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vieillir

  • Luc 11. Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Luc 11
    26.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (III)

    Jean 13 : 4-8       Luc 11 : 9-13

    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-26.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pendant ce mois d'août, nous nous demandons comment se préparer une vieillesse heureuse. Nous avons vu que la société ne donne de valeur aux personnes qu'en fonction de leur productivité, de leur utilité. Il faut donc chercher ailleurs sa valeur au moment où la vieillesse arrive.
    Nous avons vu que l'extrême vieillesse fige les attitudes et le caractère acquis au fil du temps. Il est donc primordial de se former longtemps auparavant le caractère qu'on veut avoir pendant sa vieillesse. Nous avons vu aussi que ce qui nous donne de la valeur pendant la vie active repose sur des capacités que nous risquons de perdre avec l'âge. Une transformation de la base, du socle de notre valeur est donc nécessaire. Cette valeur ne doit pas reposer sur l'action, mais sur l'être.
    Nous avons vu que ce sentiment d'accomplissement de notre vie, nous pouvons le trouver — après le sentiment d'utilité de la vie active — dans le sentiment d'être bon, de faire de belles actions. Ce que Jésus appelait "accumuler un trésor dans le ciel (Mt 6:20). Le changement nécessaire, c'est de passer d'être gratifié par le fruit de ses activités, à être gratifié par sa façon d'être avec et pour les autres.
    Aujourd'hui, j'aimerais encore faire un pas en avant dans cette quête de pouvoir être, tout simplement être, pour être heureux. C'est une étape de plus, parce que faire du bien, c'était encore faire quelque chose. Bien sûr, c'est à maintenir aussi longtemps que possible dans sa vie, mais quand on ne peut plus rien faire, que reste-t-il ?
    Il reste à être, ce qui se décline de plusieurs façons, être là; attendre; se souvenir; prier ou méditer; et finalement recevoir. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur ce "recevoir." Dans mes visites en EMS, je rencontre beaucoup de personnes qui ont de la peine à recevoir ce qui leur est donné. Recevoir chaque jour leur nourriture. Recevoir de l'aide pour se déplacer. Recevoir des soins corporels.
    C'est leur état de dépendance et de toujours avoir besoin de recourir à quelqu'un pour des gestes accomplis auparavant par eux-mêmes qui est difficile. Notre société prône l'autonomie, l'indépendance, voir l'autarcie. C'est une attitude de puissants, d'orgueilleux qui veulent ne rien devoir à personne. C'est une attitude d'aveugles aussi, qui ne voient pas que tout ce qu'ils consomment et achètent est le fruit d'une chaîne de coopération qui a fait que le produit a passé de mains en mains pour arriver jusque dans leur assiette  ou entre leurs mains.
    Notre société jette le discrédit sur la dépendance individuelle alors qu'elle entretient des dépendances globales bien plus graves. Le problème, c'est que nous avons intériorisé ce discrédit et nous avons honte de demander et de recevoir. Nous avons honte d'appeler à l'aide, même si nous avons travaillé dans un domaine qui aide autrui !
    Nous sommes dans la situation de Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds par Jésus — alors qu'on peut imaginer que Pierre, au cours des étapes de leurs déplacements, a déjà lavé les pieds de Jésus.  Nous préférons être dans la situation de celui qui donne, parce que c'est une situation dominante. La dette est chez celui qui reçoit le service.
    Garder cette attitude orgueilleuse qui empêche de recevoir, qui empêche de recevoir ce qu'on nous donne, les services des autres, c'est nous garantir une vieillesse malheureuse. D'où vient cette honte, ou cet orgueil ?
    C'est ce que Jésus essaie de nous faire découvrir, autant dans le Sermon sur la Montagne que dans le lavement des pieds. Nous ne croyons pas à la bonté de l'autre, à la générosité de l'autre. "Si donc vous qui êtes mauvais donnez de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père qui est dans les cieux vous donnera-t-il le Saint-Esprit, le don suprême !" (Luc 11:13). "Si je ne te lave pas les pieds, tu n'auras aucune part à ce que j'apporte !" (Jn 13:8).
    Refuser ce que nous apportent les autres, c'est refuser les dons qui viennent de Dieu, c'est refuser de reconnaître que nous sommes interdépendants, mais que la vie est possible malgré cela, ou plutôt à cause de cela. Martin Luther, le réformateur, disait que les saints sont ceux qui se savent totalement dépendants de Dieu (cité par Margot Kässmann, Au milieu de la vie, Genève, Labor et Fides, 2012, p.121). Etre totalement dépendant de Dieu, c'est remballer tout orgueil de ne vouloir dépendre de personne.
    Apprendre à donner, pour avoir un sentiment d'accomplissement intérieur, c'est une étape importante de notre préparation à vieillir. Apprendre à recevoir, simplement pour donner à l'autre sa chance de donner, est une autre étape tout aussi importante dans notre préparation à vieillir.
    Pour résumer les étapes. Nous sommes utiles pendant nos années de productivité. Nous pouvons être bons pour construire une base, un socle qui nous donne un sentiment d'accomplissement qui éclaire notre être quand nous sommes forcés d'en faire moins. Nous pouvons devenir justes en reléguant aux oubliettes l'orgueil de l'autarcie et la honte de la dépendance, en développant une juste reconnaissance envers toute la chaîne de ceux dont nous dépendons — tout au long de notre vie — pas seulement dans la vieillesse. Nous ne cultivons pas nous-mêmes notre café, ni ne construisons nous-mêmes nos voitures ou nos téléphones…
    Nous pouvons devenir justes en reconnaissant le caractère communautaire de l'existence. Nous avons été valorisé par nos rôles utiles et le bien que nous avons fait. Soyons justes en acceptant de recevoir de bon cœur et avec reconnaissance que d'autres puissent — dans leur étape de vie — se montrer utiles envers nous en accomplissant leur profession et se montrer bon envers nous par des gestes gratuits à notre égard.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2012

  • 1 Timothée 6. Se préparer une vieillesse heureuse (II)


    19.8.2012
    Se préparer une vieillesse heureuse (II)
    1 Timothée 6 : 17-19       Mat 6 : 19-23
    Téléchargez la prédication ici : P-2012-08-19.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous avons vu dimanche passé, avec le poème de l'Ecclésiaste, comment il décrivait — soyons directs — la décrépitude du très grand âge. Nous avons vu que l'extrême vieillesse apporte avec elle un immobilisme, un arrêt des changements, des possibilités de transformation de l'être et du caractère. Il en résulte la nécessité de préparer sa vieillesse, d'anticiper pendant que le changement est encore possible.
    Mais en fait, pourquoi faut-il changer quelque chose en nous entre la période active et la vieillesse ? Pourquoi ce que nous avons construit ne peut-il pas se prolonger simplement pendant la vieillesse ?
    Je répondrai par une autre question : Que reste-t-il à faire quand je ne peux plus rien faire ?
    C'est bien le problème de notre société face à la vieillesse ! Notre société est fondée sur le faire, le produire, l'agir. "Vous êtes quelqu'un en fonction de ce que vous faites" nous dit-on. Alors que devenons-nous lorsque nous n'avons plus rien à faire ?
    Si nous voulons une vieillesse heureuse pour nous, il faut trouver autre chose que ce que la société propose. Il faut faire reposer notre valeur sur autre chose que le faire. Nous devons abolir notre dépendance aux valeurs de cette société — du monde — pour nous ancrer ailleurs.
    Jésus disait à ce propos : "Ne vous amassez pas des trésors dans ce monde, mais amassez-vous des richesses dans le ciel." (Mt 6:19-20).
    Il y a un temps pour le confort, mais il y a un temps où il faut passer à quelque chose de plus solide, de plus durable, qui ne soit pas périssable, qui ne puisse partir en poussière dans la perte de nos capacités, de notre mobilité ou de nos sens.
    Mes trésors sont-ils sur terre ou sont-ils au ciel ? Le philosophe allemand Nietzsche propose un test pour évaluer soi-même la valeur de sa vie. Il propose de se demander : si je devais éternellement revivre ma vie, cette vie-là, est-ce que je ferais les mêmes choix, est-ce que je la revivrais de la même façon ?
    Voilà un crible intéressant qui permet de voir ce qui a de la valeur et ce qui n'en a pas ou qui est de valeur négative et qu'on devrait changer. Une infirmière en soins palliatifs américaine a relevé les regrets les plus souvent évoqués par les mourants. Ce sont : "J'aurais souhaité avoir le courage d'exprimer mes sentiments." "J'aurais souhaité rester en contact avec mes amis" et "j'aurais souhaité avoir le courage de vivre la vie que je voulais et non pas celle que les autres attendaient de moi." (Bronnie Ware, The Top Five Regrets of The Dying, Hay House, 2012)
    Vous remarquerez que les souhaits ne portent pas sur des productions, des actions qui n'ont pas pu être réalisées (construire une maison, planter une forêt…) mais chaque regret est en lien avec l'être et la vie. Regrets en liens avec ses émotions qui auraient pu être partagées avec d'autres. Regrets sur les relations abandonnées. Regrets sur des désirs non exprimés, sur une affirmation de soi muselée.
    Réaliser des choses pendant sa vie — avant de mourir — ne demande ni fortune, ni forme physique exceptionnelle, ni compétences hors normes. Réaliser ces choses, c'est amasser un trésor dans le ciel, amasser une estime de soi et un sentiment de valeur et d'accomplissement que rien ne peut ôter, ni la vie en EMS, ni la perte de fonction, ni la mort finalement.
    Se préparer à la vieillesse n'est donc rien d'autre que se donner le sentiment d'avoir réussi sa vie ! C'est aussi simple que cela ;-) !
    Ce qui est compliqué, c'est comment y arriver à ce sentiment d'accomplissement. J'ai trouvé une direction intéressante dans la première lettre à Timothée. Paul fait des recommandations à Timothée et aux autres lecteurs de cette lettre :
    "Recommande à ceux qui possèdent les richesses de ce monde de ne pas s'enorgueillir ; dis-leur de ne pas mettre leur espérance dans ces richesses si incertaines, mais en Dieu qui nous accorde tout avec abondance pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire le bien, d'être riches en actions bonnes, d'être généreux et prêts à partager avec autrui. Qu'ils s'amassent ainsi un bon et solide trésor pour l'avenir afin d'obtenir la vie véritable." (1 Tim 6 : 17-19).
    Il s'agit-là, d'abord, de reconnaître l'illusion de bonheur que propose la société romaine autant que la nôtre, les choses n'ont pas beaucoup changé. Ensuite Paul fait des recommandations positives : dis-leur de faire le bien, d'être riches en belles actions, de donner généreusement, de veiller au bien commun et finalement de se constituer un beau "socle" (je reviendrai sur ce terme) pour l'avenir et pour se saisir de l'essence de la vie, de la vraie vie. N'est-ce pas un beau programme ?
    Le but est de construire une assise, un fondement — un socle — qui soit beau pour sa vie. Imaginez ici un temple grec avec les trois marches en pierres taillées de son socle, l'assise sur laquelle repose tout le temple, même 2'000 ans plus tard. Avec une belle assise comme celle-là, bien solide, notre vie ne sera pas ébranlée par la vieillesse ni par la mort. Ce beau socle est bâti sur de belles actions.
    Il y a plusieurs étapes dans la vie. Une période pour apprendre, une période pour produire et être actif, pour engendrer. Vient ensuite — si nous voulons une belle vieillesse — une période pour faire du bien, pour être bienfaisant, dit l'apôtre Paul. Une période où l'on soigne particulièrement — de l'intérieur — notre façon d'être au monde. Cultiver la joie d'être-là, la joie de s'émerveiller, s'émerveiller de la nature, des créations humaines, des personnes qui nous entourent. Il s'agit d'apprendre à voir le bon et le beau autour de soi et d'entrer dans la danse pour participer à l'embellissement du monde autour de nous.
    Khalil Gibran disait : "Tout ce que vous avez sera donné un jour. Donnez donc maintenant afin que la saison de donner soit vôtre, et non celle de vos héritiers."
    Cette étape consiste à passer du "faire" tout court que prône la société, à "faire du bien" autour de soi. C'est ainsi que se construit la satisfaction intérieure, le sentiment d'accomplissement qui nous aidera au moment de devoir se dépouiller peu à peu de ce qui faisait notre vie.
    La prochaine étape, dimanche prochain, sera d'apprendre à recevoir, une étape qui semble encore plus difficile que celle de faire du bien.
    (à suivre)
    © Jean-Marie Thévoz, 2012