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Jésus vit les déplacements de son peuple

Matthieu 2

13.1.2019

Jésus vit les déplacements de son peuple

Jérémie 31 : 2-9        Matthieu 2 : 13-18        Matthieu 2 : 19-23

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Chers frères et sœurs en Christ,

Dimanche passé, nous avons vécu le dimanche des Rois. L’occasion de rappeler la visite des mages auprès de Jésus. Souvent, on passe directement du récit des mages au baptême de Jésus. D’un coup on passe 30 ans de la vie de Jésus. Il est vrai que nous ne savons quasiment rien de cette période de la vie de Jésus.

Luc nous donne quelques épisodes, Jésus présenté au Temple par ses parents, la rencontre avec le vieux Siméon et avec la prophétesse Anne, puis, 12 ans plus tard ce pèlerinage à Jérusalem où Jésus fausse compagnie à ses parents pour rester au Temple discuter avec les maîtres de la loi.

De son côté — et c’est ce qui va nous intéresser ce matin — Matthieu fait faire tout un voyage à Jésus et sa famille, la fameuse fuite en Egypte. On voit dans ces différences entre les récits d’enfance, que chaque Evangile a des préoccupations propres.

Même si les trois Evangiles Matthieu, Marc et Luc se ressemblent beaucoup — parce qu’ils sont bâtis sur le même plan, le même déroulement et qu’ils ont beaucoup de textes en commun — chaque Evangéliste donne une couleur propre à son texte. Pourquoi ces différences entre eux ? Simplement parce que — même s’ils parlent à partir des mêmes souvenirs, des mêmes données de bases — ils parlent dans des lieux géographiques différents et à des communautés différentes.

Les Evangiles sont plus des prédications que des reportages. Mais le particulier peut devenir universel. Dans les deux lectures de l’Evangéliste Matthieu que vous avez entendues ce matin, il y a un récit en trois parties : la fuite en Egypte, le massacre des enfants et le retour d’Egypte. Ces trois petits récits sont propre à Matthieu, ils n’ont pas d’équivalents dans les autres Evangiles. On y voit donc concrètement Matthieu à l’œuvre dans son travail de prédicateur-écrivain.

Chacun de ces trois petits textes commence par exposer une histoire et se termine, se conclut par une citation biblique. Il y a donc une trame narrative assortie, ponctuée de citations de l’Ancien Testament. Ces références fréquentes (plus fréquentes chez Matthieu que chez Marc ou Luc) à l’Ancien Testament sont une des particularités de Matthieu. Il connaît bien les Ecritures et il parle à des gens pour qui les textes bibliques sont importants, sont connus et représentent une autorité. On peut en déduire que Matthieu parle à une communauté formée — en grande partie au moins — de juifs. Il essaie de convaincre des juifs, des coreligionnaires que Jésus est celui qui accomplit les Ecritures.

La première citation : « J’ai appelé mon fils à sortir d’Egypte. » (Os 11 :1) est une attestation messianique de la filiation divine de Jésus. Attester cette filiation divine de Jésus est le but des deux chapitres que Matthieu consacre à l’enfance de Jésus. Mais la citation ajoute le voyage — et surtout le retour — d’Egypte. Parler de la sortie d’Egypte, c’est faire allusion à Moïse, le grand législateur de l’Ecriture.

La troisième citation — je reviendrai sur la deuxième juste après — va dans le même sens : « Il sera appelé le Nazaréen. » Ici Matthieu fait un jeu de mot entre Nazareth et Nazir qui désigne l’homme consacré à Dieu (Cf. Juges 16 :17). Matthieu désigne Jésus comme un prophète et un libérateur à l’image de Samson — l’homme consacré à Dieu qui ne se coupe pas les cheveux.

La deuxième citation (Mt 2 :18) est étrange pour nous. Il est difficile de savoir si le récit du massacre est constitué pour utiliser la citation ou si la citation est ajoutée pour donner un sens au massacre des nouveau-nés. Mais il y a deux choses intéressantes dans ce passage :

(i) le parallèle entre le massacre des nouveau-nés ordonné par le pharaon auquel Moïse échappe et celui d’Hérode auquel Jésus échappe. Matthieu fait ici un nouveau parallèle entre Jésus et Moïse ;

(ii) le contenu du chapitre de Jérémie d’où vient cette citation sur les enfants de Rachel. Cette citation est tirée du chapitre 31 du livre de Jérémie. Ce chapitre 31, on l’appelle le « Livret de la consolation. »

Il contient notamment l’annonce de la Nouvelle Alliance « Je graverai mes instructions dans votre cœur » (Jér 31:33) et la déclaration d’amour de Dieu envers son peuple que vous avez entendue dans les lectures. Dans cette déclaration, Dieu déclare à propos de son peuple : « Je vais les ramener du pays du Nord et les rassembler des plus lointaines contrées. » (Jér 31:8) Ce retour au pays est le retour du peuple d’Israël de son exil à Babylone.

Ainsi, on peut voir que Matthieu superpose — pour ses auditeurs bien au fait de l’histoire du peuple juif et connaisseurs des Ecritures — l’Exode hors d’Egypte et le retour d’Exil. Et il décrit un Jésus qui vit les périples — géographiques, mais surtout existentiels et souffrants — de son peuple. Matthieu montre par ce trois récits assortis de leurs citations que Jésus a lui-même revécu les pérégrinations du peuple d’Israël, que Jésus est donc totalement assimilé à ce peuple, y compris à ce peuple en exil. L’incarnation de Jésus est autant une incarnation dans la chair humaine que dans l’histoire de son peuple !

Si l’on tient compte du fait que Matthieu parle ou écrit son Evangile pour une communauté d’origine juive de la diaspora (probablement à Antioche, en Syrie) on réalise que le voyage de Jésus — dans la géographie, mais surtout dans la dramatique historique du peuple de Dieu — est une sorte d’inclusion de la diaspora juive dans le vie de Jésus.

En image, Jésus a visité tous les exilés, vécu leur exil même, avant de commencer son ministère en Galilée et à Jérusalem. Comme croyants de tous les âges, de l’Exode, de l’Exil, de l’Empire romain ou d’aujourd’hui, nous sommes pris en compte dans la vie de Jésus. Matthieu assure ainsi à ses auditeurs d’Antioche — loin de Jérusalem et de la terre d’Israël — que le message de Jésus, que le salut les concerne aussi.

Matthieu l’avait déjà dit d’une certaine façon à travers le récit des mages venus d’Orient. Il le fait, là, d’une façon inversée, en faisant voyager Jésus. Il assure, là, à une communauté d’origine juive de la diaspora, non seulement qu’ils sont inclus dans la nouvelle alliance, mais qu’ils peuvent aussi accueillir les croyants non-juifs dans leur communauté.

Il y a là un message universaliste — d’ouverture — de la part de Matthieu, un message d’ouverture qu’il met en parallèle avec celui de la Nouvelle Alliance de Jérémie. Pour Matthieu, cette nouvelle alliance se réalise pleinement en Jésus, le Messie qui vient de Dieu, autant pour les juifs installés en Israël, que pour les juifs de la diaspora ainsi que pour tous les peuples de la terre.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2019

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