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Matthieu 5. Aimer ses ennemis pour gagner en être

Matthieu 5

8.7.2001

Aimer ses ennemis pour gagner en être

Es 40 : 27-31    Phil 2 : 1-5    Mat 5 :43-48

Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un des enseignements de Jésus dans le Sermon sur la montagne. Le Sermon sur la montagne est un condensé de l'enseignement de Jésus où il reprend des commandements connus de tous, pour leur imprimer un élan nouveau.
Après avoir parlé du meurtre et de la colère, du mariage et du divorce, des serments et de la vengeance, Jésus termine avec un enseignement sur l'amour des ennemis :

"Vous avez entendu qu'il a été dit : «Tu dois aimer ton prochain et haïr ton ennemi.» Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent." (Mat 5:44).
Ce nouveau commandement ne nous projette-t-il pas tout droit dans l'utopie irréalisable ou dans l'inutilité totale ?
Ce commandement relève de l'utopie dès qu'on se trouve en présence de vrais ennemis. Qui irait dire aux Palestiniens : Aimez les Israéliens ? ou aux Israéliens : Aimez les Palestiniens ? De même entre les Serbes et les Kosovars, les Tibétains et les Chinois, etc. Lorsque le mal commis de part et d'autre est si grand, qui peut demander de l'amour ?
D'un autre côté, pour nous qui sommes ici, dans un Etat de droit, ce commandement semble inutile. Qui a des ennemis ? Qui a de vrais ennemis ? N'avons-nous pas tout pour vivre en paix, tranquilles ? N'avons-nous pas atteint un niveau de concorde et de tolérance suffisant pour qu'on ne nous demande pas encore un pas supplémentaire qui frise une perfection irréaliste et au-delà des capacités de l'être humain normalement constitué ?
Alors, idéaliste - irréaliste ? ou inutile et inutilement perfectionniste, ce commandement ?
Pourquoi Jésus nous demande-t-il cela ? Pour... quoi ? En vue de quoi ? Pour vivre tranquille ? Pour éviter le cycle et le cercle vicieux de la violence, de sa répétition, de la vendetta ? Non ! Cette question de l'amplification de la violence et la façon d'y mettre un terme a été traitée par Jésus dans le point précédent de son discours, dans ses paroles sur la vengeance :

"Vous avez entendu qu'il a été dit : «Oeil pour oeil, dent pour dent.»  Mais moi je vous dis de ne pas vous venger de celui qui vous fait du mal. Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, laisse-le aussi te gifler sur la joue gauche. Si quelqu'un veut te faire un procès et te prendre ta chemise, laisse-le prendre aussi ton manteau." (Mat 5 : 38-40).
Jésus ne donne aucune finalité pratique au commandement d'aimer ses ennemis. Ce n'est pas pour faire... la paix, ou pour qu'il y ait ... moins de violence. Ce n'est pas pour transformer le monde extérieur, même pas pour convertir cet ennemi par le bel exemple donné.
Le but est totalement intérieur à la personne qui mettrait en pratique ce commandement. Le but est une transformation toute intérieure, une modification, un changement d'être :

"Aimez vos ennemis, afin que vous deveniez les fils de votre Père qui est dans les cieux. " (Mt 5:45).
Il n'y a pas de but extérieur, il n'y a qu'un but intérieur : gagner en être, devenir plus semblable à l'être de Dieu qui est assez large pour faire du bien indifféremment à tous, qu'ils soient bons ou méchants, justes ou injustes.
Dans cette pensée là, l'ennemi devient la chance, l'occasion, l'opportunité d'apprendre à gagner en être, apprendre à grandir, à développer notre patience et notre tolérance. L'ennemi — celui qui nous fait grincer des dents chaque fois qu'il ouvre la bouche; celui dont la simple présence nous met mal à l'aie; celui qui réveille au fond de nous une colère inconnue — cet ennemi est un bienfait pour nous.
Oh ! ce n'est pas un bienfait directement. Il peut devenir un bienfait, un bienfaiteur, à condition que nous nous attelions à la tâche de plonger en nous-mêmes chaque fois que naît en nous ce sentiment d'agacement, de malaise ou de colère.
D'où viennent ces sentiments, sinon de nous-mêmes ? L'ennemi peut être puissant, mais il n'est pas magicien. Il n'a de pouvoir sur nos sentiments intérieurs que si nous lui cédons ce pouvoir. Il ne peut agir qu'avec nos propres forces intérieures, avec nos propres leviers.
Aimer son ennemi, ce n'est pas aimer ce qu'il nous fait — cela serait intolérable — mais c'est réaliser qu'à son insu, il nous fait le cadeau de pouvoir observer en nous-mêmes ce qui nous emporte vers l'agacement, le malaise ou la colère.
Aimer son ennemi est donc une école, l'école du devenir et de la croissance de l'être. Cette école du développement de l'être : "devenir les fils du Père qui est dans les cieux" est un long apprentissage, un long chemin qui demande beaucoup de force et de persévérance.
Un chemin qui demande souvent un accompagnement par quelqu'un de compétent. Un chemin sur lequel Dieu lui-même nous accompagne, avec son savoir-faire, avec son soutien et ses encouragements comme le dit mieux que moi le prophète Esaïe :

"Jamais Dieu ne faiblit, jamais il ne se lasse. Son savoir-faire est sans limite. Il redonne des forces à celui qui faiblit, il remplit de vigueur celui qui n'en peut plus. Les jeunes eux-mêmes connaissent la défaillance; même les champions trébuchent parfois. Mais ceux qui comptent sur le Seigneur reçoivent des forces nouvelles; comme des aigles ils s'élancent. Ils courent, mais sans se lasser, ils avancent, mais sans faiblir." (Es 40:28b-31).
Aimer son ennemi demande beaucoup d'humilité puisqu'il s'agit de lui reconnaître qu'il peut m'enseigner quelque chose sur moi-même. Cette humilité, le Christ nous l'a enseignée en s'abaissant jusqu'à la mort, à la mort sur la croix.
Aimer son ennemi est sûrement une utopie, un idéal, mais c'est aussi un chemin sûr pour celui qui veut gagner en être, un chemin sûr pour celui qui veut devenir le fils, la fille, de notre Père qui est dans le ciel.
Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2007

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