Matthieu 25
27.8.2000
Dieu fait le premier geste de la confiance
1 Jean 4 : 16-19 Mt 25 : 14-30
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Jésus aimait exprimer les réalités de son Père à travers des paraboles. De simples explications auraient pu nous faire croire que le Royaume de Dieu appartenait au domaine de ce qui se voit, de ce qui se touche, s'explique, alors qu'il est question de réalités qui sont au-delà des apparences, qui appartiennent à l'essence des choses, au domaines des relations essentielles. Cette parabole aussi essaie de nous parler de la vie essentielle, de la vie relationnelle au-delà des apparences, de la réalité des relations que Dieu entretien avec nous, avec tous les êtres humains. Qu'apprend-on de Dieu ? Qu'apprend-on de nous dans cette parabole ?
Au premier abord cette parabole nous raconte une histoire de jugement, un jugement sévère même. La sévérité du jugement contredit ce que Jésus nous dit d'habitude de l'amour du Père pour nous. Dans un premier temps, je vous propose de prendre acte qu'il y a un jugement dans cette parabole, le temps de comprendre le début de la parabole, ce qui nous éclairera finalement sur le sens de ce jugement.
Avec un groupe de catéchumènes, nous avons lu seulement la première partie de cette parabole, jusqu'au départ du maître. Puis je leur ai demandé d'imaginer et de jouer la suite de la parabole. Tous, sans exception, ont abouti à une conclusion où les serviteurs devaient rendre des comptes, et où ils étaient récompensés ou punis, selon ce qu'ils avaient fait. Le jugement est vraiment une composante humaine ! L'idée de jugement, d'appréciation de nos actes est ancrée profondément en nous. Quelqu'un doit finalement nous indiquer, pensons-nous, si nous sommes des gens biens ou si notre vie a un sens, une valeur. Et bien souvent, nous sommes les premiers a porter un jugement sur nous-mêmes et rarement de manière positive... Il y a une sorte de nécessité du texte qui conduit au jugement, comme un roman policier ne peut finir sans la découverte du meurtrier.
Revenons au travail des catéchumènes. Un des groupes ne connaissait pas du tout, préalablement, cette parabole et il a inventé un fin très instructive pour nous : Un premier serviteur garde la somme précieusement et se fait féliciter au retour du maître. Les deux autres se servent des biens remis pour faire des affaires et s'enrichir. Ils se font sévèrement réprimander pour avoir osé utiliser des biens qui ne leur appartenaient pas mais leur était seulement prêté.
Voilà qui met en lumière un aspect de la parabole qui manifeste des visions tout à fait différentes du maître de la parabole : Le maître des catéchumènes a peur du risque, il ne fait pas confiance dans ses serviteurs. A l'opposé le maître que nous décrit Jésus fait confiance, il remet tout son capital à ses serviteurs en leur laissant toute liberté d'agir. Le maître leur donne le libre choix, ce qu'on appelle le libre arbitre. En cela, il les élève du rang de serviteur, d'esclave au rang d'hommes libres et responsables. Cette élévation de l'être humain à la liberté et à la responsabilité n'est pas le résultat de leur travail, mais un préalable que Dieu pose. Dieu fait le premier le geste de la confiance en associant les humains à ses affaires, plus encore, en leur confiant tout et en se retirant, pour leur laisser les mains libres.
La parabole ose dire que le maître se retire pour laisser les humains libres. Lorsque des parents veulent apprendre à leur enfant à faire du vélo, il y a un moment où il faut enlever les petites roues et lâcher l'enfant, lui faire confiance. Sans cela, il n'apprendra jamais.
L'avenir du monde est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié. La conduite de nos vies est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié. La responsabilité de notre famille, de nos affaires, de notre paroisse est entre nos mains, parce que Dieu nous l'a confié. A partir de là, nous avons à choisir notre propre attitude : Allons-nous vivre dans la confiance en la bonté de ce mandat ou allons-nous vivre dans la crainte, dans la peur de se tromper, de ne pas être à la hauteur, d'être jugé ?
Si nous remontions à la racine de chacune de nos décisions dans notre vie, que trouverions-nous ? La confiance en la bonté de Dieu et en la beauté de la vie, ou la peur de la perte, du risque, de la punition ou de l'échec ?
Le troisième serviteur a choisi cette voie de la peur du risque et de l'échec, parce qu'il voyait en Dieu un être dur, qui juge et qui condamne. Cette peur le paralyse. En enterrant son talent il nie la confiance du maître en lui. Il fait de son présent un temps vain et inutile jusqu'au retour du maître. En gelant son avoir, ce serviteur tue l'espoir que son maître plaçait en lui. L'attente anxieuse des comptes, du jugement entraîne le serviteur à se dérober à sa vocation. C'est à cette mentalité — agir sans risque et donc sans faute pour être en ordre avec celui qu'on craint — c'est à cette mentalité que Jésus s'en prend. Celui qui a peur du jugement alors que le Seigneur place en lui toute sa confiance n'est pas digne d'entrer dans le Royaume.
Ainsi, malgré sa fin en forme de jugement, cette parabole ne cherche pas à créer une terreur du jugement pour obtenir quelque chose de nous. Au contraire elle est une invitation à laisser tomber sa peur du jugement, sa crainte de Dieu pour s'ouvrir à la liberté offerte, une invitation à recevoir pleinement la confiance qui est placée en nous.
En effet, la crainte du troisième serviteur constitue l'opposé de ce que Dieu veut créer en nous, comme nous le rappelle l'épître de Jean : ''L'amour parfait exclut la crainte. Ainsi, l'amour n'est pas parfait chez celui qui a de la crainte, car la crainte est en rapport avec une punition" (1 Jean 4:18).
Celui qui choisit — dans sa vie actuelle — de vivre dans la peur se place lui-même dans des conditions de vie qui ressemblent à un enfer.
Celui qui choisit la confiance et vit d'elle est déjà entré — dans sa vie actuelle — dans la joie de Dieu.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2007