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samuel

  • Notre Père (7)

    19.7.2020

    Matthieu 20

    Notre Père (7)

    1 Samuel 8 : 1-9.    Esaïe 42 : 1-4.    Matthieu 20 : 20-28

    télécharger le texte : P-2020-07-19.pdf (pour lire toute la série sur le Notre Père, cliquer dans la colonne de droite la catégorie "Notre Père")

    Chers frères et soeurs en Christ,

    La deuxième demande que nous prononçons dans le Notre Père est : « Que ton règne vienne. » Cette venu du règne de Dieu peut être vue — au moins — de trois façons :

    a) comme le jugement dernier — à la fin des temps, à la fin du monde — au moment où Dieu établira une nouvelle terre et de nouveaux cieux, comme annoncé dans le livre de l'Apocalypse (Ap 21:1). Compris comme cela, nous demanderions la fin de ce monde.

    b) ou bien il s'agit de demander à Dieu qu'il établisse son règne sur la terre actuelle, dans notre monde. Cela consisterait à abolir le désordre pour rétablir l'ordre et la justice, faire droit aux humiliés et renvoyer les riches les mains vides (Luc 1:53).

    c) enfin la demande peut aussi porter sur nous-mêmes, demander que Dieu règne sur notre cœur, selon la prédication de Jésus résumée par Marc : « Le règne de Dieu s'est approché, convertissez-vous et acceptez la bonne nouvelle. » (Mc 1:15).

    Pouvons-nous trancher ? Mais devons-nous choisir ?

    Faisons un petit détour par l'Ancien Testament. Les textes nous montrent diverses façons d'agir de Dieu. Il donne ses commandements à Moïse. Il fait se lever des Juges en Israël, il désigne des prophètes pour gouverner.

    Enfin le peuple demande au prophète Samuel un roi pour les gouverner. Dieu voit cela comme une trahison, mais il accepte. Saül est le premier roi, mais ce n'est pas une réussite. Vient David. Le règne commence bien, mais se termine mal ; David finit par abuser de son pouvoir, et il en est de même avec chacun des rois suivants.

    Avec l'Exil, Dieu met fin à l'expérience de la royauté. Les prophètes annoncent — surtout Esaïe avec les poèmes du Serviteur souffrant — qu'il pourrait y avoir une autre forme de souveraineté, un Messie.

    Comme chrétiens, nous reconnaissons Jésus comme Messie, comme Christ. Et Jésus a beaucoup parlé du règne de Dieu, notamment à travers les paraboles du Royaume.

    Le Royaume est en même temps pour le temps présent (paraboles des quatre terrains (Mc 4:1-9), du levain (Mt 13:33), de la graine de moutarde (Mc 4:30-32)) et pour les temps futurs (parabole de l'ivraie (Mt 13:24-30) ou des blés qui poussent pendant le sommeil du semeur (Mc 4:26-29)).

    L'expression la plus claire de Jésus concernant le pouvoir ou le règne est exprimé dans le lavement des pieds des disciples et dans sa réponse à la mère des fils de Zébédée : « Si l'un de vous veut être le premier, il doit être votre serviteur. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir. » (Mt 20:27-28)

    Jésus retourne complètement la problématique du règne et du pouvoir. Dans le monde, le pouvoir ne peut rien être d'autre que la réduction des autres à l'esclavage, leur asservissement. De son côté, Dieu est à l'opposé de cette logique de domination et de pouvoir. Le vrai règne est dans le service, le vrai règne est dans le renoncement au pouvoir, à la domination.

    Ce n'est pas une façon plus subtile ou plus douce d'exercer le pouvoir, c'est vraiment renoncer au pouvoir, à la contrainte, à la domination.

    Il nous est difficile de penser que Dieu y a vraiment renoncé. C'est pourtant ce que Jésus nous dit et nous montre en se faisant serviteur et en acceptant la croix. Il a renoncé au pouvoir de descendre de la croix, à appeler des légions d'anges pour établir son règne. Je pense même qu'il a renoncé à revenir avec tambours et trompettes pour mettre fin à notre monde et procéder au jugement dernier.

    Si Dieu est amour, il ne peut être que dans la proposition, dans l'offre, dans l'appel à recevoir une réponse. Dieu fait sa déclaration d'amour à chacun... à nous de répondre, sans contrainte, car l'amour ne peut être forcé sans être dénaturé.

    Mais ici dans le Notre Père, il est question du règne, donc de justice, de droit plutôt que d'amour. Et bien je pense que là aussi, Dieu renonce au pouvoir. Par rapport à la justice, Dieu est aussi seulement appel. Comme à travers tous les prophètes qui appellent à la justice et au droit, comme nous l'avons entendu précédemment (prédication Notre Père (6)).

    Cet appel de Dieu a la même force et la même faiblesse que la Déclaration des Droits humains. C'est juste un écrit avec des articles. Et pourtant, cette Déclaration des Droits humains fait trembler les dictateurs.

    Les dictateurs mettent en place des arsenaux législatifs et répressifs pour que ces Droits humains ne puissent plus être dits, proclamés, revendiqués. Voyez ce qui se passe entre la Chine et Hong Kong ! Un simple appel à la justice — des lettres imprimées sur du papier — fait trembler le président de 1,5 milliards de chinois.

    A Hong Kong, avec la nouvelle loi sur la sédition, toute parole et tout écrit peut vous envoyer en prison. Et pourtant, il y a encore des centaines de citoyens de Hong Kong qui manifestent pour la liberté et le droit.

    Je ne sais pas si vous avez vu comment ils manifestent ? Ils sont sur les balcons intérieurs des grands magasins et tiennent devant eux une feuille blanche. Tous les mots, tous les slogans sont devenus dangereux. Mais peut-on réprimer le fait de montrer que le pouvoir marque sa volonté de retirer tous les mots des pancartes en brandissant des feuilles blanches ? Le pouvoir va-t-il interdire le papier blanc ?

    L'appel à la justice, qu'il soit dans le bouche de Dieu ou imprimé sur la Déclaration des Droits humains est en même temps faiblesse totale et force irrépressible, et pourtant sans force de contrainte.

    Nous participons à cet appel à la justice chaque fois que nous prononçons le Notre Père et disons : « Que ton règne vienne. »

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • 1 Samuel 25. Femmes de la Bible (II) : Abigaïl

    1 Samuel 25
    5.7.2015

    Femmes de la Bible (II) : Abigaïl

    1 Samuel 25 : 2-42

    Télécharger ici le texte : P-2015-07-05.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd’hui nous découvrons la personne d’Abigaïl dans un épisode qui pourrait quasiment sortir du recueil des mille et une nuits, une sorte d’histoire racontée dans un style oriental où se mêlent richesse et pouvoir, vie et mort, beauté et orgueil. Alors on peut se demander pourquoi cette histoire est restée dans la Bible, à part le fait qu’elle appartient à la saga de David ? Comment s’inscrit-elle dans l’histoire de David et dans l’histoire biblique ?
    Quelques mots sur le contexte de cette histoire. En gros, le premier livre de Samuel nous relate l’établissement de la royauté avec Saül comme premier roi. Un roi insatisfaisant, un roi qui n’est pas fait sur le modèle de la royauté que Dieu veut établir sur Israël. Aussi ce livre mêle-t-il la royauté de Saül à l’histoire de l’ascension de David vers le trône d’Israël. Le deuxième livre de Samuel est consacré au règne de David. Les deux livres des Rois traitent ensuite de sa succession et de ses successeurs.
    Mais là nous sommes encore dans le premier livre de Samuel. Il est donc question de l’ascension de David à la royauté et, en quelque sorte, de sa formation en tant que roi.
    On voit d’abord David au service du roi Saül, on ne le voit vaincre Goliath, s’allier à Jonathan contre Saül, être en guerre contre Saül et — dans le chapitre 24 — celui qui précède le nôtre,  on voit David épargner la vie de Saül, pourtant à sa merci dans la grotte d’En-Guédi. Épisode qui se répète dans le chapitre 26, où, là non plus, David ne porte pas atteinte à la vie de Saül, car la vie de celui qui a été oint comme roi par le prophète de Dieu est sacrée !
    Notre chapitre 25, avec l’histoire de David face à Nabal et Abigaïl, comporte une unité de thème avec ses deux chapitres qui l’encadrent : celui de la vengeance. Lorsque Nabal refuse de payer les services de protection de David que la bande armée a assurée autour de ses troupeaux, David est furieux, il ne pense qu’à tuer celui qui lui fait affront. Le récit n’est pas clair : David vient-il chercher le payement d’un contrat loyal, ou bien vient-il racketter Nabal pour une « protection » de type sicilienne, mais peu importe. Peu importe que la colère de David soit justifiée ou orgueilleuse. Il y a un désir de vengeance, de faire couler le sang. Et David en a le pouvoir, comme chef d’une petite armée.
    C’est là qu’intervient Abigaïl. Elle parle longtemps à David pour le convaincre de renoncer à son geste funeste. Les prédicateurs parlent beaucoup de la nourriture et des gâteaux qu’elle apporte, mais c’est son discours qui est remarquable ! C’est d’ailleurs le discours de femme le plus long rapporté dans la Bible.
    Que dit-elle à David pour le convaincre ? Quels arguments utilise-t-elle ? D’abord ceux qu’elle n’utilise pas. L’appel à la pitié ; la compensation ou la réparation (tu as ce que tu voulais, j’ai apporté la nourriture que tu voulais de Nabal) ; l’appel à sa beauté — qui est remarquable comme le souligne le texte.
    Non, dans son discours, elle commence par en faire une affaire personnelle, interpersonnelle entre elle et David. Elle prend sur elle toute la faute. Cela nous paraît injuste — et faux en plus ! Cela ressemble à un discours misérabiliste, culpabilisé : « tout est de ma faute, n’en veut pas aux autres ». Elle aurait pu négocier un échange : « c’est ma faute, prends-moi et laisse la vie sauve aux autres ». Mais ce n’est pas ce qu’elle fait. En affirmant que la faute lui revient, elle se pose en interlocutrice unique et responsable, en position de négocier et d’arriver à un accord. En fait elle évacue Nabal, son mari, de la négociation. Abigaïl règle d’ailleurs son compte à son mari dans une phrase pleine de jeux de mots puisque Nabal veut dire vaurien ou fou ou imbécile. Abigaïl prend les rênes de la négociation, mais elle se place en position inférieure à David, non pas parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle sait être en face de celui qui a été oint par Dieu et qui sera le prochain roi d’Israël. Un homme on aurait fait autant (sauf son fou de mari).
    Ensuite, Abigaïl met en question la volonté de vengeance et la violence de David : « Mais maintenant, par le Seigneur vivant et par ta propre vie, le Seigneur lui-même te retient d'en venir au meurtre et de te faire justice toi-même. » (1S 25:26) Et là, on voit la parenté avec les chapitres 24 et 26. Vis-à-vis du roi Saül, David a su se retenir d’exercer sa vengeance. Ne devrait-il pas agir de même envers la maison de Nabal ? Oui, mais là, David n’a pas affaire avec un oint du seigneur ! Quelle raison aurait David d’épargner Nabal et sa maison ?
    C’est là le génie d’Abigaïl, et selon moi, la raison pour laquelle ce récit a sa pleine place dans la Bible et devient pour nous un enseignement. Abigaïl rappelle à David les promesses que Dieu lui a faites : « Lorsque le Seigneur accomplira tous les bienfaits qu'il t'a promis et fera de toi le chef d'Israël… » (v.30). Abigaïl rappelle à David sa raison d’être, les raisons pour lesquelles il a rassemblé une armée. Elle lui rappelle que l’accomplissement est à bout touchant et qu’il pourrait tout risquer, maintenant, en commettant un faux pas. Abigaïl fait donc appel aux fondamentaux de la vie de David, à sa raison d’être, à sa vocation, à sa mission, pour avoir un critère de décision pour savoir ce qu’il est juste de faire ou injuste de faire dans ces circonstances. Abigaïl pose un principe éthique fondamental, une méthode de décision dans les situations difficiles : ce que je dois faire dans cette situation, doit être en cohérence avec ma vocation, avec le but de ma vie, avec la personne que je suis et que je veux être. Toutes les petites décisions doivent être orientées vers l’ essentiel, en cohérence avec les valeurs supérieures que je poursuis.
    Abigaïl en appelle donc à la vocation, à la mission de David. Elle ne lui dit pas ce qu’il doit faire ! Elle lui demande : soit cohérent avec qui tu es et qui tu vas devenir, ne fait pas quelque chose que tu regretteras, quelque chose qui sera une tache dans ton parcours.
    Abigaïl donne ici une leçon de politique extrêmement sensée, qui s’applique à David, mais dont tous les hommes politiques devraient s’inspirer. Pas seulement dans la période où ils visent le pouvoir, mais également dans l’exercice du pouvoir.
    C’est une des questions qui tourmente les rédacteurs de la Bible : savoir comment limiter le pouvoir, le pouvoir de ceux qui sont au sommet, au sommet du pouvoir ! « Capitaine après Dieu ! » Qui pourra limiter leurs pouvoirs ? Les deux livres de Samuel et les deux livres des Rois essaient des pistes sur cette question de la limitation du pouvoir. Et la réponse est toujours la même : c’est la loi divine, le respect de Dieu, ce savoir soumis à une loi supérieure qui peut seule limiter le pouvoir de ceux qui ont le pouvoir de la force. Ainsi se sont mit en place, au fil du temps, des mécanismes de régulation. Au XXe siècle ce sont les droits de l’homme et les tribunaux internationaux, comme tentatives de limiter le pouvoir des superpuissants.
    Ici nous sommes dans le dialogue entre Abigaïl et David et on voit que le discours d’Abigaïl, l’appel à la mission et à la vocation de David, l’appel aux promesses divines fait réfléchir David. Et en effet, il va subordonner sa fureur à sa vocation. Il va renoncer à entacher son parcours avec le sang de Nabal et de sa maisonnée. C’est tout seul que Nabal va aller vers son sort, une crise cardiaque ou un AVC l’emporte.
    Ensuite David va profiter du veuvage d’Abigaïl pour l’épouser de manière à avoir auprès de lui une femme d’un tel niveau d’intelligence et de si bons conseils. Les compétences psychologiques et relationnelles d’Abigaïl sont, en quelque sorte, récompensées dans le récit par le fait qu’elle est débarrassée d’un mari sans valeur, pour devenir l’épouse du roi. Le conte oriental finit bien, non sans nous avoir laissé une maxime de valeur : «Oriente tous les choix de ton existence de manière à ce qu’ils te fassent avancer vers tes plus hautes valeurs. »
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015

  • 1 Samuel 24. David sort d'une situation sans issue.

    1 Samuel 24
    3.10.2010
    David sort d'une situation sans issue.

    Télécharger la prédication : P-2010-10-03.pdf


    1 S 24 : 1-8,  1 S 24 : 9-12+17-20,  Jn 13 : 34-35


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Petit plongeon dans l'Ancien Testament ce matin avec cet épisode de la lutte entre Saül et David. Je rappelle brièvement le contexte pour comprendre cette situation, puis nous verrons qu'au delà de l'Histoire, ce récit nous dit des choses importantes pour nous et notre époque.
    Le récit nous reporte au début de la royauté en Israël. Le peuple a demandé d'être gouverné par un roi — comme les autres nations. Le prophète Samuel a consulté Dieu et Saül a été désigné comme premier roi d'Israël. Mais Saül prend des chemins de traverse et se détourne de Dieu, de sorte que Dieu lui retire son appui et choisit le jeune David comme futur successeur. David est d'abord au service de Saül, mais ce dernier le voit grandir en force et en autorité, il prend peur et cherche à le tuer. David s'enfuit et Saül le pourchasse pour le tuer.
    C'est dans ces circonstances que la rencontre que nous avons entendue se produit. Saül est parti avec la détermination de tuer David. Dans cette grotte, Saül était désarmé, à la merci de David et de ses compagnons. Pourtant, David renonce à profiter de son avantage, il laisse la vie sauve à Saül, mais s'arrange pour lui faire connaître son geste et discuter avec lui.
    C'est cette rencontre, et ce qui se passe dans le cœur, la tête et les mains de David, qui m'intéresse et qui me semble nous donner une leçon de vie. Il se passe quelque chose à trois niveaux : au niveau personnel, interpersonnel et universel. Nous allons voir un à un chacun de ces niveaux.
    Premier niveau, le niveau personnel. C'est ce qui se passe chez David, dans son corps, dans son cœur et dans sa tête. Vous l'imaginez : il est caché dans une grotte avec ses compagnons de lutte. C'est un homme pourchassé par Saül et son armée de 3'000 hommes. Et voilà que son bourreau se présente devant lui, en ombre chinoise sur l'ouverture de la caverne. Saül dépose son manteau, s'accroupit, certainement dos à l'obscurité de la caverne pour regarder la lumière de l'entrée, pour surveiller que personne ne vient de l'extérieur.
    David est là, dans son dos, l'épée à la main. Il n'a qu'un geste à faire pour mettre fin à toute cette poursuite, à toute cette persécution. David a tous ses compagnons derrière lui — et il sait ce qu'ils pensent : "Vas-y, tue ton ennemi. S'il est là c'est que Dieu lui-même l'a mis à ta portée pour t'en débarrasser…"
    Et le texte nous dit : "Le cœur de David se mit à battre très fort." Vous imaginez l'émotion. Vous imaginez l'envie ! Un geste et finis les soucis, finis les ennuis. Un geste et David est roi d'Israël, il sera aux commandes, pas juste l'éventuel futur roi.
    Eh bien, David vit cette émotion, mais ne se laisse pas dominer par elle. Il l'accepte, mais il refuse de se laisser diriger par elle.
    Dieu lui a promis la royauté. David fait confiance en Dieu pour la lui donner, pas pour la prendre. David choisit le contrôle de lui-même et renonce à la voie de la facilité. En grand chef, il maîtrise aussi ses troupes. Il coupe juste un pan du manteau de Saül comme preuve de son renoncement à tuer.
    Quand Saül est sorti de la caverne, David sort après lui et lui explique ce qui vient de se passer. Si David avait tué Saül, il n'y aurait pas ce dialogue. Le renoncement de David permet le passage au deuxième niveau : le niveau interpersonnel.
    A ce niveau interpersonnel, Saül et David étaient bloqués dans un schéma relationnel qu'on appelle "bourreau-victime" ou "persécuteur-victime." Dans la vision de Saül, il est lui-même victime. Puisque David va lui prendre la couronne, David est le bourreau. Pour échapper à ce rôle de victime, Saül pourchasse David, il inverse donc les rôles, mais ne sort pas du schéma "persécuteur-victime."
    Par son geste dans la caverne, David fait éclater le schéma, il ouvre une porte de sortie. C'est comme s'il disait à Saül : "Regarde, j'ai renoncé être ton bourreau, sors de ton rôle de victime et nous pourrons vivre côte à côte en bons termes. Je ne te veux pas de mal, tu peux arrêter sans risque de me pourchasser.
    Qu'est-ce qui permet à David de trouver cette troisième voie ? C'est le troisième niveau : le niveau universel ou divin. Dans le texte, c'est le respect dû au roi choisi par Dieu qui anime David. Plus largement, c'est la confiance qu'a David dans l'idée que sa vie est entre les mains de Dieu et que c'est Dieu qui va faire advenir ce qui lui est promis.
    Avec cette confiance fondamentale, pas besoin de tout faire — et faire n'importe quoi — pour faire avancer ses pions. Tous les gestes, tous les mouvements doivent être en accord avec le but, avec la volonté divine.  
    Visiblement, David a pour principe de ne pas rendre le mal pour le mal. Dans ce sens, David est bien une figure messianique. Il anticipe, dans ce principe, ce que Jésus a porté à son comble : toujours opposer l'amour au mal. Rendre le bien pour le mal qu'on vous fait.
    Dans le texte, cela est mis en évidence dans le dialogue entre David et ses compagnons d'armes. Ceux-ci disent à David : "Voici le moment annoncé par le Seigneur : il te livrera ton ennemi." Les compagnons d'armes de David lisent la situation comme "Dieu te donne l'opportunité de tuer ton ennemi." Mais David a une certaine idée de Dieu qui n'est pas un Dieu qui tue, mais un Dieu qui donne la vie.
    David est messianique parce qu'il voit Dieu comme Jésus nous le décrira 1'000 ans plus tard, comme un Dieu d'amour. David a déjà ce filtre pour interpréter les situations : "Aimez-vous les uns les autres, il faut que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimé." (Jn 13:34)
    Il n'y a rien de plus dangereux dans notre monde actuel que les gens qui savent ce que Dieu veut, au plan géopolitique, et qui disent que Dieu veut la mort de tel ou tel.
    David nous enseigne que les circonstances ne nous disent rien — ni en blanc, ni en noir —sur ce que nous devons faire. Nous devons nous équiper d'un filtre qui nous permette de comprendre ce que Dieu veut de nous. Et dans le christianisme, ce filtre et celui du commandement nouveau, celui de l'amour.
    Toute situation, tout verset biblique, toute action doit être passée à ce filtre. Toute autre interprétation que celle du respect et de l'amour doit être retenue par ce filtre, pour ne laisser passer que des gestes, des actions qui augmentent la paix dans le monde. A la manière du geste de David qui nous sort du cercle et du schéma de la violence.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2010

  • 1 Samuel 3. Rencontrer Dieu et devenir libre

    1 Samuel 3    11.11.2007
    Rencontrer Dieu et devenir libre
    1 S 3 : 1-10    Mt 4 : 18-23    Jn 8 : 31-36

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    "Samuel ne connaissait pas encore personnellement le Seigneur, car celui-ci ne lui avait jamais parlé directement jusqu'alors." (1 S 3:7)
    Cela fait quelques années que Samuel fait son apprentissage de servant dans le Temple avec le vieux prêtre Héli (à ne pas confondre avec le prophète Elie qui viendra plus tard). Samuel a entendu parler du Dieu qu'il sert dans ce Temple, comme beaucoup de monde aujourd'hui a entendu parler du Dieu dont on parle dans les Eglises.  Mais ils ne se sont jamais rencontrés personnellement.
    Dieu n'aime pas rester un inconnu à distance, juste quelqu'un dont on a entendu parler. Dieu aime rencontrer des personnes et c'est pourquoi il appelle, il interpelle Samuel, des disciples, et pourquoi pas, chacun d'entre nous.
    Dieu nous appelle, Dieu nous interpelle, il nous lance un appel à le rencontrer, à entrer dans une communication personnelle. Dieu nous appelle par notre prénom pour une conversation en tête à tête, pour faire connaissance et commencer un chemin ensemble.
    Comme on l'a vu dans le récit de Samuel, l'interpellation n'est pas toujours facile à déchiffrer. Ce qui est absolument clair, c'est qui est appelé. Samuel entend clairement son nom. Il est appelé. Et trois fois de suite, il court vers celui qui prend soin de lui, le vieux prêtre Héli. "Tu m'as appelé, je suis là."
    L'appel résonne en lui, l'appel résonne en nous, nous sommes appelés. Mais qui nous appelle ? Qui appelle Samuel ? Ce n'est qu'au troisième appel qu'Héli pense à aller regarder au-delà de la réalité première, de l'apparence des choses. Il pense enfin à l'impossible qui est pourtant la raison de son ministère et du lieu où il habite : Et si c'était Dieu ?
    La voix de Dieu passe toujours par des chemins très humains, de telle sorte qu'il faut écouter au-delà des sons, voir au-delà du visible, et surtout — le plus souvent — avoir quelqu'un qui vous met sur la piste.
    Combien de fois avons-nous déjà été appelés, mais sans entendre, sans comprendre, sans avoir quelqu'un qui nous dise : prend cette parole, cette rencontre au sérieux, écoute cette voix. Aujourd'hui, on aime dire : "Il n'y a pas de hasard dans nos rencontres." C'est de cet ordre-là.
    Savons-nous, comme parents, mettre nos enfants sur cette voie de l'écoute, de l'appel de Dieu ? Cet appel se manifeste dans toutes nos questions sur le sens de la vie, pour les jeunes au moment de choisir une voie scolaire, une orientation professionnelle. Pour nous adultes, lors d'une réorientation ou lors d'une maladie ou la perte d'un être cher. Toujours revient l'appel : "quel sens a cette vie, ma vie ?
    Cet appel nous tire de notre sommeil, nous oblige à lever le nez du guidon, à relever les yeux que nous avions rivés au sol de nos inquiétudes matérielles. N'y a-t-il rien d'autre que ma routine, que ma soif d'être établi dans ma famille, dans ma villa, dans ma carrière ?
    Dieu appelle Samuel, les disciples, comme il a appelé Abraham à quitter sa sécurité pour partir à l'aventure vers une terre promise. Bien sûr, cet appel n'est pas un appel au voyage géographique, mais au voyage intérieur, un voyage à la rencontre de soi-même et des autres.
    Dieu nous appelle à sortir de notre sommeil : Lève les yeux, ose, avance ! Va chercher ta vérité intérieure, cherche qui tu es et vis ainsi ta propre vie.
    Jésus dit : "la vérité vous rendra libres" (Jn 8:32). Chercher sa vérité intérieure, c'est se demander, lorsqu'on parle, lorsqu'on agit : cela reflète-t-il vraiment la personne que je suis ? Nous sommes libres lorsque nos paroles et nos gestes reflètent exactement à l'extérieur ce que nous sommes à l'intérieur. Chaque fois que nous agissons de sorte que tel et tel, ou tel groupe (d'amis, de copains, de collègues) soit content de nous, alors nous sommes dans un processus d'adaptation à l'autre et nous abdiquons notre liberté.
    Je crois que beaucoup de jeunes mettent plein de jurons dans leurs phrases pour être acceptés dans leur groupe, pour faire comme les autres. Mais ce n'est pas un signe de liberté. Je crois que beaucoup d'adultes se plient aussi à toutes sortes de règles pour se faire accepter. C'est pareil. Nous zigzaguons dans nos vies au gré des modes et des tendances, plutôt que d'entendre l'appel de Dieu à suivre et développer notre vérité intérieure devant lui.
    On appelle aussi cette recherche et cet accomplissement : la vocation. Dieu nous appelle à devenir pleinement nous-mêmes. Il n'a pas de moule dans lequel nous faire rentrer. Il a juste un appel à nous transmettre: lève les yeux au-dessus de ton horizon, ne garde pas les yeux baissés sur tes pieds, regarde toute ta route, le point de l'horizon vers lequel tu vas orienter ta vie.
    Comme adultes nous sommes appelés à cela et notre vie est plus courte que celle de nos enfants Et comme enfants, comme jeunes, vous recevez également cet appel, comme le jeune Samuel. Tous nous pouvons sortir de notre routine, de nos enfermements, écarter les barrières que nous avons mis nous-mêmes sur notre chemin pour répondre à cet appel.
    Comme il s'agit d'un appel à la rencontre de soi, des autres et de Dieu, il n'y a pas de barrières physiques, que nos barrières intérieures. Il n'y a pas de limites aux relations humaines, il n'y a pas de limites aux rencontres possibles, il n'y a pas de limites aux découvertes. Pas besoin de voyager, d'aller loin, d'avoir de l'argent. Il s'agit simplement de s'ouvrir à soi-même, de s'ouvrir aux autres, de s'ouvrir à l'appel de Dieu : recevoir sa Parole, l'écouter nous appeler.
    Dès ce moment-là, Dieu ne sera plus un inconnu, un anonyme pour nous. Dieu devient alors un compagnon de route, un guide, un ami.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2007

  • 1 Samuel 16. Dieu choisit celui qui a tendance à être exclu.

    1 Sam 16 : 4-13    8.11.98
    Dieu choisit celui qui a tendance à être exclu.       
    1 Sam 16 : 4-13    Ps 118 : 1-4 + 21-23    1 P 2 : 4-6


    Le roi Saül a fortement déplu à Dieu. Aussi, Dieu décide-t-il de préparer la succession de Saül. Il charge le prophète Samuel de désigner, d'oindre le futur roi. Étonnamment, Dieu n'annonce pas à Samuel le nom du futur roi, il lui dit seulement de quelle famille il fait partie. A Samuel de découvrir lequel des huit fils de Jessé Dieu s'est choisi !
    C'est ce processus de choix qui me semble important, porteur d'indications précieuses pour nous, pour réfléchir au thème de l'exclusion. Vous savez que le thème de la Campagne d'automne de l'EPER (entraide protestante) est le refus de l'exclusion : Exclu... c'est exclu !
    Dans notre vie quotidienne, nous sommes constamment confrontés à des situations où nous devons faire des choix. Et chaque fois que nous choisissons quelque chose, nous excluons autre chose. Le choix et l'exclusion vont de pair... Parler de l'exclusion, c'est aussi parler de nos choix et vice versa. On ne peut pas ne pas choisir (parce qu'on ne peut tout avoir), on ne peut donc pas non plus éviter d'exclure !
    Ce que nous avons à faire, c'est penser à nos critères de choix et d'exclusion. Pourquoi choisir ou exclure cela ? Quelles sont les conséquences de mes choix et de mes exclusions ? A première vue, lorsqu'il est question de produits, de marchandises, cela n'a pas beaucoup d'importance. Sauf lorsqu'on se met à penser à qui les produit, qui est derrière les marchandises que nous consommons, de quelle façon sont-elles  fabriquées ?
    En effet, la question du choix et de l'exclusion se manifeste de manière plus vive, plus cruciale lorsqu'il s'agit de personnes. Et ce sont bien les personnes que vise la Campagne de l'EPER.
    Revenons donc à Samuel qui doit exécuter le choix de Dieu. Il prépare une cérémonie pour oindre le nouveau roi et il invite tous les fils de Jessé. Au premier coup d'oeil, il repère l'aîné, Eliab. Voilà un garçon brillant, un homme bien fait, il a belle allure, il ferait un roi plein de prestance ! Ce doit être lui, se dit Samuel. Mais Dieu lui souffle que non. Et tous les fils de Jessé présents défilent. Mais le futur roi n'est pas parmi eux. Surprise, panique... Y en a-t-il un autre ? Oui, il y en a bien encore un, mais il est aux champs. C'est le petit dernier... on y a pas pensé... il est encore jeune... un peu rêveur... musicien...
    Pourquoi David est-il aux champs ? Pourquoi n'est-il pas présent, alors que toute la famille avait été appelée à participer à cette cérémonie. Je vois deux réponses possibles :
    1) David n'a tout simplement pas reçu le message, l'invitation. Personne ne pensait que ce petit ("ce petit prétentieux, cet espèce de vaurien" dira Eliab, le frère aîné au chapitre suivant : 1 S 17:28) méritait d'être invité à cette cérémonie d'adultes. Samuel est venu chercher quelqu'un pour une mission d'importance. Aux yeux de la famille, cela ne pouvait pas concerner David. Il a été exclu d'office, automatiquement par sa famille. "Tiens on n'avait pas pensé à toi !", "Tu es trop petit, toi!". Voilà des paroles d'exclusion qui peuvent faire mal.
    2) David a reçu le message, il a entendu, comme les autres que Samuel cherchait quelqu'un pour une mission importante, mais il a pensé : "cela ne peut pas me concerner, moi !","je suis trop petit, trop jeune, ou trop inexpérimenté". David a intériorisé le message familial, au point que plus personne n'a besoin de lui dire quoi que ce soit : le message s'imprime tout seul.
    David, ou vous, ou moi, s'exclut par lui-même, parce qu'il n'a pas confiance en lui-même, parce qu'il n'est pas conscient de sa valeur. De quand date la dernière confirmation de sa valeur qu'il ait reçue ?
    Que ce soit par une exclusion extérieure ou intérieure, David est d'abord absent, exclu. Mais le voeu de Dieu, c'est qu'on l'envoie chercher. En effet, celui que tout le monde écartait, c'est celui que Dieu s'est choisi.

    "La pierre que les bâtisseurs avaient écartée est devenue (par la volonté de Dieu) la pierre principale" (Ps 118:22)
    Celui qui allait être écarté, c'est celui qui va recevoir l'onction, qui va être oint. Ce terme "oint" se dit CHRIST en grec. Jésus le Christ, fils de David est celui qui a été rejeté par tous sur la croix, mais que Dieu s'est mystérieusement choisi pour se révéler.
    Dieu ne suit donc pas les modes, les apparences comme les hommes. En effet, Dieu dit à Samuel:

    "Je ne juge pas de la même manière que les hommes; les hommes s'arrêtent aux apparences, mais moi je vais jusqu'au fond des coeurs." (1 S 16:7)
    Dieu nous regarde au-delà de nos façades, de nos masques, des attitudes que nous nous donnons. Il voit jusqu'au fond de nous-mêmes et il voit ce qu'il y a de plus humain en nous, de plus aimable en nous.
    C'est ainsi qu'il peut faire d'Israël son peuple, des habitants de Villars-Ste-Croix et Bussigny son Eglise. Dieu ne rassemble pas ceux qui semblent les meilleurs, les plus talentueux, les plus qualifiés comme le ferait un patron d'entreprise. Non, Dieu va chercher ceux qui n'ont pas été désirés, ceux qui ont été mis de côté, exclus d'office, pour les rassembler et en faire son peuple, parce qu'il sait qu'en chacun de nous il y a un être de valeur qui va pouvoir déployer ses talents comme David contre Goliath.
    Ayant été rappelés des champs pour devenir des rois, comme David, nous pouvons à notre tour regarder toute personne avec un nouveau regard — qui vient de Dieu — qui embrasse tout le monde, et voir en chacun un être digne de valeur et pleinement aimable.
    La Campagne de l'EPER — Exclu... c'est exclu ! — nous invite à adopter le même regard que Dieu, le regard de l'inclusion, de l'accueil afin que l'oublié, le rejeté ait une vraie place parmi nous.
    Amen
    © 2007, Jean-Marie Thévoz

  • 1 Samuel 24. Une force intérieure pour résister à la violence

    1 Samuel 24

    11.2.2007

    Une force intérieure pour résister à la violence

    1 S 24 : 1-8    1 S 24 : 9-19    Mt 7 : 1-5

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Lors de notre dernière rencontre de catéchisme 1ère et 2e année, nous avons abordé le problème de la violence. Nous savons tous combien la violence est présente dans les médias et dans la vie quotidienne. De plus en plus, on nous parle de la violence des jeunes comme un problème grandissant. Alors, oui, il y a problème, mais je crois que c'est davantage un problème d'adultes que de jeunes.
    D'abord si l'on parle des jeunes violents, ils sont une toute petite minorité, on ne parle pas de ceux qui ne commettent pas de violence et construisent leur vie avec application. Ensuite, il faut se rendre compte de la violence de notre monde d'adultes. Ce sont des gouvernements formés d'adultes qui déclarent et mènent les guerres, et les justifient. Sans parler du monde économique qui ne parle que de "se battre" pour "gagner" des parts de marché. Pour obtenir une place de travail, il faut "se vendre", il faut "s'imposer" etc. Ne nous étonnons pas que certains appliquent cela à la lettre, au premier degré, et se battent — avec des couteaux — et s'imposent — par la force.
    Commençons donc par regarder la poutre qui est dans notre œil avant de regarder la paille qui est dans l'œil de nos jeunes. Adultes, comme jeunes, nous avons à apprendre la non-agression (pas seulement physique). Regardons en nous-mêmes comment garder la force du changement qu'il y a dans la violence tout en abandonnant la force de destruction qui s'y trouve également. Après cela nous pourrons aussi l'enseigner aux jeunes et à nos enfants. Il ne s'agit pas d'adopter un comportement mou et sans réaction, une sorte de non-violence de désengagement, mais de choisir des actes forts, mais qui ne blessent pas, pour que les choses changent.
    Je pense que le récit de la rencontre de David et Saül peut nous éclairer sur ce processus. Petit rappel du vécu de ces deux personnages qui les amène à être en conflit l'un contre l'autre. Saül est roi sur Israël, il a été sacré roi par le prophète Samuel, sur l'ordre de Dieu (1 S 9). Saül, cependant, ne suit pas la conduite voulue par Dieu et Dieu rejette Saül, qui continue cependant à régner (1 S 15). Dieu conduit Samuel à choisir le prochain roi : c'est David, un petit berger encore inconnu (1 S 16). David prouvera son intelligence et sa bravoure en tuant le géant Goliath (1 S 17). Alors Saül l'invite à sa cour. David devient un "chevalier" auprès de Saül qui lui donne sa fille Mikal en mariage (1 S 18). David brille tellement sur les champs de bataille que Saül y voit un rival dangereux pour son trône, il essaie à plusieurs reprises de le tuer (1 S 21).
    Saül — avec 3'000 hommes — est à la poursuite de David, lorsqu'il entre dans cette caverne, sans se douter de rien. Saül est un roi guerrier. De son côté, David est un chef de bande victorieux de nombreux combats. On n’est donc pas en présence d’enfants de chœur qui hésiteraient à tirer l’épée ou provoquer une bataille.  On peut donc s’attendre à un affrontement violent.
    C’est sans compter l’intelligence de David. David connaît les limites de l’utilisation de la force armée. Ici, David a peut-être 20, 50, maximum 100 compagnons. En face de lui, il y a 3'000 hommes. Ils sont dehors, lui est acculé au fond d’une caverne. Militairement, avec la violence, il est perdu. Soit il combat et meurt, soit il se rend prisonnier. La logique de la violence est purement quantitative : si vous avez plus d’armes vous gagnez, sinon vous perdez.
    Mais, c’est sans compter l’intelligence de David. L’esprit est plus fort que les armes, l’esprit peut changer le rapport de force. L’esprit peut prendre l’ennemi à rebours et le désarmer complètement. Ainsi, la force de David, c’est de ne pas utiliser la violence, l’agression, c’est d’y renoncer pour déséquilibrer son adversaire. David fait du judo mental. La force de David est d’abord intérieure et c’est cette force-là que nous devons arriver à développer en nous.
    David contrôle sa pulsion guerrière (j’ai mon ennemi à ma merci, mais je retiens mon envie de le détruire).
    David refuse de se laisser entraîner à la violence par ses compagnons. Il n’écoute que sa voix intérieure : « Je ne dois pas tuer celui qui reste mon roi, même s’il est mon ennemi et cherche à me tuer. »
    David garde l’esprit libre de l’influence des autres, il garde son propre jugement du bien et du mal, même si d’autres le désapprouvent, il garde sa ligne intérieure, son intégrité personnelle.
    David casse le miroir qui nous piège dans les relations, miroir qui nous entraîne à être contaminé par les émotions de l’autre : il est fâché alors je dois me fâcher. David ne se laisse pas contaminer par la haine de Saül.
    Que de force intérieure pour résister à son envie de vengeance, à l’influence de ses compagnons, à la haine de son ennemi ! David n’est pas seul dans ce combat intérieur. Il s’appuie sur Dieu de deux façons. (i) c’est Dieu qui a désigné Saül comme roi, c’est donc Dieu qui décidera quand il devra cesser de régner. À chacun son domaine. Dieu a aussi désigné David pour succéder à Saül, en faisant confiance en Dieu, le tour de David viendra. (ii) David a appris de Dieu à faire la différence entre le bien et le mal. Il peut s’appuyer sur cet enseignement pour lutter contre les influences extérieures qui lui disent de faire le mal.
    Vous avez entendu la fin de l’histoire. Par cette force intérieure, David arrive à persuader Saül qu’il n’est pas une menace pour le trône d’Israël, qu’il ne lui veut aucun mal. Comme Saül ne se sent plus attaqué, il n’a pas besoin de rester sur la défensive et peut reconnaître l’intégrité de David. Saül finira par dire : « Tu m’as fait du bien alors que je te voulais du mal. » (1 S 24 :18)
    La situation de conflit est momentanément résolue (pas définitivement, comme vous pourrez le découvrir en lisant les chapitres suivants, 1 S 26). Ce que nous pouvons cependant retenir, c’est que la vraie force vient de l’intérieur et que l’on peut sortir gagnants — les deux adversaires — en faisant place à l’intelligence et au dialogue après avoir renoncé à l’affrontement violent.
    Amen

    © 2007, Jean-Marie Thévoz