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new-yorkais

  • Luc 6. "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous"

    Luc 6
    25.3.2012
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous"
    1 Thess 5 : 15-18     Luc 6 : 46-49
    Télécharger la prédication : P-2012-03-25.pdf

    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous."
    J'ai entendu cette phrase étrange dans une émission de radio qui parlait de la recherche du bonheur. "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Cette phrase m'a donné à réfléchir sur le lien entre ce que fait notre corps et ce que nous pensons. Quand notre corps tient un objet, cela influence notre pensée. Quand nous faisons certains gestes, cela oriente notre esprit dans une direction plutôt que dans une autre.
    Cette phrase veut nous dire que notre regard, notre attention ne sont pas les mêmes selon que nous avons un marteau, un tournevis, un sarcloir ou une éponge à la main.
    Nous avons l'habitude de penser que tout est dans la tête. Que c'est notre cerveau qui dirige, que ce sont nos pensées qui nous façonnent. Nous pensons prendre des décisions de manière rationnelle et les faire exécuter par notre corps. La tête commande et le corps obéit, c'est notre façon habituelle de voir les choses.
    Et pourtant, combien de fois voyons-nous que c'est inefficace ! Entre nous, combien de temps avez-vous tenu les bonnes résolutions de Nouvel An ? Depuis combien de temps essayez-vous de vous débarrasser d'une certaine habitude… sans y parvenir ?
    Hélas, souvent, la volonté ne suffit pas ! L'apôtre Paul — déjà — ne disait-il pas : "Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas" (Rom 7:19).
    Peut-être bien que nous prenons les choses à l'envers ? Nous cherchons à dominer le corps par l'esprit, peut-être vaut-il mieux en faire un allié, un collaborateur, un associé, un ami.
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Cette phrase m'a fait penser à cette parole de Jésus à propos des deux maisons. Jésus oppose deux attitudes : celui qui écoute sa parole et la met en pratique et celui qui écoute sa parole et ne la met pas en pratique. Remarquez que les deux personnes écoutent la Parole de Jésus.
    La différence est dans la mise en pratique, dans la mise en route du corps, dans la mobilisation de tout l'être. L'intuition formidable de Jésus, c'est que la vie n'est pas seulement affaire de pensée, de réflexion, de volonté, d'intention. La vie est affaire d'action, d'émotion, de pratique, d'exercice, de mise en mouvement du corps, d'action transformatrice du monde.
    Je vous donne un exemple : au collège, j'avais un copain qui était tombé amoureux d'une camarade de classe. Celle-ci faisait de l'équitation. Mon copain s'est alors acheté un livre sur l'équitation. Il pensait pouvoir en apprendre assez sur l 'équitation — dans un livre — pour se rapprocher de cette fille. C'est sûr : il pouvait parler d'équitation, mais il ne savait pas monter à cheval.
    Ce que Jésus veut nous dire, c'est qu'on peut connaître la Bible par cœur, si on n'a pas de pratique, si on n'a pas exercé ce savoir dans la vraie vie, ça ne sert à rien.
    Et Jésus précise à quoi sert cette pratique, il en définit le but : à construire une maison solide dans la tourmente, ce qui est une image pour décrire une personnalité qui résiste aux épreuves de la vie. Le but est donc de construire sa personnalité pour pouvoir vivre heureux, sage ou serein, malgré les tempêtes de l'existence.
    Le savoir théologique ou psychologique ne suffit pas. Il faut s'être exercé. Il ne suffit pas de lire un livre pour savoir monter à cheval. Ce que Jésus nous dit, c'est que la pratique crée l'état d'esprit et la compétence, en même temps. 
    Je vais prendre un exemple qui sera aussi la matière sur laquelle vous pourrez vous exercer toute la semaine qui vient, si vous le souhaitez. Je vais prendre l'exhortation de Paul aux Thessaloniciens : "Soyez joyeux, priez sans cesse, soyez reconnaissants en toute occasion." (1 Thess 5:16-18).
    Cela ressemble typiquement à un ordre du genre : "Soyez spontanés !" impossible à mettre en œuvre ! Comment je fais si je ne suis pas joyeux ? Comment je fais s'il ne m'arrive rien de positif pour lequel être reconnaissant ?
    Et bien, ça ne marche pas, en effet, si on met la charrue avant les bœufs, si on pense qu'il faut d'abord être joyeux pour se sentir bien; s'il faut d'abord qu'il nous arrive quelque chose de vraiment bien ou d'extraordinaire pour être reconnaissant. C'est lié à l'idée que nos émotions doivent diriger nos comportements.
    Et si l'inverse était possible aussi, et si l'inverse était vrai ?
    J'aimerais vous parler d'un journaliste new-yorkais, A. J. Jacobs — spécialiste des paris un peu fous (son expérience précédente avait consisté à lire l'Encyclopédie Britannica en entier !) — ce journaliste a décidé de vivre selon la Bible pendant une année*. Lui, juif agnostique complet, a voulu tenter l'expérience d'obéir à tous les commandements bibliques, les uns après les autres.
    Et il est tombé sur ce commandement de Paul : "Soyez reconnaissants en toutes circonstances." Et il a essayé. Voici ce qu'il dit de cette expérience-là : "Je commence à voir la vie différemment. Quand on remercie Dieu à la moindre petite joie — à chaque repas, chaque fois qu'on se réveille, chaque fois qu'on boit une gorgée d'eau — on ne peut pas s'empêcher d'être davantage reconnaissant de la vie elle-même, du fait improbable et miraculeux qu'on existe." (p.242). Et il ajoute : "le comportement façonne les émotions" (p.409).
    "Celui qui tient un marteau dans la main cherche des clous." Celui qui lève les mains vers le ciel pour rendre grâce trouve toutes sortes d'occasions de remercier et par là même embellit sa vie et la rend joyeuse.
    Lancez-vous dans cette mise en pratique, prenez un carnet ou une feuille de papier dans votre poche et notez toutes les petites choses agréables qui vous arrivent, que vous voyez autour de vous, et vous verrez qu'il y en a, et vous serez surpris de les voir s'accumuler, vous en découvrirez de nouvelles, vous vous arrêterez à des choses à côté desquelles nous passions sans les voir.
    Ecouter les paroles de l'Evangile et les mettre en pratique n'est pas un devoir, un pensum, une charge, c'est le chemin d'une vie heureuse, d'une vie sereine et solidement établie.
    Amen

    * A. J. Jacobs, L'année où j'ai vécu selon la Bible, Actes Sud, 2008 (Babel 1007), traduit de l'américain par Yoann Gentric.

    Site de Jacobs en anglais
    © Jean-Marie Thévoz, 2012