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chap 2

  • Matthieu 2. "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    (7.1.2001)

    Matthieu 2

    "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    Deutéronome 16 : 1-3.          Matthieu 2 : 1-15

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    Chers amis,

    Vous avez sûrement mangé de la couronne des rois, le 6 janvier, date traditionnelle de la fête des Rois, aussi appelée Epiphanie. Traditionnellement, les rois mages, venus d'Orient n'arrivent pas vers Jésus le soir de sa naissance comme les bergers. Ils arrivent plus tard, car ils voient l'étoile qui paraît lors de la naissance de Jésus. Puis ils voyagent jusqu'à Jérusalem pour savoir où on peut trouver le futur roi des Juifs (tient, ce titre de "roi des Juifs" sera celui inscrit sur l'écriteau qui surmonte la croix !). Ensuite, il faut encore rassembler les autorités, les savant pour percer ce mystère. Finalement, c'est l'Ecriture sainte (Michée 5:1) qui révèle l'endroit où doit naître le Messie. La vérité ne se trouve pas dans les étoiles, mais dans l'Ecriture sainte.

    Plus on lit le récit biblique de l'avenue des mages, plus on se rend compte des différences et des contrastes qu'il y a entre la légende des rois mages — qui se raconte de Noël à l'Epiphanie — et le récit biblique qui n'a rien d'un conte de Noël.

    Matthieu ne nous raconte pas un conte où la naissance de Jésus apporte joie et paix dans le monde ! Matthieu nous montre comment — dès la naissance de Jésus — la venue de Dieu qui réclame sa royauté sur le coeur des humains crée des tensions, suscite des conflits.

    Que le règne de Dieu s'approche et le pouvoir temporel tremble de peur — ici Hérode. La venue de Jésus ne débouche pas sur un paradis, la venue de Jésus amorce un rapport de force — qui va persister tout au long du ministère de Jésus — entre les forces de la mort et les forces de vie de Dieu. Dès le moment de sa naissance, Jésus est l'objet de menaces : "Hérode cherche l'enfant pour le faire mourir" (Mt 2:13).

    Ce premier affrontement va être esquivé, car Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. Peut-être une indication, un conseil pour les parents pour leur dire : Votre enfant devra affronter la réalité — et elle n'est pas facile — mais votre rôle pour le moment, tant que l'enfant n'est pas mûr, c'est de le protéger, en lui évitant, autant que possible, le moment de faire face au mal qui viendra bien assez tôt.

    Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. L'Egypte — dans l'histoire et la pensée israélite — est un pays symbole. Symbole de l'esclavage et de l'oppression. C'est le pays du malheur, des dix plaies. C'est le pays du passé — où l'on a vécu — mais dont il faut sortir pour vivre vraiment.

    Il est intéressant et significatif que Matthieu nous montre que Jésus a aussi passé par l'Egypte, son Egypte intérieure, le pays de la frustration, le pays des blessures intérieures, de la violence subie — le massacre des innocents d'Hérode n'est pas sans rappeler le massacre des bébés hébreux ordonné par Pharaon autour de la naissance de Moïse !

    Personne — pas même Jésus, nous dit l'Evangile de Matthieu — personne n'échappe à un passage en Egypte, le plus souvent pendant son enfance. Malgré tous les soins, toutes les attentions que des parents peuvent porter à leurs enfants, il est impossible que l'enfant ne ressente pas des frustrations, des injustices, des malchances blessantes, des humiliations, des vexations. Le monde n'est pas le paradis... la vie n'est pas un conte de fée, malgré tous les cadeaux — et les trois rois mages en apportent d'importants — il y a une réalité qui fait que nous existons dans un monde limité où le malheur, à toutes les échelles, surgit, sans que ce soit la faute de quelqu'un en particulier. Peut-on reprocher aux mages d'avoir contacté Hérode et enflammé sa colère ?

    L'Egypte intérieure existe pour chacun. Le malheur n'est pas d'y avoir été exilé, c'est inévitable, le malheur c'est d'y rester, de ne pas en sortir, de ne pas entendre l'appel de Dieu : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte" (Mt 2:15).

    Descendre en Egypte et remonter d'Egypte, c'est le parcours historique du peuple d'Israël, Abraham, Jacob, Moïse. Descendre et sortir d'Egypte, c'est aussi comme un parcours initiatique qui marque l'appartenance au peuple d'Israël (dans la liturgie de la Pâque, "vous vous souviendrez à jamais du jour où vous êtes sortis d'Egypte"); un parcours qui marque aussi la vie du croyant aujourd'hui; un parcours qui passe par l'association à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, au travers du baptême.

    Chacun, à l'âge où il se rend compte qu'il séjourne en Egypte, peut entendre l'appel de Dieu pour lui : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte". « Je t'appelle, mon fils, ma fille, à sortir d'Egypte.»

    Nous avons accueilli, N N , aujourd'hui dans notre communauté, avec l'espérance qu'un jour il entende lui-même cette appel, et qu'à ce moment il puisse demander lui-même son baptême, pour sortir d'Egypte et entrer dans le Royaume de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021

  • Matthieu 2. Espionnage, mensonges et manipulation

    5.1.2020

    Matthieu 2

    Espionnage, mensonges et manipulation

    Jean 7 : 28-32     Matthieu 2 : 1-13

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Demain, 6 janvier, c’est la traditionnelle fête des Rois qui rappelle la venue des rois mages à la crèche pour adorer Jésus. Autour des rois mages s’est formée toute une tradition avec nombre de récits et de contes qui disent ensemble que le monde entier est venu se prosterner devant Jésus, qu’il a reçu mille cadeaux et que nous pouvons nous-mêmes nous joindre à ces adorants.

    J’ai moi-même aussi parlé dans ce sens, interprétant les trois cadeaux offert (22.12.2019) ou racontant divers contes (24.12.2018 - 24.12.2016). Aujourd’hui, je vais vous emmener ailleurs, sans vouloir en rien déprécier les traditions autour des rois mages, vous me connaissez, vous savez combien j’aime généralement interpréter symboliquement les récits bibliques.

    Mais aujourd’hui, j’aimerais rester au plus près du récit biblique et de l’intention de Matthieu. Car Matthieu ne nous raconte pas un conte autour de la naissance de Jésus, loin de là ! Non, Matthieu commence ici un roman noir, un roman d’espionnage, qui va être parsemé de mensonges, de manipulations, de retournement d’espions et de cadavres. Oui, on est bien loin du folklore et du conte de Noël.

    Que nous dit Matthieu ? Il nous parle de mages (je vais continuer à les appeler de cette manière traditionnelle) qui sonnent à la porte du palais du roi pour demander s’il est au courant de la naissance de son futur légitime remplaçant, le Messie. (Le Messie est la personne qui est ointe de l’huile de la consécration à la royauté, comme Saül puis David l’ont été par le prophète Samuel. L’onction assure donc une légitimité divine à celui qui la reçoit).

    Inquiétude immédiate d’Hérode qui se sent menacé. Il met en route son enquête : où doit naître ce prétendant ? Quand l’étoile qui l’annonce est-elle apparue ? Il mobilise les interprètes de la Bible pour avoir ces informations et il interroge les mages.

    Une fois qu’Hérode dispose de ces renseignements, il confie (sous le couvert du mensonge de vouloir lui aussi adorer le nouveau roi) il confie aux mages la mission de lui ramener la localisation exacte du Messie. Ainsi, sous un faux prétexte, Hérode transforme les mages en espions à son service, au service de ses funestes desseins comme on s’en doute.

    Toujours aussi naïfs et innocents, la tête dans les étoiles, les mages trouvent Jésus, l’adorent et lui donnent leurs cadeaux. Enfin, ils sont avertis de ne pas retourner voir Hérode. Toujours aussi peu à la page, mais obéissants, ils retournent chez eux par un autre chemin.

    Le plan d’Hérode est à moitié déjoué, en fait on a seulement gagné un peu de temps. Il faut maintenant fuir en Egypte. Joseph est averti, lui aussi en songe, de prendre l’enfant et Marie et de descendre se réfugier en Egypte en attendant que la menace s’estompe. Hérode, furieux, frappe à l’aveugle les nouveau-nés de Bethlehem, espérant ainsi anéantir le Messie.

    Dans ce récit, les mages ont finalement un rôle tout à fait secondaire, celui de relier Jésus et Hérode et de mettre en évidence leur confrontation inévitable. Ce qui est important, ce n’est pas le passage des mages, c’est l’inévitable confrontation entre le pouvoir séculier et le pouvoir spirituel, entre l’obscurité et la lumière (dira l’évangéliste Jean, Jn 1:5), entre la corruption et la vérité, entre le péché et la grâce.

    Les mages relient Hérode et le Messie et mettent au jour leur inévitable confrontation. Les mages passent et ne se rendent pas compte des vagues qu’ils soulèvent sur leur passage. Mais Matthieu veut attirer notre regard sur ces vagues, sur cette tempête, sur cet affrontement et ses conséquences.

    La venue de Jésus a ouvert un conflit. La naissance du Messie est vue comme une menace par le pouvoir en place, surtout lorsqu’il est assis sur la violence et la corruption. L’obscurité craint la lumière. le malfaiteur craint la transparence. Hérode craint le Messie et lui déclare la guerre. Il veut à tout prix le retrouver et le tuer. Tout ce qui menace le pouvoir d’Hérode doit disparaître. C’est une guerre qui est déclarée contre le Messie et une guerre qui va se jouer en plusieurs manches.

    Première manche : la localisation du Messie. Malgré la défection finale des mages, le point est à Hérode. La sainte famille est obligée de s’enfuir.

    Deuxième manche : elle est gagnée aux points par Jésus puisque Hérode meurt. Il peut rentrer à Nazareth.

    Troisième manche : elle se joue pendant le ministère de Jésus. Il a le soutien de la foule. Le point et pour Jésus.

    Quatrième manche : les adversaires de Jésus réussissent à le faire condamner par Ponce Pilate. Victoire des violents par K.O.

    Jésus est mort. Tout est-il fini ? Les ténèbres ont-elles eu raison de la lumière ?

    Eh bien, quelques personnes racontent avoir vu Jésus vivant, ressuscité, et répandent ce message ! Il aurait finalement vaincu ! Quelle est la valeur de cette victoire secrète ?

    Nous en sommes ici de ce combat, de cette confrontation dont Matthieu a donné les premiers moments. Quelle est la valeur de cette victoire secrète ? Que croyons-nous ? Nous ? Qui a gagné ? Est-ce Jésus ou les hérodes de notre temps ?

    Le monde ne nous envoie pas de signal clair. En fait, le monde parie plutôt sur la victoire de l’obscurité sur la lumière. Et nous, sur qui parions-nous ? De quel côté nous plaçons-nous ?

    C’est bien la question de la foi. Croyons-nous en la résurrection, en la victoire — encore secrète, mais déjà adjugée — de Jésus, de la justice et de la vérité sur l’obscurité ? De quel côté nous plaçons-nous ? Comment allons-nous le manifester, le faire savoir ? La balle est dans notre camp.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Matthieu 2. Les trois cadeaux des mages à Jésus

    22.12.2019

    Matthieu 2

    Les trois cadeaux des mages à Jésus

    Matthieu 13:45-46     Matthieu 2: 1-12

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Les mages sont partis d'Orient pour porter à Jésus leurs cadeaux. Trois cadeaux pour signifier le mystère de Noël : l'or, l'encens et la myrrhe. Trois cadeaux pour dire ce que l'humanité peut apporter à Dieu, peut déposer devant lui.

    Trois cadeaux pour dire, en retour, ce que Jésus le Christ apporte à l'humanité. Trois cadeaux symboles de la vie, de la rencontre et du don. Trois cadeaux symboles de ce qui est échangé à Noël, symboles de ce que nous pouvons donner et de ce que Dieu nous donne en cette nuit de Noël.

    * * *

    Commençons par la myrrhe. La myrrhe est une résine amère. Elle vient d'une plante médicinale. Elle était utilisé comme médicament, comme aphrodisiaque et pour les embaumements. Cette plante aurait poussé au paradis, elle évoque donc l'état originel, la vie avant l'état mortel.

    La myrrhe a donc affaire avec les blessures de la vie et avec le retour à la vie, avec notre finitude et notre aspiration à l'éternité.

    En offrant la myrrhe à Jésus, les rois mages déposent devant lui toutes les blessures de nos vies, toutes nos pertes, nos deuils, nos manques. Nous pouvons déposer devant le Christ toutes nos douleurs, toutes nos souffrances, toutes nos blessures, nos remords et nos erreurs impardonnables; les manquements commis autant que les violences subies.

    En déposant tout cela devant Jésus, Dieu nous offre en retour le baume qui cicatrise et nous rend un cœur aimant, un cœur capable d'ouverture et de chaleur. Dieu nous offre la capacité d'aimer et de vivre.

    La myrrhe, l'amer médicament sur nos blessures, nous ouvre à une vie renouvelée, à nouveau possible, régénérée.

    * * *

    Le deuxième cadeau, c'est l'encens. L'encens est également une résine, qui, si on la brûle, dégage un parfum agréable. De l'encens était brûlé dans le Temple de Jérusalem. L'encens évoque donc le sacré, le culte rendu à Dieu, la prière qui monte vers Dieu.

    Le parfum évoque le mystère divin. Une odeur ne se voit pas, ne peut pas être saisie, arrêtée, effacée. Une odeur franchit les portes et les murs, elle est partout présente, ne peut pas être étouffée comme un bruit ou éteinte comme une lumière. Le parfum nous remplit par notre respiration, notre souffle. Un beau parfum fait plaisir, enchante, enivre…

    L'offrande d'encens, c'est l'offrande de bonne odeur, de nos gestes de bonté, de générosité. L'encens est le symbole de notre quête de Dieu et de tous les gestes, nos efforts et nos tentatives de faire le bien autour de nous. Ce sont nos gestes d'amour que nous voulons déposer au pied de la crèche.

    Le mystère de Noël, c'est que Dieu répond à notre quête et à nos offrandes par la don de sa présence. A Noël, il se donne lui-même à l'humanité. A Noël, la rencontre a lieu entre notre aspiration et sa venue.

    A nos gestes maladroits et imparfaits, Dieu répond par le don fragile d'un nouveau-né, il vient à notre rencontre dans une fragilité pareille à la nôtre, sans nous brusquer. A Noël, notre quête rencontre sa Présence.

    * * *

    Et les mages donnent de l'or au nouveau-né ! L'or est ce qui nous est le plus proche. Je suis sûr qu'à peu près tout le monde ici peut toucher de l'or, sur soi ou sur son voisin ou sa voisine. Qui n'a pas un collier, un bracelet ou une alliance en or ?

    L'or est ce qui est précieux, qui a de la valeur, qui est rare. Qu'est-ce qui est précieux, qui a de la valeur et qui est rare ? Nous-mêmes. Chaque individu est différent de tous les autres. Nous sommes des personnes uniques. Il y a en chacun de nous quelque chose d'unique : une qualité, une compétence, un talent, une qualité d'être, une capacité à écouter, un talent de cuisinier ou de jardinier, un talent artistique.

    Il y a en chacun de nous quelque chose d'unique, d'irremplaçable, d'infiniment personnel. Voilà ce que nous pouvons offrir en cadeau à Jésus. Offrir notre personne. Notre personne vaut plus que de l'or.

    A Noël, Dieu vient nous dire : "Tu es précieux à mes yeux, tu comptes pour moi." (Es 43:4). Vous vous souvenez de la parabole du marchand qui trouve une perle magnifique et qui vend tout pour l'acheter ? (Mt 13:45-46) Cette parabole nous parle de Noël. Dieu est le marchand qui donne ce qu'il a de plus précieux, son fils unique, pour nous acquérir, nous ! Il donne son fils contre notre personne. Il fait don de son fils pour entrer en relation avec nous. Cela vaut plus que de l'or !

    Ces trois cadeaux, l'or, l'encens et la myrrhe nous disent que Noël est le moment de notre rencontre avec Dieu, le moment où il nous fait don de son Fils pour que nous ayons la vie, la vraie vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Matthieu 2. Avent I - Tous appelés à venir devant la crèche

    1.12.2019

    Matthieu 2

    Avent I - Tous appelés à venir devant la crèche

    Nombres 24 : 15-17.       Matthieu 2 : 1-9.       Apocalypse 22 : 16-17.

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous entrons aujourd'hui dans le temps de l'Avent, commencement de l'année liturgique, recommencement du cycle de la vie de Jésus qui va de Noël à Pentecôte, en passant par Pâques. Temps de l'Avent, Avent qui signifie advenue, temps où nous attendons la venue de Jésus, dans le double sens où nous célébrons sa première venue et où nous espérons, attendons sa venue sous la forme de la réalisation de son règne sur terre, la venue d'un monde plus juste, plus humain, plus charitable.

    Dans ce temps du mois de décembre, chacun fait des efforts d'accueil, des efforts de générosité (en tout cas, beaucoup d'oeuvres attendent que nous utilisions les bulletins de versement qu'elles nous envoient) ou des efforts de décorations. C'est le temps de sortir les guirlandes lumineuses et les santons pour disposer nos crèches.

    Nos crèches traditionnelles — et je pense particulièrement aux crèches provençales — font de gentils mélanges et de doux anachronismes (par. ex. en y plaçant un curé). Pourtant ces anachronismes — des erreurs du point de vue historique — révèlent pourtant bien le sens de la nativité : tous, qui que nous soyons, d'où que nous venions, aujourd'hui, nous sommes invités à nous agenouiller devant Jésus et à l'adorer.

    Selon les évangiles, on ne devrait pas voir en même temps les bergers et les mages ensemble dans l'étable ! Le récit de Luc se passe au moment de la naissance et les bergers sont invités à voir un bébé emmailloté et posé dans une crèche. Dans le récit de Matthieu, les mages voient une étoile qui signale une naissance et se mettent en route à ce moment-là et arrivent plusieurs mois plus tard à Bethléem.

    La vérité, cependant, ne se trouve pas dans une réalité historique sous-jacente qu'il faudrait à tout prix reconstituer (comme les efforts de certains astronomes pour savoir s'il y a véritablement eu un signe dans le ciel — une supernovae ou une comète ou une conjonction de planètes — qui expliquerait le voyage des mages). Cette réalité historique ne nous est de toute façon plus accessible.

    Les évangiles ne nous livrent pas des preuves, mais cherchent à nous fournir des raisons de croire, des éléments pour alimenter notre foi, des événements qui donnent du sens à notre vie. Ainsi la question n'est pas : Que s'est-il exactement passé autour de cette étoile et de ces mages ? Mais plutôt : Que veut nous communiquer Matthieu en écrivant ce récit et en plaçant cette étoile dans ce récit ?

    Oui, cette étoile — qui a un si grand rôle — est étrange sous la plume de Matthieu ! Il n'est pas dans les habitudes de la tradition juive de se référer à l'astrologie pour asseoir une démonstration théologique. Alors pourquoi Matthieu introduit-il de l'astrologie dans la vie de Jésus ?

    Bien sûr, Matthieu utilise là un lieu commun de l'Antiquité. Il va quasiment de soi qu'une naissance royale est accompagnée d'un signe dans le ciel. On dit encore "Naître sous une bonne étoile." En s'exprimant ainsi, Matthieu est sûr de se faire comprendre de ses contemporains qui sont — selon les exégètes d'aujourd'hui — les chrétiens de la ville d'Antioche en Syrie, une communauté formée autant de grecs, anciens païens que d'anciens juifs.

    Matthieu, cependant, a aussi une autre idée, celle de montrer que la venue de Jésus est l'accomplissement des prophéties de l'Ancien Testament. C'est ainsi que son récit est construit autour de plusieurs citations de l'Ancien Testament. Les prêtres consultés par Hérode pour savoir où ce roi doit naître trouvent la ville de Bethléem dans les Ecritures. De même, Matthieu va appuyer la fuite en Egypte sur une autre citation.

    L'étoile des mages rappelle une prophétie de Balaam dans le livre des Nombres (24:17) qui dit :

     

    "Je vois ce qui arrivera — mais ce n'est pas pour aujourd'hui — je discerne un événement — mais il se produira plus tard — un astre apparaît parmi les descendants de Jacob, un souverain surgit au milieu du peuple d'Israël."

    Chez Matthieu, le récit de la naissance de Jésus est là — pour ses auditeurs d'origine juive — pour faire le lien entre l'Ancien Testament et Jésus, pour assurer une continuité entre l'héritage de la Torah et la nouveauté de la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Ce Jésus de Nazareth est bien celui qui devait venir, celui qui était annoncé, il est bien le Messie annoncé par les prophètes.

    Mais ce langage n'est pas directement compréhensible pour les auditeurs d'origine païenne de Matthieu. Ces prophéties, ils ne les connaissent pas, ils sont nouveaux par rapport à cette traditionde l'Ancien Testament, alors en quoi sont-ils concernés par ce Jésus ?

    C'est là qu'interviennent justement ces mages. Ces mages ne sont pas juifs puisqu'ils viennent d'Orient et qu'ils sont sensibles aux signes astronomiques — pourtant ils voient le signe et ils viennent.

    Le récit de Matthieu fait donc place à ceux qui sont rattachés à la tradition comme à ceux qui viennent ensuite, du dehors. Pour ceux-là Dieu aussi donne des signes. A ceux-là Dieu aussi se manifeste. Ceux-là aussi sont invités par Dieu à venir adorer Jésus.

    Par ce récit, Matthieu ouvre l'évangile à une dimension universelle. Cette naissance concerne tout le monde, chacun, d'où qu'il vienne, est invité à reconnaître en Jésus le souverain, celui qui règne sur tous, au point que certains auteurs, plus tard, lui donneront le titre "d'étoile brillante du matin" (Apoc 22:16).

    Vous connaissez, vous, une étoile du matin, une étoile bien brillante ? Moi, je ne connais qu'une seule étoile qui peut être appelée comme cela, c'est le soleil !

    Cet universalisme de ceux qui sont rassemblés autour de Jésus, c'est bien ce que nos crèches anachroniques nous disent aussi : nous sommes tous invités à converger vers Jésus pour l'adorer, d'où que nous venions.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019

  • Matthieu 2. Jésus vit les déplacements de son peuple

    Matthieu 2

    13.1.2019

    Jésus vit les déplacements de son peuple

    Jérémie 31 : 2-9        Matthieu 2 : 13-18        Matthieu 2 : 19-23

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche passé, nous avons vécu le dimanche des Rois. L’occasion de rappeler la visite des mages auprès de Jésus. Souvent, on passe directement du récit des mages au baptême de Jésus. D’un coup on passe 30 ans de la vie de Jésus. Il est vrai que nous ne savons quasiment rien de cette période de la vie de Jésus.

    Luc nous donne quelques épisodes, Jésus présenté au Temple par ses parents, la rencontre avec le vieux Siméon et avec la prophétesse Anne, puis, 12 ans plus tard ce pèlerinage à Jérusalem où Jésus fausse compagnie à ses parents pour rester au Temple discuter avec les maîtres de la loi.

    De son côté — et c’est ce qui va nous intéresser ce matin — Matthieu fait faire tout un voyage à Jésus et sa famille, la fameuse fuite en Egypte. On voit dans ces différences entre les récits d’enfance, que chaque Evangile a des préoccupations propres.

    Même si les trois Evangiles Matthieu, Marc et Luc se ressemblent beaucoup — parce qu’ils sont bâtis sur le même plan, le même déroulement et qu’ils ont beaucoup de textes en commun — chaque Evangéliste donne une couleur propre à son texte. Pourquoi ces différences entre eux ? Simplement parce que — même s’ils parlent à partir des mêmes souvenirs, des mêmes données de bases — ils parlent dans des lieux géographiques différents et à des communautés différentes.

    Les Evangiles sont plus des prédications que des reportages. Mais le particulier peut devenir universel. Dans les deux lectures de l’Evangéliste Matthieu que vous avez entendues ce matin, il y a un récit en trois parties : la fuite en Egypte, le massacre des enfants et le retour d’Egypte. Ces trois petits récits sont propre à Matthieu, ils n’ont pas d’équivalents dans les autres Evangiles. On y voit donc concrètement Matthieu à l’œuvre dans son travail de prédicateur-écrivain.

    Chacun de ces trois petits textes commence par exposer une histoire et se termine, se conclut par une citation biblique. Il y a donc une trame narrative assortie, ponctuée de citations de l’Ancien Testament. Ces références fréquentes (plus fréquentes chez Matthieu que chez Marc ou Luc) à l’Ancien Testament sont une des particularités de Matthieu. Il connaît bien les Ecritures et il parle à des gens pour qui les textes bibliques sont importants, sont connus et représentent une autorité. On peut en déduire que Matthieu parle à une communauté formée — en grande partie au moins — de juifs. Il essaie de convaincre des juifs, des coreligionnaires que Jésus est celui qui accomplit les Ecritures.

    La première citation : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Egypte. » (Os 11 :1) est une attestation messianique de la filiation divine de Jésus. Attester cette filiation divine de Jésus est le but des deux chapitres que Matthieu consacre à l’enfance de Jésus. Mais la citation ajoute le voyage — et surtout le retour — d’Egypte. Parler de la sortie d’Egypte, c’est faire allusion à Moïse, le grand législateur de l’Ecriture.

    La troisième citation — je reviendrai sur la deuxième juste après — va dans le même sens : « Il sera appelé le Nazaréen. » Ici Matthieu fait un jeu de mot entre Nazareth et Nazir qui désigne l’homme consacré à Dieu (Cf. Juges 16 :17). Matthieu désigne Jésus comme un prophète et un libérateur à l’image de Samson — l’homme consacré à Dieu qui ne se coupe pas les cheveux.

    La deuxième citation (Mt 2 :18) est étrange pour nous. Il est difficile de savoir si le récit du massacre est constitué pour utiliser la citation ou si la citation est ajoutée pour donner un sens au massacre des nouveau-nés. Mais il y a deux choses intéressantes dans ce passage :

    (i) le parallèle entre le massacre des nouveau-nés ordonné par le pharaon auquel Moïse échappe et celui d’Hérode auquel Jésus échappe. Matthieu fait ici un nouveau parallèle entre Jésus et Moïse ;

    (ii) le contenu du chapitre de Jérémie d’où vient cette citation sur les enfants de Rachel. Cette citation est tirée du chapitre 31 du livre de Jérémie. Ce chapitre 31, on l’appelle le « Livret de la consolation. »

    Il contient notamment l’annonce de la Nouvelle Alliance « Je graverai mes instructions dans votre cœur » (Jér 31:33) et la déclaration d’amour de Dieu envers son peuple que vous avez entendue dans les lectures. Dans cette déclaration, Dieu déclare à propos de son peuple : « Je vais les ramener du pays du Nord et les rassembler des plus lointaines contrées. » (Jér 31:8) Ce retour au pays est le retour du peuple d’Israël de son exil à Babylone.

    Ainsi, on peut voir que Matthieu superpose — pour ses auditeurs bien au fait de l’histoire du peuple juif et connaisseurs des Ecritures — l’Exode hors d’Egypte et le retour d’Exil. Et il décrit un Jésus qui vit les périples — géographiques, mais surtout existentiels et souffrants — de son peuple. Matthieu montre par ce trois récits assortis de leurs citations que Jésus a lui-même revécu les pérégrinations du peuple d’Israël, que Jésus est donc totalement assimilé à ce peuple, y compris à ce peuple en exil. L’incarnation de Jésus est autant une incarnation dans la chair humaine que dans l’histoire de son peuple !

    Si l’on tient compte du fait que Matthieu parle ou écrit son Evangile pour une communauté d’origine juive de la diaspora (probablement à Antioche, en Syrie) on réalise que le voyage de Jésus — dans la géographie, mais surtout dans la dramatique historique du peuple de Dieu — est une sorte d’inclusion de la diaspora juive dans le vie de Jésus.

    En image, Jésus a visité tous les exilés, vécu leur exil même, avant de commencer son ministère en Galilée et à Jérusalem. Comme croyants de tous les âges, de l’Exode, de l’Exil, de l’Empire romain ou d’aujourd’hui, nous sommes pris en compte dans la vie de Jésus. Matthieu assure ainsi à ses auditeurs d’Antioche — loin de Jérusalem et de la terre d’Israël — que le message de Jésus, que le salut les concerne aussi.

    Matthieu l’avait déjà dit d’une certaine façon à travers le récit des mages venus d’Orient. Il le fait, là, d’une façon inversée, en faisant voyager Jésus. Il assure, là, à une communauté d’origine juive de la diaspora, non seulement qu’ils sont inclus dans la nouvelle alliance, mais qu’ils peuvent aussi accueillir les croyants non-juifs dans leur communauté.

    Il y a là un message universaliste — d’ouverture — de la part de Matthieu, un message d’ouverture qu’il met en parallèle avec celui de la Nouvelle Alliance de Jérémie. Pour Matthieu, cette nouvelle alliance se réalise pleinement en Jésus, le Messie qui vient de Dieu, autant pour les juifs installés en Israël, que pour les juifs de la diaspora ainsi que pour tous les peuples de la terre.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2019