(27.2.2005)
Hébreux 11
En quête de la cité de Dieu
Matthieu 24 : 1-2 Romains 8 : 14-17 Hébreux 11 : 1-2+8-10
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
En cherchant les textes bibliques pour le message de ce matin, je suis tombé sur une phrase qui m'a intriguée :
"Abraham habita sous des tentes, car il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur." (Hb 11:9-10).
Cette phrase m'a intriguée parce qu'elle donne à un fait historique (Abraham vivait sous tente) une raison théologique. Dans la même phrase, on se trouve à deux niveaux différents, en déséquilibre, comme avec un pied sur le trottoir et un pied sur la route. Il y a des raisons historiques pour lesquelles Abraham vivait sous tente, c'est qu'il était nomade, qu'il avait des troupeaux qu'il devait suivre ou conduire paître en changeant constamment de lieux.
Mais l'auteur de la lettre aux Hébreux ne se préoccupe pas d'histoire, mais de sens. Pour le suivre, il faut donc accepter de tout interpréter théologiquement, symboliquement. Au-delà du fait historique qu'Abraham vivait sous tente, c'est un choix qui devient symbolique. Abraham choisit d'habiter sous tente, dans une habitation provisoire, démontable, déplaçable, parce qu'il attend autre chose.
Il est dans une attente, dans une quête, il a une exigence : il ne s'installera que dans la cité de Dieu, celle dont Dieu est l'architecte. Abraham est le premier personnage de l'histoire biblique, l'ancêtre du peuple d'Israël, celui qui reçoit l'appel de Dieu ("Va, quitte ton pays" Gn 12:1), celui qui reçoit la promesse d'être le père d'un grand peuple (c'est la signification de son nom), celui qui reçoit la promesse d'un pays où ses descendants s'installeront.
C'est le roi David qui va réaliser le rêve de la cité de Dieu en choisissant Jérusalem et en y préparant les plans du Temple de Dieu, que son fils réalisera. Avec David, puis Salomon, vient le Temple, lieu de résidence de Dieu. Un étape d'installation pour le peuple.
On pourrait croire que la cité qu'attendait Abraham est réalisée. Pourtant le Temple de Salomon sera détruit en 587 av. J.-C. et le peuple sera exilé à Babylone. Au retour de l'Exil, un deuxième Temple sera érigé, détruit à son tour. Un troisième Temple sera mis en construction par Hérode le Grand. Ce Temple n'est pas totalement achevé quand Jésus le visite avec ses disciples. Mais il est grandiose, imposant, impressionnant. tous les pélerins sont en admiration devant cette merveille architecturale. C'est du solide, il est fait pour durer mille ans. Il a la force du visible et pourtant Jésus prévoit que le ver est dans le fruit, qu'il ne représente pas la réalisation de l'attente d'Abraham. Ce Temple n'est pas l'image de Dieu sur la Terre, ce n'est pas dans ce Temple que les croyants doivent mettre leur confiance, Jésus dit à ses disciples ;
"il ne restera pas ici une seule pierre posée sur une autre, tout sera renversé" (Mt 24:2)
L'évangile nous révèle que la présence de Dieu ne réside pas dans les pierres d'un édifice — aussi beau et grandiose soit-il. Le temps de la Passion nous révèle que la présence de Dieu se trouve en Christ, dans cet homme qui va mourir sur la croix et que Dieu ressuscitera.
La cité qu'attendait Abraham, c'est le Christ, il est la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur. En Christ, est la promesse de la vraie vie, d'une vie qui ne se contente pas du superficiel, du paraître, du visible.
L'auteur de la lettre aux Hébreux définit la foi comme "être sûr de ce qu'on espère, être convaincu de la réalité de ce qu'on ne voit pas" (Hb 11:1). C'est la certitude qu'il y a une réalité au-delà de ce qu'on touche, de ce qu'on voit. Une réalité plus solide, plus sûre que celle que l'on voit, puisque ce qu'on voit peut s'effondrer, être détruit.
Je crois que construire une foi comme celle-ci, c'est faire le parcours d'Abraham, David et Jésus, c'est passer par ces trois étapes.
A. Dans un premier temps, c'est l'errance du nomade qui habite sous tente. Un temps de quête, de recherche, de voyages. On visite les croyances et les doctrines, on goûte à ceci ou cela, tout en espérant, en attendant de trouver quelque chose qui réponde à nos aspirations, à nos espoirs. C'est une collecte d'informations, d'expériences, qui peu à peu nous mène à nous fixer en un point pour y construire notre "temple".
B. Alors on est roi chez soi, on a son système de pensées, ses certitudes. On a l'assurance d'une construction bien solide. Une double question se pose ici: cette architecture est-elle à l'épreuve des coups durs de la vie, des coups de boutoirs du malheurs ? Et cette architecture est-elle habitée d'une vraie Présence ?
C. Ce à quoi l'évangile, le Christ nous appelle, c'est à miser davantage sur la Présence que sur les murs. Cette troisième étape que nous avons à vivre, c'est de faire grandir la Présence de Dieu, la Présence de l'amour dans l'architecture de nos convictions. Cette Présence, l'apôtre Paul la nomme l'Esprit saint.
Dans les mots de Paul : "C'est l'Esprit saint qui fait de vous des fils de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : Papa. (…) Nous sommes ses enfants, donc nous aurons aussi part aux biens que Dieu a promis à son peuple, nous y aurons part avec le Christ." (Rm 8 : 15,17)
Si nous partons en quête comme Abraham et vivons sous des tentes (au sens symbolique), il nous est promis aussi que nous serons accueillis dans la cité dont Dieu est l'architecte et le constructeur : la cité sans murs de sa Présence, de son amour.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2022