Galates 2
2.11.2003
La justification par la foi (I) : Dieu lui-même nous confère notre valeur.
Ga 2 : 15-16 Ga 5 : 1-6
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous vivons aujourd'hui le dimanche de la Réformation, c'est-à-dire un dimanche où nous nous souvenons de nos racines réformées, protestantes. Je pourrais revenir sur les événements historiques de 1517 lorsque Luther a voulu instituer un débat pour réformer son Eglise et la faire revenir à une plus grande pureté évangélique. Ou alors parler de l'imposition de la Réforme dans le canton de Vaud par la puissance bernoise en 1536.
Je préfère laisser de côté aujourd'hui les événements historiques pour rappeler plutôt les principes fondamentaux, les lignes de force qui sous-tendent la pensée protestante. Reste un problème, comment affirmer son protestantisme sans le faire contre le catholicisme ?
Historiquement, il est clair que le protestantisme s'est constitué et développé comme un système de pensée qui voulait transformer et remplacer le catholicisme. Alors deux remarques. Premièrement le catholicisme actuel n'est plus le catholicisme du XVIe siècle. Secondement, le protestantisme n'est pas une pensée, une confession qui a besoin d'un adversaire pour exister. Le protestantisme a une ligne de pensée qui vaut par elle-même et qui garde une grande actualité dans notre monde contemporain. Ce sont quelques aspects de cette ligne de pensée que je vais développer aujourd'hui et dimanche prochain.
Aujourd'hui, je prends comme point de départ cette phrase de l'apôtre Paul :
"nous avons cru en Jésus-Christ, afin d'être reconnus justes à cause de notre foi au Christ et non pour avoir obéi à la Loi." (Ga 2:16)
Il y a deux éléments importants dans cette phrase : "être reconnus justes à cause de notre foi" et "à cause de notre foi au Christ." Deux lignes de force de la pensée protestante : la justification par la foi seule et le salut par Jésus-Christ seul.
Que signifie aujourd'hui — dans notre monde laïc et si peu croyant — "être justifiés par la foi" ou "être reconnu juste" ? Paul opposait cela à l'obéissance à la Loi juive. Les Réformateurs opposaient cela à la vente des indulgences et aux pratiques pénitentielles.
Aujourd'hui, en quoi est-ce une bonne nouvelle que nous soyons "justifiés par la foi" alors que personne ne nous demande d'obéir à la Loi juive ou de payer notre place au paradis ? Nous avons besoin d'une traduction, de nouveaux mots pour exprimer cela. "Etre justifiés par la foi" dans le langage du Nouveau Testament signifie être considérés, avoir de la valeur aux yeux de Dieu ou des humains. Poser la question : par quoi suis-je justifié ? signifie aujourd'hui : qu'est-ce qui me donne ma valeur, mon statut, qu'est-ce qui fait que je vaux quelque chose aux yeux des autres.
Dans notre monde actuel, il y a aussi une pression à justifier de notre valeur, de notre place dans la société. N'entendons-nous pas dire que certains dans notre société "coûtent" trop chers à cause du chômage, de la dépendance ou de l'âge ?
Dans le langage d'entreprise, cela pourrait être votre patron qui vous demande : "Qu'est-ce qui justifie que vous occupiez cette place de travail ?" Traduction : est-ce que vous apportez une valeur à l'entreprise supérieure à votre salaire ? L'employé est justifié par le rendement de son travail dans l'entreprise.
Le protestantisme affirme que nous sommes justifiés par notre foi en Christ, c'est-à-dire que notre valeur ne dépend pas de notre travail (nos bonnes oeuvres) ni de nos qualités, nos capacités, nos compétences. Notre valeur repose sur Dieu seul, sur le Christ seul. C'est son regard qui nous confère notre valeur. Ce n'est pas le regard des autres qui nous donne notre valeur. Notre valeur repose en Dieu.
Vouloir acquérir notre propre valeur, c'est penser qu'il est possible d'être parfait ou au moins supérieur à tous les autres, c'est penser aussi que Dieu ne peut aimer que des êtres parfaits, ou qu'il préfère les meilleurs (meilleurs sur quels critères ??). La valeur de notre personne ne dépend pas du regard des autres (pas besoin d'être jeune et beau pour être aimé); ne dépend pas de nos réussites ou de nos échecs,, il n'y a pas de modèle à atteindre, de paliers à dépasser chaque année.
Notre seul rôle, c'est d'avoir confiance, de croire (au sens fort du terme) que notre valeur nous est bien donnée par Dieu et donnée gratuitement. Pas besoin d'entrer avec Dieu dans une relation de séduction ou de marchandage ! Pas besoin non plus d'intermédiaires entre nous et Dieu pour plaider notre cause. Ce serait un manque de confiance envers Dieu de penser qu'il ne fait pas attention à nous !
Avoir la foi, c'est penser que Dieu ne regarde pas à nos manquements (à nos péchés). Avoir la foi, c'est convertir notre façon de voir Dieu. Il n'est pas "celui qui nous attend au contour pour nous faire des reproches sur nos imperfections." Au contraire, il est celui qui nous accueille, celui qui nous accepte tels que nous sommes, celui qui nous encourage à marcher sur le difficile chemin de la vie.
Dieu n'est pas celui qui vient dans sa toute-puissance écrasante et dont nous devrions avoir peur. Il est celui qui est venu auprès de nous dans la peau du Christ crucifié, dépouillé de tout ce qui pourrait nous faire peur et nous éloigner de lui.
Voilà ce que veut dire "justifiés par la foi au Christ", justifiés par la confiance que nous mettons en la bonté extrême de Dieu envers nous, de son amour inconditionnel à notre égard. La foi s'oppose à la peur, peur d'être jugés, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas accomplir les exigences présumées de Dieu.
Sur la croix, Dieu a abandonné toute exigence à notre égard, il nous a simplement offert son amour. Il n'attend rien, sauf que nous le voyons tel qu'il est — un Dieu d'amour — et que nous lui fassions confiance en ceci : c'est lui qui nous garantit la valeur de notre être.
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Si Dieu n'a plus aucune exigence à notre égard (l'obéissance à la Loi est abandonnée) n'est-ce pas la porte ouverte à tous les laisser-aller, à la perte de tous les repères, de toute éthique ?
Pourquoi le protestantisme n'est-il pas tombé dans ce travers ? C'est ce que nous verrons dimanche prochain.
A dimanche prochain...
© Jean-Marie Thévoz, 2007