Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

obscurité

  • "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    (7.1.2001)

    Matthieu 2

    "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    Deutéronome 16 : 1-3.          Matthieu 2 : 1-15

    télécharger le texte P-2001-01-07.pdf

    Chers amis,

    Vous avez sûrement mangé de la couronne des rois, le 6 janvier, date traditionnelle de la fête des Rois, aussi appelée Epiphanie. Traditionnellement, les rois mages, venus d'Orient n'arrivent pas vers Jésus le soir de sa naissance comme les bergers. Ils arrivent plus tard, car ils voient l'étoile qui paraît lors de la naissance de Jésus. Puis ils voyagent jusqu'à Jérusalem pour savoir où on peut trouver le futur roi des Juifs (tient, ce titre de "roi des Juifs" sera celui inscrit sur l'écriteau qui surmonte la croix !). Ensuite, il faut encore rassembler les autorités, les savant pour percer ce mystère. Finalement, c'est l'Ecriture sainte (Michée 5:1) qui révèle l'endroit où doit naître le Messie. La vérité ne se trouve pas dans les étoiles, mais dans l'Ecriture sainte.

    Plus on lit le récit biblique de l'avenue des mages, plus on se rend compte des différences et des contrastes qu'il y a entre la légende des rois mages — qui se raconte de Noël à l'Epiphanie — et le récit biblique qui n'a rien d'un conte de Noël.

    Matthieu ne nous raconte pas un conte où la naissance de Jésus apporte joie et paix dans le monde ! Matthieu nous montre comment — dès la naissance de Jésus — la venue de Dieu qui réclame sa royauté sur le coeur des humains crée des tensions, suscite des conflits.

    Que le règne de Dieu s'approche et le pouvoir temporel tremble de peur — ici Hérode. La venue de Jésus ne débouche pas sur un paradis, la venue de Jésus amorce un rapport de force — qui va persister tout au long du ministère de Jésus — entre les forces de la mort et les forces de vie de Dieu. Dès le moment de sa naissance, Jésus est l'objet de menaces : "Hérode cherche l'enfant pour le faire mourir" (Mt 2:13).

    Ce premier affrontement va être esquivé, car Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. Peut-être une indication, un conseil pour les parents pour leur dire : Votre enfant devra affronter la réalité — et elle n'est pas facile — mais votre rôle pour le moment, tant que l'enfant n'est pas mûr, c'est de le protéger, en lui évitant, autant que possible, le moment de faire face au mal qui viendra bien assez tôt.

    Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. L'Egypte — dans l'histoire et la pensée israélite — est un pays symbole. Symbole de l'esclavage et de l'oppression. C'est le pays du malheur, des dix plaies. C'est le pays du passé — où l'on a vécu — mais dont il faut sortir pour vivre vraiment.

    Il est intéressant et significatif que Matthieu nous montre que Jésus a aussi passé par l'Egypte, son Egypte intérieure, le pays de la frustration, le pays des blessures intérieures, de la violence subie — le massacre des innocents d'Hérode n'est pas sans rappeler le massacre des bébés hébreux ordonné par Pharaon autour de la naissance de Moïse !

    Personne — pas même Jésus, nous dit l'Evangile de Matthieu — personne n'échappe à un passage en Egypte, le plus souvent pendant son enfance. Malgré tous les soins, toutes les attentions que des parents peuvent porter à leurs enfants, il est impossible que l'enfant ne ressente pas des frustrations, des injustices, des malchances blessantes, des humiliations, des vexations. Le monde n'est pas le paradis... la vie n'est pas un conte de fée, malgré tous les cadeaux — et les trois rois mages en apportent d'importants — il y a une réalité qui fait que nous existons dans un monde limité où le malheur, à toutes les échelles, surgit, sans que ce soit la faute de quelqu'un en particulier. Peut-on reprocher aux mages d'avoir contacté Hérode et enflammé sa colère ?

    L'Egypte intérieure existe pour chacun. Le malheur n'est pas d'y avoir été exilé, c'est inévitable, le malheur c'est d'y rester, de ne pas en sortir, de ne pas entendre l'appel de Dieu : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte" (Mt 2:15).

    Descendre en Egypte et remonter d'Egypte, c'est le parcours historique du peuple d'Israël, Abraham, Jacob, Moïse. Descendre et sortir d'Egypte, c'est aussi comme un parcours initiatique qui marque l'appartenance au peuple d'Israël (dans la liturgie de la Pâque, "vous vous souviendrez à jamais du jour où vous êtes sortis d'Egypte"); un parcours qui marque aussi la vie du croyant aujourd'hui; un parcours qui passe par l'association à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, au travers du baptême.

    Chacun, à l'âge où il se rend compte qu'il séjourne en Egypte, peut entendre l'appel de Dieu pour lui : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte". « Je t'appelle, mon fils, ma fille, à sortir d'Egypte.»

    Nous avons accueilli, N N , aujourd'hui dans notre communauté, avec l'espérance qu'un jour il entende lui-même cette appel, et qu'à ce moment il puisse demander lui-même son baptême, pour sortir d'Egypte et entrer dans le Royaume de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Matthieu 2. Les mages chez Hérode : un roman d’espionnage

    Matthieu 2
    5.1.2014
    Les mages chez Hérode : un roman d’espionnage
    Jean 7 : 28-32     Matthieu 2 : 1-13

    Téécharger ici la prédication : P-2014-01-05.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Demain, 6 janvier, c’est la traditionnelle fête des Rois qui rappelle la venue des rois mages à la crèche pour adorer Jésus. Autour des rois mages s’est formée toute une tradition avec nombre de récits et de contes qui disent ensemble que le monde entier est venu se prosterner devant Jésus, qu’il a reçu mille cadeaux et que nous pouvons nous-mêmes nous joindre à ces adorants.
    J’ai moi-même aussi parlé dans ce sens, interprétant les trois cadeaux offert (24.12.2011) ou racontant divers contes (24.12.2009 - 13.12.2009 - 27.11.2011). Aujourd’hui, je vais vous emmener ailleurs, sans vouloir en rien déprécier les traditions autour des rois mages, vous me connaissez, vous savez combien j’aime généralement interpréter symboliquement les récits bibliques.
    Mais aujourd’hui, j’aimerais rester au plus près du récit biblique et de l’intention de Matthieu. Car Matthieu ne nous raconte pas un conte autour de la naissance de Jésus, loin de là ! Non, Matthieu commence ici un roman noir, un roman d’espionnage, qui va être parsemé de mensonges, de manipulations, de retournement d’espions et de cadavres. Oui, on est bien loin du folklore et du conte de Noël.
    Que nous dit Matthieu ? Il nous parle de mages (je vais continuer à les appeler de cette manière traditionnelle) qui sonnent à la porte du palais du roi pour demander s’il est au courant de la naissance de son futur légitime remplaçant, le Messie. (Le Messie est la personne qui est ointe de l’huile de la consécration à la royauté, comme Saül puis David l’ont été par le prophète Samuel. L’onction assure donc une légitimité divine à celui qui la reçoit).
    Inquiétude immédiate d’Hérode qui se sent menacé. Il met en route son enquête : où doit naître ce prétendant ?  Quand l’étoile qui l’annonce est-elle apparue ? Il mobilise les interprètes de la Bible pour avoir ces informations et il interroge les mages.
    Une fois qu’Hérode dispose de ces renseignements, il confie (sous le couvert du mensonge de vouloir lui aussi adorer le nouveau roi) il confie aux mages la mission de lui ramener la localisation exacte du Messie. Ainsi, sous un faux prétexte, Hérode transforme les mages en espions à son service, au service de ses funestes desseins comme on s’en doute.
    Toujours aussi naïfs et innocents, la tête dans les étoiles, les mages trouvent Jésus, l’adorent et lui donnent leurs cadeaux. Enfin, ils sont avertis de ne pas retourner voir Hérode. Toujours aussi peu à la page, mais obéissants, ils retournent chez eux par un autre chemin.
    Le plan d’Hérode est à moitié déjoué, en fait on a seulement gagné un peu de temps. Il faut maintenant fuir en Egypte. Joseph est averti, lui aussi en songe, de prendre l’enfant et Marie et de descendre se réfugier en Egypte en attendant que la menace s’estompe. Hérode, furieux, frappe à l’aveugle les nouveau-nés de Bethlehem, espérant ainsi anéantir le Messie.
    Dans ce récit, les mages ont finalement un rôle tout à fait secondaire, celui de relier Jésus et Hérode et de mettre en évidence leur confrontation inévitable. Ce qui est important, ce n’est pas le passage des mages, c’est l’inévitable confrontation entre le pouvoir séculier et le pouvoir spirituel, entre l’obscurité et la lumière (dira l’évangéliste Jean, Jn 1:5), entre la corruption et la vérité, entre le péché et la grâce.
    Les mages relient Hérode et le Messie et mettent au jour leur inévitable confrontation. Les mages passent et ne se rendent pas compte des vagues qu’ils soulèvent sur leur passage. Mais Matthieu veut attirer notre regard sur ces vagues, sur cette tempête, sur cet affrontement et ses conséquences.
    La venue de Jésus a ouvert un conflit. La naissance du Messie est vue comme une menace par le pouvoir en place, surtout lorsqu’il est assis sur la violence et la corruption. L’obscurité craint la lumière. le malfaiteur craint la transparence. Hérode craint le Messie et lui déclare la guerre. Il veut à tout prix le retrouver et le tuer. Tout ce qui menace le pouvoir d’Hérode doit disparaître. C’est une guerre qui est déclarée contre le Messie et une guerre qui va se jouer en plusieurs manches.
    Première manche : la localisation du Messie. Malgré la défection finale des mages, le point est à Hérode. La sainte famille est obligée de s’enfuir.
    Deuxième manche : elle est gagnée aux points par Jésus puisque Hérode meurt. Il peut rentrer à Nazareth.
    Troisième manche : elle se joue pendant le ministère de Jésus. Il a le soutien de la foule. Le point et pour Jésus.
    Quatrième manche : les adversaires de Jésus réussissent à le faire condamner par Ponce Pilate. Victoire des violents par K.O.
    Jésus est mort. Tout est-il fini ? Les ténèbres ont-elles eu raison de la lumière ?
    Eh bien, quelques personnes racontent avoir vu Jésus vivant, ressuscité, et répandent ce message ! Il aurait finalement vaincu ! Quelle est la valeur de cette victoire secrète ?
    Nous en sommes ici de ce combat, de cette confrontation dont Matthieu a donné les premiers moments. Quelle est la valeur de cette victoire secrète ? Que croyons-nous ? Nous ? Qui a gagné ? Est-ce Jésus ou les hérodes de notre temps ?
    Le monde ne nous envoie pas de signal clair. En fait, le monde parie plutôt sur la victoire de l’obscurité sur la lumière. Et nous, sur qui parions-nous ? De quel côté nous plaçons-nous ?
    C’est bien la question de la foi. Croyons-nous en la résurrection, en la victoire — encore secrète, mais déjà adjugée — de Jésus, de la justice et de la vérité sur l’obscurité ? De quel côté nous plaçons-nous ? Comment allons-nous le manifester, le faire savoir ? La balle est dans notre camp.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2014.