Matthieu 25
16.11.97
Discerner la présence mystérieuse du Christ dans le monde
Genèse 18 : 1-8 Matthieu 25 : 31-40 Romains 13 : 8-10
Avez-vous vu Dieu ce matin ? ou ces derniers jours ?
Si je vous disais que je l'ai croisé dans les rues de Bussigny ou qu'il est venu sonner à ma porte, il ne serait pas étonnant que vous vous mettiez à penser que ce pasteur déraille, ou qu'on est tombé sur un illuminé. Surprise et incrédulité, voilà une réaction bien normale.
Cette surprise et cette incrédulité, c'est bien la réaction prêtée aux personnes dépeintes dans la fresque du jugement dernier que nous venons d'entendre. Alors que le Christ en gloire a séparé les gens en deux groupes, il dit aux uns "vous m'avez accueillis, nourris, vêtus", etc. et aux autres qu'ils ne l'ont pas fait. Mais dans les deux groupes des voix s'élèvent : "Quand t'avons nous vu ? Surprise et incrédulité.
Au travers de toute la Bible nous trouvons deux affirmations contradictoires : d'un côté, elle dit: on ne peut pas voir Dieu, de l'autre elle nous demande de reconnaître que Dieu est présent.
Voilà le paradoxe : Dieu est présent incognito dans le monde, mais il nous fait des visites surprise.
Voyez Abraham. Il voit arriver trois visiteurs. Il les accueille avec faste. Rien, sauf le titre du récit, ne dit qu'ils diffèrent de simples voyageurs. Pourtant Dieu est présent dans les paroles de ces trois hommes. Dieu invisible présent dans le visible, dans les paroles de ces mystérieux visiteurs.
Ces trois personnages savent-ils seulement qu'ils sont ambassadeurs, messagers de Dieu ? Comment le savoir ? Si ce n'est en prenant le message au sérieux, en écoutant, en accueillant, en se faisant réceptif. La présence mystérieuse de Dieu semble insensiblement glisser des messagers vers Abraham. N'est-ce pas lui qui croit entendre Dieu parler, qui entend ces paroles comme parole de Dieu, non pas "comme si", mais "en tant que" Parole de Dieu ? C'est le pas de la foi, la réceptivité du croyant qui guette les signes, qui attend les messages, qui attend des réponses à ses prières.
Dieu nous fait des signes, Dieu nous met des gens sur notre chemin, pour nous parler, nous révéler à nous-mêmes, pour nous faire avancer, grandir, croître.
Chaque personne rencontrée est peut-être porteuse d'un message pour nous, d'une révélation pour notre vie, d'une réponse à une question qu'on se pose depuis longtemps. Sommes-nous ouverts à ces messages, à ces réponses ? Sommes-nous vigilants pour les recevoir ? La vigilance est le thème des chapitres 24 et 25 de l'évangile de Matthieu (Les vierges folles et les vierges sages, la parabole des talents).
Revenons à cette fresque du jugement dernier. Parmi tous les peuples rassemblés, chacun a été confronté à des rencontres, chacun a reçu des visites, des sollicitations, des messages. Remarquez cependant qu'aucun n'a vu l'invisible, aucun n'a vu le Christ directement dans ces rencontres. Le récit ne dit pas "ceux qui ont reconnu le Christ ont hérité du Royaume" ! Personne n'a vu Dieu, n'a vu le Christ. L'incognito a été total, mais chacun a réagi différemment à ces visites.
Les uns ont été touchés, au fond de leur coeur, ils ont été émus par ces situations de détresse et se sont ouverts à leur prochain. Ils ont eu les yeux de la compassion et ils ont agi en suivant leur coeur.
Les autres n'ont pas été touchés. Ils n'ont pas vu la détresse à secourir. Ils se sont fermés, enfermés.
Selon cette fresque imagée, nous savons maintenant que nous pouvons tous rencontrer le Christ incognito, que nous l'avons tous croisé, un jour ou l'autre. Personne cependant ne peut dire : il est là, ou, il est ici, venez voir. Sa présence est toujours une surprise (comme pour les témoins d'Emmaüs).
Nous pouvons passer notre vie à refuser de voir autre chose que la réalité, la réalité vraie, scientifique et statistique. Refuser de voir autre choses que les réalités économiques :
- celui qui se donne de la peine trouve toujours un boulot
- celui qui veut manger n'a qu'à travailler
- celui qui s'est endetté/nu, n'avait qu'à ...,
- celui qui se retrouve en prison, n'avait qu'à ...,
- celui qui est malade, n'avait qu'à ..., pas fumer, pas boire, pas...
Ou bien nous pouvons laisser notre coeur ou notre troisième oeil s'ouvrir, se montrer réceptif, comme Abraham.
Nous pouvons guetter, dans chaque rencontre, sur chaque visage, dans chaque parole échangée la présence mystérieuse de ce Christ qui vient habiter la détresse de chacun.
Dieu nous visite, Dieu nous parle, Dieu nous réclame, saurons-nous l'accueillir, l'entendre, le secourir ?
Amen.
© 2006, Jean-Marie Thévoz