Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

purification

  • Matthieu 27. Le rideau du Temple est déchiré

    Matthieu 27

    30.3.2018

    Le rideau du Temple est déchiré

    Esaïe 53 : 1-12 Hébreux 10 : 19-24 Matthieu 27 : 35-38 + 45-53

     

    télécharger le texte : P-2018-03-30.pdf

     

    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous avons entendu le passage biblique qui raconte la mort de Jésus. Lorsque je relis ce récit — comme l'ensemble du récit de la Passion — je suis frappé par la sobriété du récit. On aurait pu imaginer que les premières Eglises, dans un élan de mémoire et par vénération pour leur Seigneur, aient enjolivé le récit, rajouté toutes sortes d'éléments pour bien montrer le rôle exceptionnel de leur héros ! Non, rien de tout cela. Le récit est court, sobre, mesuré. On voit que chaque mot est pesé, pensé, porteur de sens, de signification, mais il n'y a pas de dérive vers le fantastique ou le miraculeux — au contraire, pourrait-on dire.

    Il y a comme la nécessité que ce récit soit un procès-verbal fidèle de ce qui s'est passé, dans son dépouillement, sa crudité, sa cruauté aussi. Le sens vient du compte-rendu et non de rajouts. Cela est possible par le fait que les mots utilisés pour rendre compte des événements sont autant de renvois à d'autres textes et récits pour l'auditeur averti.

    On pourrait dire que les évangélistes sont les inventeurs de ce qu'on appelle en langage informatique de l'hypertexte ! De l'hypertexte, c'est un mot qui s'affiche en couleur sur l'écran et sur lequel on peut diriger le curseur de la souris et cliquer. Du mot choisi surgira une nouvelle fenêtre sur laquelle on peut lire une information supplémentaire concernant ce mot.

    Pour le récit de la mort de Jésus, ces informations supplémentaires viennent de l'Ancien Testament. Ce n’est qu'au travers du message de l'Ancien Testament que la mort de Jésus a pu être comprise par les disciples.

    La relecture de la Passion passe donc par le Ps 22 (que nous avons antiphoné au début du culte 64-23) et par Esaïe 53 (que nous avons entendu). Dans ces deux textes se trouvent un grand nombre de paroles qui aident à comprendre la mort de Jésus, comme messie souffrant.

    Un mot dans le récit de la mort de Jésus a retenu mon attention cette semaine : "Jésus poussa un grand cri et mourut. A ce moment, le rideau suspendu dans le Temple se déchira, depuis le haut, jusqu'en bas" (Mt 27:50-51).

    Le rideau qui se déchire n'est pas une citation de l'Ancien Testament, ne se trouve ni dans le Ps 22, ni dans Esaïe 53, et pourtant les trois évangélistes le mentionnent ! C'est une phrase intrigante. Que veut-elle nous dire ? Cela se passe exactement au moment de la mort de Jésus. Cela signifie que la mort de Jésus provoque quelque chose à l'intérieur du Temple.

    Le rideau dont il est question sépare le lieu saint où sont apportées les offrandes par les prêtres, du lieu très saint ou devraient résider l'Arche de l'alliance et les Tables de la Loi (je dis "devraient" car elles ont disparu lors de la démolition du premier Temple en 587 avant J.-C.).

    Le lieu très saint est inaccessible aux hommes, sauf une fois par an, par le grand-prêtre, pour un rituel du pardon des péchés de tout le peuple. Le grand-prêtre doit en premier offrir (hors du saint des saints) un sacrifice pour ses propres péchés et accomplir un rituel de purification. Ensuite seulement, il peut entrer dans le lieu très saint, apportant à Dieu l'ensemble des péchés du peuple d'Israël.

    Il y a deux éléments dans cette partie rituelle, une aspersion de sang sur l'arche et le rituel du bouc émissaire qui sera ensuite envoyé dans le désert avec les péchés du peuple (voir Lév. 16).

    Ainsi le grand-prêtre doit se présenter devant Dieu sans péché et apporter tous les péchés de son peuple pour le grand pardon.

    Lorsque les évangélistes affirment que le rideau du Temple s'est déchiré de haut en bas au moment où Jésus meurt, ils déclarent en quelque sorte qu'à ce moment Jésus entre dans le lieu très saint. Il entre en tant que grand-prêtre sans péché et portant les péchés de tout le peuple, voire de la terre entière.

    Si le rideau est déchiré, c'est que cette entrée est faite une fois pour toute, définitivement et que le rideau n'a plus d'usage après cela. Ce qui devait séparer les humains de Dieu n'a plus lieu d'être dès que Jésus l'a franchi. Les rapports entre Dieu et les humains sont fondamentalement et définitivement changés. Il n'y a plus de séparation entre Dieu et les humains. Il n'y a plus de rideau. Il n'y a plus que le Christ qui fait le lien entre Dieu et les humains, entre les humains et Dieu.

    Dieu — en Jésus-Christ — prend sur lui d'ouvrir à tous son pardon, ce qu'aucun de nos efforts ne pouvait rendre possible, ce qu'aucun sacrifice ne pouvait rendre possible.

    Le rideau déchiré abolit la séparation, marque la réconciliation que Dieu offre aux humains.

    "Ainsi, frères — comme le dit la lettre aux Hébreux — nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous a ouvert un chemin nouveau et vivant au travers du voile (...). Approchons-nous donc de Dieu avec un cœur sincère et une foi pleine d'assurance (...). (Heb. 10:19-22).

    Voilà ce que Jésus accomplit pour nous aujourd'hui !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Quand le détail nous fait perdre l’essentiel.

    Luc 11
    1.5.2016
    Quand le détail nous fait perdre l’essentiel.

    Deutéronome 14 : 22-29     Luc 11 : 37-42
    Télécharger le texte : P-2016-05-01.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Il y a des textes bibliques qui sont absents des lectionnaires, ces listes de texte biblique proposés aux pasteurs pour chaque dimanche de l’année. Le texte de Luc que vous venez d’entendre et qui se prolonge, rythmé de « Malheur à vous pharisiens…» en fait partie. C’est vrai que ce sont des textes souvent difficiles à entendre. Mais ici, nous avons une petite perle, et il serait dommage de passer à côté de cette rencontre de Jésus avec ce pharisien.
    C’est un récit remarquable qui montre le génie de Jésus, sa capacité de rebondir sur des situations toutes simples de la vie quotidienne et en tirer un enseignement profond et tout à fait actuel, même au XXIe siècle ! Nous verrons comment ces paroles de Jésus concernent aujourd’hui les scandales qui font la Une des journaux. Mais voyons le récit en détail. Jésus est invité à un dîner chez un pharisien. Quand ils sont à table, le pharisien s’étonne de ce que Jésus n’ait pas pratiqué les ablutions rituelles.
    Ici, il n’est pas question de se laver les mains pour des raisons d’hygiène, mais d’être en règle avec Dieu, par une mesure de purification, au moyen des ablutions. Vous vous souvenez de ces vases de pierre dont il est question dans les noces de Cana. Il devait y en avoir dans chaque maison. Donc le pharisien fait une remarque de type religieuse à Jésus. Il met en question le rapport de Jésus à Dieu (ce qui est déjà ironique pour nous).
    Jésus va profiter de cet épisode de la vie quotidienne, de la vie ordinaire, pour en faire un enseignement fondamental. Pour les pharisiens, il est fondamental d’obéir à la Loi jusque dans les plus petits détails, pour montrer son attachement à Dieu. Pour eux —  pour les calvinistes souvent aussi — c’est dans les petits comportements que se jouent les grandes valeurs. Les petits manquements sont aussi graves que les grands. Le problème n’est pas avec cette idée, Jésus là aussi exposée et soutenue dans la parabole des Talents : « Celui qui est fidèle dans les petites choses le sera aussi dans les grandes » (Mt 25).
    Ce qui fait problème à Jésus, c’est lorsque l’arbre cache la forêt, lorsque l’attachement au détail prend une telle énergie qu’il n’en reste plus pour l’essentiel. Jésus va l’exprimer dans les catégories du dedans et du dehors. Il fait remarquer à son hôte que laver l’extérieur ne dispense pas de purifier l’intérieur. Et Jésus le fait avec ce génie rhétorique qui lui est propre : il transpose le principe du pharisien du corps à la vaisselle ! Personne ne va vouloir manger dans un plat qui m’a été lavé qu’à l’extérieur ! Il n’y a qu’un insensé pour faire cela.
    Ensuite Jésus renvoie à la création de l’être humain par Dieu. Dieu a créé l’être humain, intérieur et extérieur ensemble, comme une unité. Ce qui est sous-entendu, c’est que le rapport est Dieu passe par l’intérieur, par l’intériorité de l’être humain. C’est donc l’intérieur qu’on doit veiller à purifier ou garder pur autant que l’extérieur.
    En fait, Jésus reconnaît l’intention bonne du pharisien de se purifier pour être dans une bonne relation avec Dieu, mais il lui fait remarquer — un peu brutalement — que le moyen est inadéquat. Et — pour ceux qui ont des oreilles pour entendre — Jésus donne le bon moyen, littéralement : « Donnez du dedans, avec miséricorde, et vous serez purs. » (Luc 11:41)
    On peut faire deux lectures de cette parole. 
    1) une lecture matérielle — comme la traduction en français courant — « Donnez plutôt en aumône ce qui est dans vos plats et tout sera pur pour vous » ou bien 
    2) une lecture spirituelle : «Donner du dedans, de votre être intérieur, avec miséricorde, avec compassion, et tout sera purifié en vous. » Par cette parole, dont je préfère la lecture spirituelle, Jésus nous invite à puiser en dedans de nous-mêmes, dans notre être-même, l'élan de miséricorde, c'est-à-dire l'élan qui se penche vers la misère des autres, de la même manière que Dieu s'est penché sur la misère de son peuple en esclavage en Égypte. Ce qui rend pur, c’est-à-dire ce qui rend agréable à Dieu, ce ne sont pas des marques extérieures d’obéissance, mais une disposition intérieure tournée vers la sollicitude envers autrui.
    Ainsi, le résultat, recherché par le pharisien dans les ablutions, s’obtient pour Jésus par l’attention réelle portée à la détresse de son prochain. C’est là que se joue la relation à Dieu. Jésus nous fait donc passer d’une relation aux choses (la dîme) ou au corps (l’ablution) à une relation aux personnes. C’est là que se déplace le critère, la mesure de l’attachement à Dieu. Ensuite Jésus résume tout cela dans sa parole de deuil ou de malédiction : « Malheureux êtes-vous, pharisiens, qui donnez à Dieu la dîme de chaque plante de votre jardin, mais négligez la justice et l’amour !» (v.42)
    Je ne sais pas si vous avez remarqué une particularité dans les commandements du Deutéronome concernant la dîme ? La dîme est bien consacrée à Dieu — elle doit donc être consommée dans le Temple — mais elle n’est ni donnée aux prêtres, ni consommées par les prêtres, mais par le donateur et sa famille ! « Là, vous achèterez tout ce dont vous aurez envie (de la viande et de l’alcool) et vous les consommerez joyeusement avec vos familles… » Tous les trois ans, cette dîme servira de réserve pour les nécessiteux de la ville. Le but du don de la dîme est bien l’amour et la justice.
    Pour Jésus, il est non seulement important de redéfinir où se joue la relation à Dieu : dans l’attention aux personnes, mais surtout de redéfinir les priorités. Où est l’essentiel ? L’essentiel n’est pas dans les détails. L’essentiel, c’est que les grandes valeurs soient appliquées, mise en pratique. Rien — pas même le texte écrit de la Loi, encore moins les arguties juridiques — ne doivent faire oublier les valeurs essentielles, parce que ce sont elles — la justice et l’amour — qui ont un impact réel sur la vie quotidienne des populations.
    Et c’est bien ce qui est dit dans la dénonciation des derniers scandales : Lux Leaks, Panama Papers, et optimisation fiscale. Le scandale, c’est qu’il n’y a rien d’illégal dans ses pratiques ! Les lois en vigueur les permettent et nous empêchent de les combattre, mais la justice en tant que valeur est bafouée. Je suis sûr que Monsieur Schneider-Ammann est un homme honnête et qu’il signalerait à la caissière du supermarché si elle lui rendait trop de monnaie. Malgré cela il a pratiqué — sans fraude — l’optimisation fiscale pour son entreprise.
    Ce que Jésus nous dit en parlant à ce pharisien qui l’a invité à dîner, c’est qu’il ne faut pas perdre de vue les valeurs supérieures (la justice et l’amour) dans chacun de nos gestes. Et qu’il ne faut pas être aveuglé par notre honnêteté dans les petites choses au point de « filtrer le moucheron et d’avaler le chameau », une autre parole de Jésus (Mt 23:24).
    Il semble qu’à partir d’une certaine échelle (de millions ou de milliards), l’esprit se déconnecte de la réalité, et bien plus grave à cette échelle, c’est le contrôle éthique des comportements qui subitement se débranche, comme on le voit dans le scandale de VW et d’autres entreprises automobiles.
    Jésus met en garde contre ces deux fléaux contemporains : 1) Penser qu’on peut afficher longtemps une belle façade avec un intérieur corrompu. 2) Penser que tout ce qui est légal et forcément juste. Le génie de Jésus, c’est de nous faire voir de telles vérités universelles et intemporelles à partir d’une simple scène de la vie quotidienne.
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016