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Matthieu 10. Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe

Mt 10
2.2.2003
Rusé comme le serpent, innocent comme la colombe
Eccl. 9 : 13-18 Mt 10 : 16-20 Mt 5 : 38-42

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Tous nos journaux — qu'ils soient en papier ou à la télévision — s'en préoccupent et nous l'annoncent comme prévisible, prévue, inévitable : je veux parler de la guerre en Iraq ! La guerre en Iraq est une préoccupation pour beaucoup d'entre nous, comme j'ai pu m'en rendre compte dans mes dernières visites. Que pouvons-nous faire ? Où va le monde ? Pourquoi cette guerre nous est-elle présentée comme inévitable ?
Je ne vais par répondre à toutes ces questions, d'abord parce que je n'en serais pas capable, ensuite parce que n'est pas le lieu ici, nous ne sommes pas sur un plateau de télévision. Cependant, je pense qu'il est nécessaire que nous y réfléchissions en tant que chrétiens. L'évangile a sûrement quelque chose à nous dire sur les circonstances que nous vivons. L'Eglise a sûrement quelque chose à faire entendre dans le concert des opinions présentes.
Bien sûr, il y a le risque que l'Eglise se mette à "faire de la politique." Certains pensent qu'elle devrait en faire davantage, d'autres qu'elle ne devrait pas y toucher. Ce dont je m'aperçois, c'est d'une part que le monde se plaint de ne plus avoir de points de repères pour penser les problèmes d'aujourd'hui, et d'autre part que nous sommes dépositaires d'un message, d'une bonne nouvelle qui n'est pas silencieuse sur le problème de la violence et de la vengeance. Politique ou pas, nous sommes des témoins et nous avons la mission de témoigner de l'évangile.
Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il les avertit que cette tâche n'est pas sans risque. Témoigner de l'évangile soulève des oppositions, voire des persécutions. Témoigner de l'évangile peut même conduire "à comparaître devant des dirigeants et des rois, pour pouvoir apporter son témoignage devant eux." (Mt 10:18)
L'Eglise a un rôle de témoignage, même face aux grands, aux puissants. L'Eglise doit donc dire quelque chose face à l'annonce d'une guerre inévitable ! Oui, mais alors dire quoi ?
Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission, il décrit la situation où ils vont se trouver en ces mots : "Je vous envoie comme des moutons au milieu des loups" et il leur dit l'attitude qu'ils doivent avoir : "Soyez donc prudents / rusés comme des serpents et innocents comme des colombes" (Mt 10:16)
Ce langage imagé exige une interprétation. Comment comprendre ces deux images mises ensemble ? Le serpent et la colombe, voici bien deux animaux que tout oppose, et voilà que Jésus les met ensemble. Le serpent est image du mal, de la ruse, de la corruption (pensez à Genèse 3). La colombe est image de paix (pensez à l'arche de Noé), de pureté, de blancheur.
Mettre ces deux images ensemble, c'est inviter à dépasser les solutions simplistes où tout est blanc ou noir; c'est inviter à penser paradoxalement, penser plus loin, différemment du monde; c'est sortir des sentiers battus du réalisme, du pragmatisme, des stratégies habituelles.
Il faut manier en même temps toute l'habileté, l'intelligence, la sagesse possible dont les humains disposent et toute l'innocence, l'ingénuité envisageable. Il faut inventer des solutions originales qui sortent des ornières communes.
Jésus nous a laissé dans le Sermon sur la montagne un discours sur la vengeance devenu célèbre : "Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends lui la joue gauche" (Mat 5:39). Ce texte a très souvent été qualifié d'utopique, d'irréaliste, voir de capitulation. Et si Jésus, là, donnait l'exemple de ce que cela signifie "être avisé comme le serpent et innocent comme la colombe" ? A quoi conduit la vengeance de "oeil pour oeil, dent pour dent" ? Cela conduit à l'affrontement, à l'escalade de la violence, à la course aux armements, au "je dois être prêt à riposter !"
La riposte est la solution réaliste, pragmatique, stratégique, mais conduit-elle quelque part ? La riposte va attiser la haine et le désir de vengeance, etc... La riposte est une impasse. C'est pourquoi Jésus nous invite à chercher d'autres voies, des voies qui déstabilisent l'adversaire sans le détruire.
Jésus nous appelle à une sagesse qui diminue la haine et le désir de vengeance pour conduire à une vraie solution. "Tends l'autre joue" cela ne signifie pas "résigne-toi", mais "cherche d'autres voies d'autres solutions qui mènent quelque part, qui mèneront à une entente.
Jésus dit encore "Si quelqu'un veut te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau" (Mat 5:40). C'est chercher une solution qui engage à ne pas chercher à tout prix à préserver ses intérêts, mais oser renoncer à quelque chose, oser perdre quelque chose pour éviter la rupture ou la destruction de l'autre. Cela peut signifier, pour nous, renoncer à un certain confort pour diminuer les injustice de ce monde et gagner des amitiés plutôt qu'attiser la haine.
Bien sûr, ce message a peu de chance de passer dans les hautes sphères dirigeantes. Jésus est comme cet homme "pauvre et sage" qui pouvait sauver la ville, dont parlait l'Ecclésiaste :
"Il aurait pu sauver la ville grâce à sa sagesse. Cependant, personne ne songea à s'adresser à un homme pauvre comme lui. Eh bien, je l'affirme : la sagesse vaut mieux que la bravoure, mais lorsqu'un homme sage est pauvre, les gens le méprisent et n'écoutent pas ses conseils. Pourtant il vaut mieux écouter un homme sensé qui parle calmement qu'un chef qui crie en s'adressant à des sots. La sagesse est plus efficace que les armes, mais un seul maladroit détruit le bien qu'elle procure." (Eccl. 9:15-18)
Face à une guerre qu'on nous dit inévitable, il faut répéter avec l'Ecclésiaste que "la sagesse vaut mieux que la bravoure" et que "la sagesse est plus efficace que les armes." Cette sagesse — qui comprend la ruse du serpent et l'innocence de la colombe, Jésus nous l'a transmise au travers des Evangiles et plus encore au travers de sa mort où il a mis en pratique — au prix de sa vie — le refus de la violence.
Jésus a accepté de souffrir plutôt que de voir la violence se déchaîner contre les humains. La guerre est évitable si nous acceptons de porter notre part de sacrifice pour que cette violence ne se déchaîne pas.
Amen

© 2007, Jean-Marie Thévoz

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