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remise en mouvement

  • Matthieu 6. Notre Père (4)

    14.6.2020

    Matthieu 9

    Notre Père (4)

    Matthieu 18 : 21-35.          Matthieu 9 : 1-8

    télécharger le texte : P-2020-06-14.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Depuis quelques semaines, j'ai commencé une série de prédications sur le Notre Père (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père"). Celle-ci est la quatrième.

    Pour récapituler, je prends le Notre Père à l'envers. Remonter dans le Notre Père nous permet de suivre en parallèle l'histoire du peuple d'Israël. « Amen » et la doxologie finale correspondent à l'enracinement en Dieu du peuple d'Israël. « Délivre-nous du mal » correspond à la sortie d'Egypte et à la délivrance de l'esclavage. « Ne nous laisse pas entrer en tentation » au parcours dans le désert, où Dieu acccompagne et soutien son peuple sur un chemin difficile.

    Aujourd'hui, nous abordons les phrases sur le pardon. « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » sont les phrases liturgiques de notre prière.

    Mais le texte, autant chez Matthieu que chez Luc parle de remise de dette (Mt) ou de remise des péchés (Luc). Il s'agit de vocabulaire économique et pas moral. Il y a interaction entre un créancier et un débiteur. Celui qui réclame de l'argent (ou un bien) et celui qui le doit, qui doit rembourser.

    Jésus a illustré ces rapports dans la parabole dite du « serviteur impitoyable », mais qui devrait plutôt s'appeler du « créancier généreux ».

    Dans la parabole, la dette est remise, elle est effacée, alors qu'il s'agissait d'une somme énorme. Elle est effacée sans condition préalable, par compassion, par générosité, par grandeur d'âme. Voilà comment Jésus nous présente le « Royaume de Dieu », donc l'agir de Dieu. Il remet notre dette.

    Aujourd'hui, nous n'avons pas tellement le sentiment d'être redevable, d'avoir une dette envers Dieu ou la Vie, ou nos parents. Nous ne le ressentons pas comme nos ancêtres ou les contemporains de Jésus.

    Peut-être est-ce parce que nous ne percevons plus le coût d'avoir reçu la vie et de nous maintenir en vie. Nous n'avons pas le sentiment que notre naissance a mis la vie de notre mère en danger.

    Nous ne percevons pas le coût, en peine et en vies, de notre nourriture : nous ne récoltons ni ne moissonnons, nous ne tuons pas de nos mains les animaux dont nous consommons la viande. Nous ne percevons pas la sueur des cueilleurs de bananes ou d'avocats, d'oranges ou de tomates.

    Nous ne percevons pas la pollution des puits de pétrole ou des mines dont sont extraits les minerais de nos téléphones et de nos ordinateurs.

    Nous sommes déconnectés du coût réel du fait de vivre. On nous cache le poids de destruction de la planète et de la biodiversité que nous engendrons.

    Peut-être faudrait-il se reconnecter à cette dette-là pour comprendre l'immensité de la générosité de Dieu de ne pas nous en faire porter le poids moral et nous ouvrir à la responsabilité qui en découle.

    C'est là qu'on passe de la dette au péché ou à la faute. Il y a ici deux aspects à relever.

    A. La culpabilité est inscrite dès la petite enfance dans notre fonctionnement. Un enfant se voit comme le centre du monde. Tout tourne autour de lui. Aussi, quand il lui arrive quelque chose de négatif, pense-t-il qu'il en est la cause, l'origine. Il se sent coupable de ses malheurs, voire des malheurs de ceux qui vivent autour de lui. L'enfant retourne le malheur contre lui sous forme de faute commise, alors qu'il n'y peut rien.

    Nous gardons tous quelque chose de cette attitude lorsque nous disons : « Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour mériter cela, ce malheur ? » Nous avons besoin d'être guéris de ce dysfonctionnement.

    B. Le second aspect à relever est que la culpabilité a un effet paralysant. A compter tous les effets de nos comportements sur le climat et l'état de la planète, nous pourrions arriver à nous dire : il vaut mieux que j'arrête tout, voire que j'arrête de vivre.

    Le deuxième récit, où Jésus associe le pardon des péchés et la guérison du paralysé est instructive à cet égard. Jésus commence par remettre les péchés de cet homme. Il efface l'ardoise sans condition, ce n'est pas accompagné d'une demande de changement ou de conversion, ni suivi d'un ordre « Va et en pèche plus. » La remise est inconditionnelle.

    Mais pourquoi est-il question de péchés. Nous avons vu dans la prédication sur « délivre-nous du mal » que la Bible ne fait pas de différence, dans le mal, entre le mal subi et le mal commis. Il y a « du malheur ». Il y a de l'injustice et de l'infortune et il en découle du mal et de la répétition du mal, donc du mal commis.

    C'est tout ce malheur qui paralyse et qui doit être ôté, allégé, remis. La traversée du désert du peuple d'Israël débouche sur l'entrée dans le pays de Canaan. C'est un peuple régénéré qui entre dans la terre promise.

    La guérison porte autant sur nos fautes que sur les malheurs que nous avons subis, sous lesquels nous sommes écrasés. Ce sont de ces malheurs que Jésus veut nous relever.

    Il est intéressant de noter que le mot utilisé pour dire « se lever » est aussi utilisé, dans les Evangiles, pour la résurrection de Jésus qui se lève d'entre les morts.

    Ce que Jésus fait dans cette guérison, c'est non seulement de faire disparaître les blocages de la paralysie, mais c'est redonner la vie avec le mouvement. Permettre à nouveau la vie, malgré et au-delà de la dette.

    Nous voir remettre notre dette de vie, c'est nous remettre en marche, nous relever, pour avoir l'énergie de remplir notre mission, nos responsabilités. Notre responsabilité, c'est d'imiter Dieu et Jésus dans la remise des dettes à ceux qui nous doivent quelque chose.

    Nous sommes appelés à cette réciprocité dans la deuxième partie de la phrase de notre prière. Non pas comme une condition, mais par reconnaissance.

    Quant à la remise de notre dette par rapport à notre poids sur la planète, elle doit nous encourager à la responsabilité. Sous la forme, d'abord, de la prise de conscience de notre emprise destructrice. Si nous sommes allégés de notre sentiment de culpabilité, c'est pour sortir de notre paralysie et agir : prendre nos responsabilités pour diminuer ce poids ; pour renforcer la responsabilité légale de nos entreprises et de nos multinationales.

    Pour que nous ayons davantage d'énergie pour nous battre « en faveur de » plutôt que de nous replier dans le désespoir de notre impuissance.

    Notre dette est remise, soyons reconnaissants et devenons acteurs et responsables.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020