu’il y a deux pratiques, typiquement protestantes, qui subsistent comme signes du protestantisme (bien que pas exclusivement, les catholiques se rapprochent de nous sur ces deux points) : la lecture de la Bible et la prière dans sa chambre. Mais même cela n’est-il pas en perte de vitesse, et à vitesse grand V dans les jeunes générations ?
    Je ne vais pas vous embarrasser en vous demandant de lever la main, mais vous pouvez répondre dans votre tête : quand avez-vous lu votre Bible pour la dernière fois ? Pendant la semaine écoulée, le mois dernier, les six derniers mois, plus ? Je pense que les résultats seraient heureusement meilleurs pour la prière dans la chambre.
    Jésus a plaidé pour qu’il y ait un accord entre nos paroles et nos actions et que nous ne fassions pas de la religion un spectacle pour nous mettre en valeur. OK. Mais il n’a pas plaidé pour la disparition du christianisme de la place publique, ni pour la disparition de la pratique, au contraire. Il a plaidé pour que chacun réalise que Dieu est directement accessible, qu’il se laisse approcher par chacun.
    Notre tâche, en tant que chrétiens (et nous en tant que protestants), c’est de connaître ce Dieu qui nous ouvre la porte, le connaître à travers les récits de la Bible, qui nous parlent de lui. Notre tâche, c’est de lui parler, de lui faire connaître notre état d’esprit et nos besoins, par la prière.
    Notre tâche, c’est de nous réjouir que Dieu nous accueille tels que nous sommes et donc de venir le louer en communauté. Notre tâche, c’est de le servir, puisque le service est le degré suprême d’accomplissement aux yeux de Dieu.
    Ainsi, nous pouvons agir, pratiquer en accord avec nos paroles. Puisque ce n’est pas une façade, réjouissons-nous de le faire voir autour de nous. Que nos actes parlent à nos contemporains et qu’ils voient une Eglise qui fait envie, qu’ils voient une communauté qui se réjouit d’être accueillie et aimée de Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014