Marc 16
5.5.2016
L’Ascension
Jean 3 : 11-16 Jean 12 : 27-32 Marc 16 : 19-20
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous fêtons aujourd’hui le jour de l’Ascension, c’est-à-dire le moment où Jésus quitte ses disciples après les apparitions qui suivent Pâques. Ce que les Evangélistes doivent exprimer n’est pas facile ! Jésus part, mais il reste. Jésus n’est plus là, mais il est toujours présent. Il nous a quitté, mais il n’est pas mort, il est vivant.
Pour exprimer cela, les Evangélistes recourent aux précédents qui sont mentionnés dans l’Ancien Testament, c’est-à-dire l’enlèvement au ciel d’Hénoch (Gn 5:24) et du prophète Élie (2 R 2:11). Plus tard au XIXe siècle l’Eglise catholique y aura encore recours pour l’Assomption de Marie.
Les Evangiles ont donc recours à cette mesure plutôt mythologique pour exprimer le paradoxe inexplicable du départ de Jésus (il ne va pas continuer à apparaître indéfiniment) et de la permanence de sa présence auprès de ses disciples.
Les Evangélistes s’expriment avec le plus de sobriété possible : pas de char de feu comme pour Elie, juste un départ vers le ciel, une disparition dans la nuée. Ce qui est important, c’est la destination céleste, au sens théologique du ciel comme dimension divine. Vous vous souvenez de la phrase qu’à dit (ou qu’on a fait dire à) Youri Gagarine : «j’étais dans le ciel et j’ai bien regardé : je n’ai pas vu Dieu !» C’est normal : Gagarine est monté dans la stratosphère, il n’est pas monté au ciel au sens biblique. Il est important de distinguer le langage matériel et le langage symbolique ou théologique. Être dans la lune n’a pas le même sens que marcher sur la lune.Avec le récit de l’Ascension nous avons un récit théologique, qui — parce qu’il est théologique — est beaucoup plus riche que si nous avions une description matérielle. Examinons les différents sens portés par ce récit.
1) L’affirmation selon laquelle Jésus monte au ciel indique que Jésus appartient bien au monde divin. Il est venu de Dieu et il retourne à Dieu. Vis-à-vis de ceux qui pensaient que la mort de Jésus sur la croix était l’expression d’une malédiction, d’une disqualification de Jésus, le récit de l’Ascension affirme que ce Jésus crucifié est bien toujours en bonnes relations avec Dieu. Dieu ne l’a pas abandonné. Au contraire, il l’a recueilli, accueilli et accepté auprès de lui. Il n’y a pas de distance entre ce Jésus et Dieu.L’Évangéliste Jean fait même de la croix le lieu de l’Ascension, de l’exaltation de Jésus. C’est sur la croix que Jésus est élevé de la terre (Jn 12:32). Jean compare même la croix de Jésus au serpent d’airain que Moïse élève dans le désert et que chacun doit regarder pour être sauvé (Jn 3:14-15). Pour l’Evangéliste Jean, le salut tout entier se joue sur la croix et il y condense Vendredi-saint, Pâques, l’Ascension et Pentecôte. Sur la croix « tout est accompli » comme l’exprime la dernière parole de Jésus sur la croix (Jn 19:30). L’Ascension affirme donc en premier lieu la divinité de Jésus, sa proximité, sa parenté à Dieu.
2) Ensuite l’Ascension affirme que Jésus est associé au règne de Dieu. « Jésus s’est assis à la droite de Dieu »(Mc 16:19). Cela signifie, dans le vocabulaire de l’époque, que Jésus est le bras droit de Dieu, celui qui exerce le pouvoir. Comme un premier ministre dirige pour le président. Jésus est donc vraiment « Seigneur » avec tous les pouvoirs. Il y a unité d’esprit et de projet, même volonté à l’égard des humains, Jésus règne.
On est un peu piégé par notre vocabulaire, parce qu’on voit trop de personnes séparées. Or la Trinité représente un seul Dieu, sous trois manifestations différentes, mais sans perdre leur unité. Dieu, Jésus et l’Esprit Saint forment le même Dieu qui dirige l’univers, comme l’électricité est une seule force qui peut s’exprimer sous forme de lumière, de chaleur ou de mouvement.
L’important ici, c’est de reconnaître que le Jésus crucifié est celui qui règne, le Jésus serviteur est celui qui règne, ce qui donne une couleur très spéciale à ce règne. Un règne qui se fait sans oppression, sans contrainte, dans l’amour.
3) Une troisième dimension de l’Ascension et de faire passer le message que cette montée au ciel ouvre un chemin, au passage, une liaison entre la terre et le ciel, entre l’humain et le divin, entre le matériel et le spirituel. « Quand j’aurais été élevé, j’attirerai tous les hommes à moi » dit Jésus (Jn 12:32).
L’œuvre de Dieu continue. Elle n’est pas terminée. C’est un processus qui va continuer jusqu’à la fin des temps. Ce que Dieu a commencé auprès d’Abraham — se rapprocher, se réconcilier avec les humains — Jésus l’a accompli et cela se réalise pour tous les humains présents et à venir. La porte du ciel est ouverte à tous ceux qui saisissent l’offre de Dieu. L’échelle de Jacob n’est pas réservée aux anges, le chemin du ciel est ouvert pour nous.
4) Enfin, le départ de Jésus s’accompagne d’une lettre de mission pour les disciples et pour toute l’Eglise. Lorsque Jésus se retire, tout ne s’arrête pas : au contraire tout commence sur la terre. Il fallait ce départ de Jésus pour que le témoin soit transmis. C’est particulièrement flagrant dans le récit de Marc. Aussitôt Jésus disparu « les disciples s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les miracles qui l’accompagnait.» (Mc 16:20).
L’Ascension correspond à un envoi en mission. D’ailleurs si vous lisez la finale de Matthieu, ce dernier n’a gardé que l’envoi en mission (celle qu’on rappelle lors des baptêmes) sans mention d’Ascension : « tout pouvoir m’a été donné, dans le ciel et sur la terre : allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant (...) leur enseignant à observer mes commandements. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.» (Mt 28:18)
L’Ascension ouvre le temps de la parole, du témoignage, du service. L’Ascension ouvre le temps de l’Eglise — seul Luc décale ce temps de dix jours jusqu’à la Pentecôte — un temps où Dieu s’incarne dans chaque disciple, dans chaque être humain. L’Évangile devient notre responsabilité, notre mission, une mission soutenue par la présence de l’Esprit saint.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2016