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pèlerins d' emmaüs

  • Luc 24. Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.

    Luc 24
    6.5.2012
    Pas de vision directe du ressuscité, pour l'évangéliste Luc.
    Luc 24 : 13-35

    Télécharger la prédication ici : P-2012-05-06.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Christ est ressuscité ! C'est ce que nous proclamons depuis Pâques, comme chrétiens. C'est ce que les premiers chrétiens ont proclamé, cru et transmis, et que d'autres chrétiens ont relayé jusqu'à aujourd'hui. Il y a des Eglises encore aujourd'hui, et nous sommes-là en ce moment, parce que ce message a été proclamé.
    Il n'en reste pas moins que cette proclamation reste difficile à comprendre, à saisir ou à accepter. Et c'est bien aussi ce que nous dit le récit de Luc, de ces "pèlerins d'Emmaüs" qui cheminent, qui s'éloignent de Jérusalem pour retourner chez eux. Ils étaient montés à Jérusalem plein d'espoir, ils pensaient que ce Jésus était celui qui allait délivrer Israël (Luc 24:21). Ils rentrent attristés, déçus, tout a mal tourné.
    C'est dans ce contexte, cette situation, triste et bouchée, que Luc vient parler de résurrection, de Jésus ressuscité. Luc veut nous faire comprendre de quelle nature est la résurrection. Luc était médecin, il avait fait des études, ce n'était pas un illuminé, prêt à croire une fable ou l'illumination d'exaltés. Luc ne cherche donc pas à éblouir ou à aveugler par des éclairs. C'est le contraire; le récit est tout en retenue, Luc est même extrêmement économe dans ses récits d'apparition de Jésus.
    Dans ce récit des "pèlerins d'Emmaüs" Jésus chemine avec Cléopas et un autre homme, mais sans qu'ils ne le reconnaissent. Pour eux deux, c'est un inconnu qui chemine avec eux. Cela peut-être n'importe quel voyageur. Ensuite, quand les yeux de Cléopas et de l'autre homme s'ouvrent, Jésus disparaît.  Jésus n'est reconnu qu'après coup. (v.31)
    Pourquoi Luc joue-t-il à ce jeu de cache-cache ? Parce qu'il doit exprimer par des mots une réalité qui nous échappe, une réalité inconnue, toute nouvelle : Jésus est présent malgré le fait qu'il soit mort sur la croix. Sa présence persiste au-delà du mur de la mort. Mais cette présence n'est pas celle de quelqu'un qui aurait été réanimé, ni la présence d'un fantôme.
    Cette présence de Jésus chemine avec nous et dialogue avec nous. Jésus n'est ni sous terre, ni loin dans le ciel, il est sur les chemins de nos vies et il vient pour partager nos moments de vie et il vient incognito.
    Nous ne pouvons pas dire — à coup sûr — "il n'est pas là maintenant !" parce que nous ne le voyons pas. Il est dans notre cheminement. Il est dans notre questionnement, dans nos interrogations, dans nos déceptions ou nos joies.
    Il nous invite à penser notre vie. "De quoi discutiez-vous", "qu'est-il arrivé" demande-t-il. Il nous invite à raconter ce que nous vivons, à mettre des mots sur les faits, sur nos pensées, sur nos sentiments, sur nos émotions.
    Alors, ce processus nous met en contact avec nous-mêmes, avec notre être intérieur, avec notre histoire, pour coller ensemble, pour rassembler les différents épisodes de nos vies pour en faire un récit qui ait du sens. C'est dans ce processus que les yeux des deux hommes vont s'ouvrir. Ils racontent leur histoire, leurs pensées, leurs sentiments.
    Ensuite, Jésus fait deux choses : a) il relie ces faits et ces pensées avec la tradition, l'histoire du peuple d'Israël qu'on trouve dans l'Ecriture, dans la Bible. b) ensuite il répète les gestes que les disciples ont vécu : le partage du pain, vécu lors du dernier repas avec Jésus.
    Là, ça leur fait tilt. Leurs yeux s'ouvrent, ils comprennent, l'histoire a, tout à coup, un sens. Ce qui était absurde et désespérant prend la forme d'une histoire avec un plan, un but, une orientation. La mort de Jésus n'était pas la fin de l'histoire, mais le début. Jésus n'a pas été assassiné, mais il a donné sa vie pour nous ouvrir les yeux.
    Quand tout s'illumine pour ces deux disciples, Jésus n'a plus besoin d'être assis avec eux à la table, la présence de Jésus est maintenant en eux-mêmes, ils sont habités, ils peuvent se lever, se relever — c'est le verbe de la résurrection qui est utilisé là. Ils peuvent retourner à Jérusalem vers les autres disciples, parce que l'histoire commence maintenant.
    Dans ce récit, ce que Luc montre, c'est qu'il y a deux lieux où l'on peut reconnaître la présence du Christ : premièrement, c'est dans les Ecritures, dans la Bible. A la lumière du Premier Testament, la vie de Jésus et sa mort prennent un sens nouveau, qui est le début d'un histoire et non le terminus. Deuxièmement, c'est dans le partage du pain, dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité. C'est là, dans l'Ecriture et dans la Cène que se révèle la vie du Christ ressuscité.
    Pour Luc, il n'y a pas de vision directe du ressuscité. Il n'y a pas besoin de vision directe pour être croyant, pour comprendre. La vérité du Christ n'est ni sous terre dans un tombeau, ni au ciel — en sécurité dans le ciel, loin de la méchanceté humaine. Non, la vérité du Christ est dans cette présence invisible parmi nous qui se vit dans le lien entre notre histoire et l'histoire des croyants racontée dans la Bible et dans le partage du pain, signe du partage des biens et du partage des soucis de la vie quotidienne.
    A nous d'ouvrir les yeux pour voir qui chemine avec nous. Pour entendre les questions que nous posent ceux qui cheminent avec nous. Pour entendre les liens que tissent notre histoire avec les personnages de la Bible. Pour reconnaître le Christ dans ceux qui partagent le pain de l'existence avec nous.
    Christ n'est ni enfermé dans son tombeau, ni éloigné dans le ciel. Il chemine avec nous pour nous ouvrir les yeux, pour nous relever et pour nous donner la vraie vie avec lui.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012