Jean 15
22.6.2014
« Je suis la vigne » dit Jésus
Esaïe 5 : 1-2+7 Jean 15 : 1-9
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Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l’Abbaye,
J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas de fête d’Abbaye sans apéritif, sans son petit verre de vin. C’est pourquoi j’ai choisi de vous parler de la place de la vigne dans la Bible.
La vigne est une plante qui pousse bien sur les coteaux ensoleillés et arides d’Israël. Elle fait partie du patrimoine et évoque le bon temps, la fête, l’abondance, la joie de vivre. Avec le figuier, la vigne évoque la sécurité. Si on a quelques plans de vignes et quelques figuiers autour de sa maison, tout va bien, on peut être heureux.
C’est pourquoi plusieurs récits bibliques donnent à Dieu la figure du vigneron et à Israël le rôle de la vigne. Dieu est le vigneron qui plante une vigne en Israël, qui s’en occupe, la soigne, la protège et en attend les fruits.
Les prophètes se sont emparés de cette image pour rappeler au peuple — et plus souvent aux dirigeants, aux riches et aux puissants — que Dieu attendait de sa vigne des fruits de justice et de droiture ! Ainsi, la vigne improductive est-elle devenue l’image du jugement de Dieu sur un monde injuste, un monde de profit et d’exploitation (Es 5:1-7).
Le vin et la vigne ont aussi une place dans le Nouveau Testament. On se souvient des Noces de Cana (Jn 2:1-11) où Jésus transforme de l’eau en vin pour que la fête ne soit pas gâchée. La parabole des ouvriers de la 11e heure (Mat 20:1-15 ) que le vigneron paie la même chose que ceux qui ont commencé le travail à l’aube. La parabole des méchants vignerons (Mat 21:33-40) qui refusent de donner au propriétaire de la vigne ce qu’ils lui doivent et molestent ses envoyés, puis tuent le fils du vigneron.
L’Evangéliste Jean, de son côté, nous rapporte les parole de Jésus qui s’identifie à la vigne : « Je suis le cep de vigne et mon Père est le vigneron » (Jn15:1) et « Je suis le cep et vous êtes les sarments » (Jn 15:5). L’Evangéliste Jean développe cette image, ces images, du vigneron, du cep, des sarments et des fruits à produire pour nous parler de notre relation à Dieu.
Rappelons quelques principes élémentaires de viticulture : Le cep de vigne reste en place d’année en année et le vigneron doit s’en occuper pour avoir du raisin. A la fin de la saison, le vigneron ôte tous les sarments pour un départ à neuf au printemps. Au printemps, plusieurs sarments émergent et se développement en vue de porter des grappes. Le vigneron va émonder sa vigne, il élague, il effeuille, il retranche des fleurs, tout cela pour augmenter la qualité du raisin et la qualité du vin qui en sortira. Le but est d’augmenter la quantité de sucre dans la grappe de raisin, ce qui améliore le vin, comme vous le savez.
Jésus utilise cette pratique de la culture de la vigne comme une image de sa relation à Dieu et de sa relation avec nous. Dieu est le vigneron qui plante la vigne. Jésus est le cep de vigne qui porte les sarments. Nous sommes les sarments qui sommes destinés à porter du fruit.
C’est une image de la vie, de notre existence. Si nous voulons produire un bon vin, c’est-à-dire une existence qui embaume, qui réjouisse notre cœur et celui de tous ceux qui nous côtoient, comme sarment nous devons être reliés au cep. C’est-à-dire que nous avons besoin de sève, de vie, d’énergie et nous avons besoin d’être relié à la source de la vie, à la source d’une énergie positive.
Jésus se présente comme une source de vie, une source d’énergie relationnelle, c’est pourquoi le leitmotiv de ce récit est : « Demeurez en moi »(Jn 15:4,5,6,7,9,10). Cela signifie : demeurez en lien, restez en relation avec la source de la vie, avec la source des relations, avec la source de l’amour.
A aucun moment, le texte ne donne l’ordre de porter du fruit. Le fruit découle du lien, de l’attachement du sarment au cep. C’est ce lien à la source de la vie et de l’amour qui va, de lui-même, nous permettre de produire du fruit, c’est-à-dire des attitudes, des comportements qui seront authentiques, bons pour soi et pour les autres.
On résume cela en disant « aimer ». C’est plus qu’avoir simplement des sentiments les uns pour les autres. C’est une façon d’aborder la vie, de vivre pleinement, d’être heureux. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses racines, si l’on est coupé de soi-même, de son corps. Ce bonheur n’est pas possible si l’on est coupé de ses émotions ou du contact avec les autres.
Ce bonheur, nous dit Jésus, n’est possible que si nous acceptons d’être reliés (a) à nous-même, à ce qui se passe en nous, dans nos émotions, dans notre corps ; d’être reliés (b) aux autres, à nos proches d’abord, mais aussi à d’autres plus lointains ; enfin d’être reliés (c) à l’univers, à Dieu, à l’infini ou à l’absolu.
Ce que Jésus dit lorsqu’il dit « Je suis le cep et vous êtes les sarments, demeurez en moi » c’est que nous ne vivons une vie complète, en plénitude que si nous sommes reliés. Il y a trois dimensions auxquelles nous avons besoin d’être reliés, à nous-même, aux autres et à l’absolu qu’il nomme Dieu son Père.
Nous avons besoin de ces trois relations pour être heureux dans tous les domaines de l’existence. Nous avons besoin de nous connaître nous-même. Nous avons besoin d’être reliés au cep pour recevoir la sève. Nous avons besoin du vigneron pour porter du fruit et avoir une vie riche comme du bon vin.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2014