27.11.2011
Quelques symboles des crèches de Noël
Esaïe 1 : 1-3 Luc 2 : 15-20 Matthieu 2 : 9-12
téléchargez la prédication : P-2011-11-27.pdf
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Comme vous pouvez le voir tout autour de vous, l'église de Bussigny est remplie de crèches de Noël, des crèches venant de partout dans le monde. Ces crèches, chacune à leur façon, racontent le mystère de Noël : Dieu venu à notre rencontre, dans notre monde, dans notre réalité humaine.
Ainsi, les crèches racontent une nouvelle fois le récit de Noël, mais aussi une "réalité augmentée." Les récits des Evangiles de Luc et Matthieu forment la trame de base, à laquelle s'ajoutent des éléments traditionnels issus de traditions orales, de contes légendaires venus apporter du merveilleux supplémentaire. Ces apports — comme nos contes de Noël — sont des tentatives de dévoiler, d'éclaircir, d'expliquer le mystère de Noël, d'en désigner la profondeur et la richesse. Les crèches rassemblent les éléments des deux récits des Evangiles de Luc et Matthieu et y ajoutent de nouveaux symboles. Essayons de voir à qui appartient chaque élément.
Luc. L'Evangile de Luc nous rapporte la naissance dans une étable, Jésus déposé dans une mangeoire et les bergers venus l'adorer après l'annonce des anges. Ces éléments nous montrent Jésus né dans la pauvreté, l'exclusion, la vulnérabilité et sa révélation à d'autres exclus ou marginaux.
La tradition ajoute les animaux de l'étable : l'âne et le bœuf, puis les moutons des bergers. Rechercher la signification symbolique du bœuf et de l'âne conduit à des pistes très divergentes, ambivalentes. L'âne et le bœuf sont cités ensemble dans le texte d'Esaïe. Ils apparaissent comme un exemple — au contraire d'Israël — de ceux qui reconnaissent leur maître, la main qui les nourrit — opposés à Israël qui se détourne de son Dieu. Il est difficile de savoir si l'âne et le bœuf ont été placé dans la crèche à cause de ce verset ou si ce verset a été ressorti après que la tradition a placé ces deux animaux dans la crèche !
Le bœuf est l'animal qui marche droit pour tirer la charrue, donc l'image de l'homme dans sa droiture, mais il est aussi le symbole de l'idolâtrie avec le veau d'or.
L'âne est aussi ambivalent. Il représente l'aspect rebelle de l'être humain, le côté indomptable. Mais il est aussi — notamment dans le récit des ânesses de Balaam (Nb 22—24) — celui qui voit Dieu là où le prophète ne le discerne pas.
On peut donc interpréter l'âne et le bœuf dans un premier sens comme les représentants de la création témoins de la nature divine de Jésus ou dans un deuxième sens comme la révélation de l'autorité du Christ soumettant et transformant la nature idolâtre et rebelle de l'humanité et l'invitant au salut.
Venons-en à la symbolique des couleurs. Jésus est représenté en langes blancs dans la crèche. Le blanc indique la pureté, le fait que Jésus est né sans péché et qu'il restera sans péché durant sa vie. Les habits de Marie sont traditionnellement un manteau bleu recouvrant une tunique rouge. Ces deux couleurs sont aussi porteuses de significations.
Dans le langage des icônes, le rouge représente l'humanité et le bleu représente le caractère divin, céleste. Dans les icônes de la résurrection, lorsque Jésus sort Adam et Eve de leurs tombeaux, ils sont habillés de rouge, puisqu'ils représentent l'humanité. Marie est donc aussi habillée de rouge, mais cette humanité est recouverte d'un manteau bleu, ce qui signifie que Dieu recouvre notre humanité de sa divinité.
Toujours sur les icônes, lorsque Jésus n'est pas habillé de blanc, il est habillé de bleu, la couleur divine, et porte un manteau rouge, signe qu'il a endossé notre humanité par dessus sa divinité.
Matthieu. Venons-en au récit de l'Evangile de Matthieu. Le récit nous présente des sages venus d'Orient, suivant l'étoile et apportant trois cadeaux. C'est le donné biblique.
La tradition autour des "rois mages" est vaste. A partir des cadeaux, on a construit l'identité de ces sages. Des trois cadeaux, on a fait trois mages. De la richesse des cadeaux, on en a fait des rois. D'où les trois rois mages auxquels on a donné les noms de Melchior, Balthasar et Gaspard. Ces trois rois qui se prosternent devant Jésus désignent la grandeur de l'enfant, sa suprématie sur tous les grands de ce monde. Il est celui devant qui "tout genou fléchit" (Phil 2:10).
Chacun des trois mages a été associé a un des trois continents connus à cette époque : l'Europe, l'Asie et l'Afrique et chacun a été associé à un âge de la vie. Melchior, le plus âgé, vient d'Europe et apporte l'or. Balthasar, d'âge moyen, vient d'Afrique et apporte la myrrhe. Gaspard, le plus jeune, vient d'Asie et apporte l'encens.
L'idée, ici, est l'universalité. La destinée de Jésus est d'être reconnu comme Christ par toute l'humanité, des plus jeunes aux plus âgés, et par tous les peuples de la terre. Le message de l'Evangile s'adresse à toute la terre et, à la fin des temps, toute l'humanité sera rassemblée devant Dieu. Les crèches du monde entier rassemblées dans ce Temple de Bussigny témoignent de cette universalité.
Dernier point que j'aimerais souligner et qui me fait particulièrement apprécier les crèches, c'est que Jésus, Marie et Joseph, pour ne parler que d'eux, prennent les traits des gens qui réalisent ces crèches. Dans les santons de Provence, Jésus est provençal, dans les crèches calebasses du Pérou, Jésus est péruvien, dans les crèches africaines, Jésus est noir. C'est bien là le mystère de Noël : Jésus est entré dans notre peau, dans notre condition humaine, où que nous soyons. Partout Jésus se fond dans l'humanité locale.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2011