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  • Marc 9. Comment Jésus nous enseigne à servir Dieu ?

    20.9.2015
    Marc 9
    Célébration oecuménique du Jeûne fédéral

    Comment Jésus nous enseigne à servir Dieu ?

    Esaïe 66 : 1-2 +10-12       Marc 9 : 30-37

    Télécharger le texte : P-2015-09-20.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens de nos deux paroisses,
    L’Évangile d’aujourd’hui nous livre trois éléments qui ont l’air à première vue plutôt disparates : une annonce de la Passion, une discussion des disciples sur la question : qui est le plus grand ? et un enseignement de Jésus où il place un enfant au milieu du groupe des douze disciples. Nous allons voir que ces trois éléments sont cohérents et qu’ils ont une place toute particulière dans l’Évangile selon Marc. Cet épisode est vraiment au centre du ministère de Jésus, au centre de l’Évangile selon Marc et au centre du Christianisme.
    Cet épisode a lieu à la fin du ministère public de Jésus en Galilée et juste avant la montée vers Jérusalem où va s’accomplir la Passion de Jésus. Jésus prend le temps d’un enseignement destiné tout spécialement aux douze disciples, à la maison, à Capharnaüm. Et Jésus leur enseigne vraiment le cœur de son message, le cœur de l’Évangile.
    Cet enseignement comporte trois parties, que je vais reprendre l’une après l’autre : (1) l’annonce (la deuxième sur les trois) de la Passion de Jésus. (2) La question de la grandeur, de la valeur de la vie, et (3) le juste culte rendu à Dieu. Reprenons.
    1. Par trois fois, Jésus annonce à ses disciples ce qui va lui arriver à Jérusalem, parce qu’il va affronter les autorités. Jésus dit qu’il va être livré aux hommes (pas à un petit groupe dont on ne ferait pas partie. Non il va être confronté à la nature fondamentale de l’être humain, de nous tous.) Il va être tué et il sera relevé par Dieu.
    Jésus peut annoncer cela parce qu’il connaît la vraie nature de l’être humain en société et il sait que celui qui dit la vraie nature de la société (et ne veut pas y participer) finit inexorablement broyé, exclu, martyre du genre humain. Jésus va payer de sa personne pour révéler au monde ce mécanisme, cette nature. Il accepte de le faire et de donner sa vie pour le révéler.
    2. Le deuxième enseignement est en ligne directe avec cette Passion annoncée, puisqu’il révèle la nature de la préoccupation des disciples en chemin. Les disciples se demandaient : Qui est le plus grand, le plus important d’entre eux, et probablement dans le royaume avenir de Jésus ? Cette question des disciples révèle exactement les préoccupations de tous les humains, nos préoccupations constantes. Ai-je assez ? Puis-je avoir plus que mon voisin ? Comment avoir plus de pouvoir, plus d’argent, plus d’influence, plus d’amis sur Facebook, une plus grosse voiture, une plus grande maison… etc. Ma sécurité, notre sécurité repose sur le sentiment de ne jamais manquer et pour cela il faut avoir plus, toujours plus.
    Et voilà que Jésus vient renverser tout cela. Dans l’échelle de valeur de Dieu, le premier est le dernier et le dernier est le premier. Aux yeux de Dieu, les valeurs du monde, les valeurs séculières sont fausses, inversées. Et les valeur de Dieu sont à l’inverse des valeurs de notre société. Là où notre société dit que la valeur des personnes est proportionnelle à leur pouvoir et à leur puissance, Dieu dit que la valeur la plus haute est celle du service et de l’abaissement.
    Il est intéressant de noter que, dans l’Évangile selon Marc, le verbe « servir » n’a été utilisé que dans deux situations : lorsque les anges servent Jésus au désert avant la tentation (Mc 1:13), et lorsque des femmes servent Jésus (la belle-mère de Pierre servant Jésus (Mc 1:31) et les femmes servant Jésus au pied de la croix (Mc 15:41).)
    C’est le travail le plus humble que Dieu valorise le plus. On voit directement — en observant les barèmes salariaux — que notre société fait exactement l’inverse ! Cette révélation des mécanismes du monde et leur dénonciation par Jésus, par ses actes et sa vie, conduit Jésus vers sa Passion.
    3. La troisième partie de l’enseignement de Jésus se traduit par une illustration, une mise en scène : Jésus place un enfant au milieu des disciples pour leur dire : « Celui qui accueille un enfant comme celui-ci par amour pour moi, le reçoit moi-même, et il ajoute cette phrase — qui pourrait directement sortir de l’Évangile selon Jean — celui qui me reçoit, reçoit aussi celui qui m’a envoyé. » (Mc 9:37) Cette phrase est vraiment l’expression du centre de l’évangile.
    D’abord elle fabrique une éthique, un programme d’action : s’occuper des plus petits, mettre en œuvre des aides pour les laissés pour compte. C’est important, mais ce n’est pas encore le renversement le plus total : la compassion existait sur terre avant cette phrase.
    Ensuite cette phrase change notre vision d’autrui : ce n’est plus n’importe qui, ou un inconnu, ou une personne distante, c’est le Christ lui-même que je peux reconnaître dans chaque personne rencontrée. C’est important, mais ce n’est pas encore le renversement le plus total.
    Enfin, et c’est le plus important, cette phrase — si on la prend vraiment au sérieux — opère un renversement total du fait religieux lui-même. C’est toute la religion qui est bouleversée, qui est mise sens dessus dessous. Et c’est bien là aussi une des raisons de la mise à mort de Jésus.
    La religion, logiquement, classe Dieu au centre ou au-dessus de tout. La religion nous dit que nous devons avoir Dieu pour priorité, Dieu avant tout, le reste après. Et voilà que Jésus place un enfant au centre et dit à ses disciples : C’est lui d’abord ! Si vous vous occupez de lui, alors vous vous serez occupés dignement, valablement de Dieu ! Si vous vous occupez des personnes dépendantes, sans valeur pour la société, ceux dont personne ne se préoccupe, alors vous êtes en train de rendre un culte à Dieu. C’est comme cela que vous le servez le mieux ! Voilà un déplacement radical du fait religieux !
    Dieu lui-même, par la vie et les paroles de Jésus, se met de côté pour faire de la place à l’être humain ! Comme si Dieu disait : ne mettez pas vos forces dans votre façon de me rendre un culte, mettez vos forces dans l’aide et la considération que vous pouvez apporter à votre prochain qui est dans le besoin.
    Voilà le cœur de l’évangile, voici la nouvelle façon d’être avec Dieu et avec notre prochain que nous enseigne Jésus. Voilà un défi pour les disciples, un défi pour chacun d’entre nous, un défi pour nos Eglises et une parole forte dans nos sociétés matérialistes.
    Aimer notre prochain, notre voisin, celui qui se trouve dans nos murs ou à notre porte, voilà la façon concrète d’aimer Dieu.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2015