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Jean 19. Jean présente Jésus sur la croix comme l'agneau de la Pâque

Jean 19
14.4.2006
Jean présente Jésus sur la croix comme l'agneau de la Pâque
Ex 12:1-8+12-14 Jn 19:16-30 Jn 19:31-37

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Aujourd'hui, vendredi saint, nous commémorons, nous nous souvenons de la mort de Jésus. Il est difficile d'imaginer comment les disciples de Jésus ont vécu la condamnation et l'exécution de leur maître, cela d'autant plus que les Evangiles nous disent que tous les disciples étaient dispersés et que seules des femmes étaient au pied de la croix. En fait, dès l'arrestation de Jésus, tout était fini pour les disciples ! Une fin désastreuse, une fin sans espoir, pour eux qui avaient pourtant tout laissé pour le suivre.
Le récit des pèlerins d'Emmaüs nous donne le ton de ce que devait être le ressenti des disciples : un échec, un beau gâchis, que d'espoirs perdus. On ne peut s'empêcher de penser que tout se serait arrêté là s'il n'y avait pas eu le miracle de la résurrection. Sans elle, la mort de Jésus n'aurait été qu'une exécution de plus dans un temps troublé. Les disciples auraient fait leur deuil et tout se serait arrêté.
Mais parce qu'il y a eu les apparitions de Jésus, parce que Dieu n'a pas voulu que l'histoire s'arrête-là, les disciples ont été mis en route, stimulés, poussés à comprendre ce mystère de la Passion de Jésus.
Si Dieu a relevé ce Jésus d'entre les morts, alors sa vie, sa prédication et sa mort devaient avoir un sens que nous n'avons pas perçu lorsqu'il était parmi nous. Il faut reprendre — mot à mot — tout ce qu'il nous a dit; pas à pas — tout ce qu'il a fait pour trouver un sens à tout ce qui est arrivé et surtout à cette mort infamante sur la croix. Ainsi peut-on imaginer le début de la recherche qui a conduit à la rédaction des Evangiles.
Toute mort, par son côté absurde, nous pousse à chercher des raisons de sa survenue. Pourquoi ? et pour… quoi ? quel sens peut avoir la mort ? Les explications vont généralement dans deux directions : vers le passé, vers les causes. Qu'est-ce qui a provoqué cette mort ? Et vers l'avenir. Quelle leçon peut-on en tirer, quel élan peut-elle donner, quel avancement peut-elle apporter ?
Je crois que les récits de la Passion dans les Evangiles poursuivent ces deux directions, vers la cause et vers le but. Les récits de la Passion nous présentent une analyse, comme un descriptif, le pas à pas des dernières heures de Jésus. Ils identifient tous les acteurs, tous les faits et gestes, toutes les circonstances qui ont conduit et entouré la mort de Jésus et sa mise au tombeau.
Et puis, ces récits insèrent au fil du texte des références qui ont pour but de donner des sens aux événements, ce sont des références à l'Ecriture, à l'Ancien Testament. Ces références sont là pour montrer que ce qui se passe est en lien avec un univers de sens plus vaste.
Les événements ne se déroulent pas au hasard, on peut leur donner un sens, une raison, un but. La mort de Jésus n'est pas absurde, elle s'inscrit dans un mouvement plus large, dans une histoire plus vaste, dans une alliance et une relation entre Dieu et son peuple, une histoire de vie et de salut.
Les citations renvoient au Ps 22 qui ressemble à une description d'une mort sur une croix : "Ils ont percé mes pieds et mes mains" (v.17); "Ils se partagent mes habits, ils tirent au sort mes vêtements" (v.19). C'est le Psaume qui commence par le verset : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné" (v.1) que citent Marc et Matthieu. Jean cite encore la parole sur la croix "J'ai soif" qui renvoie au Ps 69:22 qui décrit le juste indûment persécuté.
Et puis Jean continue avec un passage qui ne se trouve dans aucun autre Evangile, l'épisode où les soldats doivent briser les jambes des crucifiés pour hâter leur mort afin qu'ils puissent tous être dépendus avant le début du sabbat.
Mais Jésus est déjà mort, ses jambes ne sont donc pas brisées. Un soldat le transperce au côté pour s'assurer de sa mort. Cela permet à Jean de citer deux fois l'Ecriture : "Aucun de ses os ne sera brisés" (Ex 12:46, Nb 9:12) et "Ils verront celui qu'ils ont percé" (Za 12:10). Cette dernière citation fait référence à un texte messianique. Jean nous confirme par là que Jésus est bien le Messie.
Mais j'aimerais revenir sur la citation précédente : "Aucun de ses os ne sera brisés." Cette phrase est un commandement de Moïse concernant l'agneau qui est sacrifié et mangé lors de la Pâque. Jean développe ainsi un thème, une interprétation de la mort de Jésus qui lui et chère : Jésus est " l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." C'est la phrase que Jean Baptiste prononce lorsqu'il voit arriver Jésus pour lui demander le baptême : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29).
Ainsi donc, dans son récit de la Passion, Jean glisse encore — par la mention qu'aucun de ses os n'ont été brisés — que Jésus est l'agneau sans tache ni défaut qui est sacrifié à Pâque. En indiquant que la crucifixion de Jésus a lieu juste après midi, Jean la fait coïncider avec l'heure où commencent les sacrifices des agneaux dans le Temple.
Jean nous donne donc là une clé importante de sa compréhension de la mort de Jésus. Comme les Hébreux en Egypte ont été sauvé du fléau exterminateur en appliquant du sang de l'agneau sur les montants des portes de leurs maisons, de même, le sang de Jésus versé sur la croix protège le chrétien des puissances destructrices.
Jésus, sur la croix, est la victime pure et sainte (Cantique 286), l'agneau sans tache et sans défaut qui donne sa vie pour le salut de tous. Jésus fait cadeau de sa vie pour tous les humains, il efface — d'un geste un latéral, inconditionnel — toute dette que nous avions à l'égard de Dieu. Il délie tous les liens, tous les fardeaux, tous les boulets qui nous retiennent en Egypte, pour que nous puissions avancer, comme des êtres libérés, libres vers la Terre promise.
La mort de Jésus n'avait rien d'absurde — en fin de compte. Elle s'inscrit dans le don, incommensurable, de l'amour que Dieu a pour nous. Dieu n'a qu'un message pour nous : Par amour, je vous donne ce que j'ai de plus précieux, je donne ma vie pour que vous viviez.
Amen


© 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

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