25.4.2010
Quand tout s'écroule à l'extérieur, comment ne pas s'écrouler à l'intérieur ?
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Marc 13 : 1-5 + 21-37
D'une voix forte et menaçante:
Repentez-vous, car la fin du monde est proche ! Regardez les signes, regardez : la terre a tremblé trois fois. Voyez comme la terre dit sa colère, par les flammes, la lave et la fumée. Le jugement arrive, le monde actuel s'écroule. Les avions sont cloués au sol : c'est le signe que le ciel se refuse aux humains.
La fin des temps est proche : changez de comportement pour ne pas être engloutis par la prochaine catastrophe. Démarquez-vous des méchants, pour être parmi les élus au jour du jugement. Changez…
Bon, je m'arrête… ce n'est pas mon style et ce n'est pas le style de notre Eglise d'annoncer la fin du monde et l'apocalypse pour demain. Pourtant, il y a quelques textes de nature apocalyptique dans notre Bible, y compris dans le Nouveau Testament.
Le mot "apocalypse" a deux sens. Le sens étymologique, la racine du mot, veut dire "révélation." Les textes apocalyptiques veulent révéler des choses secrètes, ou dévoiler le sens caché des événements qui se passent autour de nous. De là dérive le second sens, celui de "catastrophique." Ce sont bien les événements qui sortent de l'ordinaire — qui sont extra-ordinaires, comme les catastrophes — qui demandent à être expliqués, déchiffrés.
La littérature apocalyptique a donc pour fonction de donner du sens au chaos, d'expliquer l'inexplicable. Donner du sens, c'est aussi rassurer, reprendre la maîtrise des choses, réorganiser le chaos.
Ainsi, les textes apocalyptiques vont nous dire, d'abord, que l'écroulement des valeurs et des repères n'est qu'apparent. Ceux qui voient les signes savent que Dieu tient tout dans ses mains, derrière le chaos apparent. Pour ces textes, la gravité de la situation est une illusion, puisqu'on attend le retournement final. Ensuite, ces textes nous disent que tout cela n'est que temporaire, puisque ces événements annoncent la fin des temps. Tout cela va se terminer, il n'y a qu'à faire le gros dos et tenir bon en serrant les dents. Enfin, cela n'est pas si grave puisque cela conduit au retournement final, à la victoire et au salut éternel que Dieu va faire triompher pour ses élus.
Voilà ce que croient les disciples de Jésus lorsqu'ils demandent des signes pour savoir quand viendra la fin des temps. Ils veulent savoir combien de temps ils devront tenir avant la fin.
Mais Jésus ne voit pas les choses comme cela. Jésus n'entre pas dans cette poudre aux yeux apocalyptique. D'abord, Jésus a annoncé la destruction du Temple, pas la fin du monde. Ce sont les disciples qui pensent que le monde va disparaître si le Temple disparaît !
Oui, Jésus leur parle bien de certaines catastrophes et de temps de détresse, mais il en parle parce que cela fait partie de la nature du monde et de la condition humaine. Ce qui importe à Jésus — dans son enseignement aux disciples — c'est cette question : Comment faire, quand tout s'écroule à l'extérieur, pour ne pas s'écrouler à l'intérieur ? Pour Jésus, la fin du Temple, en tant que monument, ne doit pas être la fin de la vie spirituelle personnelle, intérieure.
Alors Jésus réinterprète, réoriente le message apocalyptique. Il affirme d'abord que l'écroulement des choses fait partie de la nature du monde et de la condition humaine. Malheureusement, les catastrophes n'ont rien d'exceptionnel. Et il ajoute que ces événements ont des conséquences (persécutions, fuite, exil, déplacements). Ces événements sont douloureux. Ces événements nous révèlent notre impuissance à maîtriser le monde et à la comprendre.
Jésus nous appelle à reconnaître la réalité, à ne pas nous bercer d'illusions. Personne — si ce n'est le Père, donc cela nous est inaccessible — ne comprend ni ne maîtrise le pourquoi des événements. Alors Jésus invite ses disciples, nous invite, à quitter les signes extérieurs pour aller vers une attitude intérieure. Il faut abandonner l'idée de trouver du sens dehors, pour s'attacher à créer du sens dedans, au dedans de nous.
L'impuissance face à l'extérieur, aux événements ne signifie pas l'impossibilité d'acquérir une solidité intérieure, une sérénité d'âme. Dans les difficultés de la vie, nous souffrons, nous nous sentons impuissants, mais Jésus nous affirme que nous pouvons y survivre, plus encore, nous pouvons être relevés, rendus à nous-mêmes.
Jésus oppose la fragilité du monde qui peut disparaître à la solidité de sa Parole, qui reste solide, ferme. "Le ciel et la terre disparaîtront, tandis que mes paroles ne disparaîtront jamais." (Mc 13:31) Cette Parole de Dieu, que Jésus nous transmet, c'est l'affirmation que "le Royaume de Dieu s'est approché" (Lc 10:11) et qu'il est en parmi nous (dans la communauté), et qu'il est en nous. C'est la Parole faite chair (Jn 1:14), dans le Christ, mais aussi dans chaque personne.
Nous sommes habités par Dieu, par l'Esprit saint. Il n'y a rien à chercher à l'extérieur (du côté du Temple), mais tout à chercher à l'intérieur (Paul dira que le corps est le Temple du saint Esprit. 1 Co 3:16).
De là, on pourrait aller vers le repli sur soi ou sur la communauté. Mais Jésus termine son apocalypse par la parabole du maître de maison en voyage. Il a donné un tâche à chacun. Chacun a donc une mission à remplir, une tâche à accomplir dans sa vie : pour le maître.
Quand tout s'écroule à l'extérieur, la mission reste, la tâche subsiste qui nous maintient en alerte, qui nous tient réveillés. Cette tâche, cette mission, c'est de faire vivre cette flamme divine en nous et de la transmettre, de la communiquer aux autres. Oui, la vie vaut la peine d'être vécue — quelles que soient les tribulations que nous traversons — parce que Dieu habite en nous.
Amen
© Jean-Marie Thévoz. 2010