Luc 24
16.6.2013
Un chemin de reconstruction, parcours thérapeutique.
Luc 24 : 13-25
Téléchargez ici la prédication : P-2013-06-16.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Ce matin, nous allons cheminer avec les disciples d’Emmaüs. Nous allons découvrir ce chemin comme un chemin de reconstruction, avec le Christ comme compagnon, comme guide, comme thérapeute des disciples d’Emmaüs.
Oui, je crois que ce chemin d’Emmaüs est un exemple où l’on voit Jésus à l’œuvre comme thérapeute. Les Evangiles nous rapportent plusieurs guérisons de Jésus, mais toujours sous forme de miracles. Le miracle met l’accent sur le résultat et il dissimule le processus, le déroulement. Dans le récit des disciples d’Emmaüs, le déroulement l’emporte sur le résultat et cela va nous aider à voir comment Jésus conduit des disciples à une guérison et comment nous pouvons, à notre tour emprunter ce chemin de guérison.
La situation de départ est un deuil récent. Clopas et son compagnon sont encore sous le choc de la perte de leur maître. Ils sont dans leur chagrin, leur incompréhension. Ils ont laissés leurs espoirs à Jérusalem et s’en retournent — la mine sombre (Lc 24 :17) — chez eux, à Emmaüs. Ils parlent entre eux et on peut imaginer qu’ils repassent sans cesse les événements, en boucle, dans leurs têtes. Ils ressassent, ils ruminent. Vous savez comment tournent les pensées : « Et si… et si on avait fait cela … ? Et si ils n’avaient pas… Et si… » ou encore « C’est pas possible…, c’est pas juste… c’est trop injuste… » Ressassement et rumination, réécrire l’histoire… « Et si seulement… » Ça peut tourner en rond longtemps, longtemps.
Arrive quelqu’un qui se joint à leur marche. Le récit dit — dans un premier temps — simplement qu’il marche avec eux. Compagnon de route silencieux. Il écoute sans intervenir. Plus tard, il se renseigne, il fait parler les deux hommes. Il les fait raconter. Il leur donne la possibilité de mettre leur histoire en récit. C’est une façon de faire sortir de la rumination et de les inclure dans le récit. Ils disent : « Nous espérions… v.21 » « les femmes nous ont stupéfié… v.22 ».
Faire un récit cohérent de ce qui nous arrive est une étape importante dans notre reconstruction. Souvent tout s’arrête-là. Il y a récit, mais on ne sait pas quoi en faire.
Jésus va reprendre ce récit et en faire une relecture avec un nouvel éclairage des récits bibliques. Il fait un lien, un pont entre l’expérience de vie et quelques récits bibliques pour éclairer la vie.
Jésus leur laisse cet éclairage et va continuer son chemin. Tout pourrait s’arrêter là, parce que Jésus tient à leur laisser la liberté de prendre ou non cette interprétation. Jésus ne cherche pas à convaincre, il ne s’incruste pas, il a proposé un éclairage. C’est aux disciples de faire un choix, prendre ou laisser, s’approprier cette nouvelle lecture ou la laisser. C’est le moment où les disciples doivent prendre leur vie en main, choisir, décider, demander.
Visiblement, ils ont perçu quelque chose de précieux — qu’ils n’identifient pas encore clairement — dans les paroles de Jésus. Alors, ils lui demandent de rester avec eux. C’est une étape importante. Les disciples formulent leur besoin, ils expriment leur demande, une façon de prendre soins d’eux-mêmes.
Cette demande débouche sur un partage qui leur uvre les yeux (Luc 24 :31), ils reconnaissent Jésus qui disparaît au même moment de devant eux. Jésus se retire quand son travail thérapeutique est fini. Tout est accompli, les disciples n’ont plus besoin de béquilles, ils marchent par eux-mêmes, ils sont devenus autonomes.
Mais la démarche n’est pas tout à fait terminée, la démarche continue dans la tête et dans le corps des disciples. Ils ont encore à faire leur propre lecture personnelle, leur propre récit de ce qu’ils ont vécu. Cela se fait par un retour en arrière, pour voir le chemin parcouru : « Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » (Luc 24:32).
Jésus avait fait une lecture des événements avec son éclairage. Maintenant, les disciples doivent faire leur propre relecture des événements et de ce qui leur est arrivé. C’est par un regard en arrière, sur le chemin parcouru, qu’on peut voir les traces, les compagnonnages, les rencontres qui ont mis du baume sur nos plaies, qui ont donné un sens, une direction à notre vie.
Cette relecture personnelle — une appropriation profonde — permet un nouveau départ : les disciples se remettent en route, pour retourner à Jérusalem. Cette relecture personnelle leur permet un retour, une réintégration dans la communauté qu’ils avaient quittée, la tristesse dans le cœur.
Cette réintégration va les conduire à pouvoir partager leur expérience avec les autres personnes restées à Jérusalem et s’apercevoir que ces autres ont aussi vécu une expérience, semblable et différente. Les disciples ne sont plus dans le ressassement, la culpabilité ou le regret, mais dans le partage joyeux de leurs découvertes.
Voilà le chemin d’Emmaüs, faire le récit de son malheur, trouver ou recevoir un éclairage — qui est passé par des récits bibliques qui éclairent notre épisode de vie. Pour cet éclairage, il s’agit de trouver un personnage, une histoire, une parabole ou un psaume où l’on retrouve sa propre histoire, où l’on puisse se dire « c’est de moi que le texte parle ! »
Le chemin n’est pas complet sans l’invitation, sans la demande que Jésus reste pour partager un repas avec nous. Allons-y pour le jeu de mot : il n’y a pas de restauration sans un bon repas, sans un partage de vie, sans recevoir une nourriture pour sa vie. Jésus est cette nourriture qu’il partage avec nous pour nous restaurer dans notre intégrité, pour nous réinstaller dans une vie pleine, une vie digne d’être vécue, une vie de relations abondantes.
C’est à ce chemin d’Emmaüs, c’est à ce chemin de reconstruction, c’est à ce chemin de restauration que Jésus nous invite tous, pour nous donner la vie et la vie en abondance.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2013
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Luc 24. Un chemin de reconstruction, parcours thérapeutique.