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Marc 6. Laisser des restes… pour quoi ?

Marc 6 12.10.2008
Laisser des restes… pour quoi ?
Jn 15 : 12-17 Mc 6 : 30-44

— Mais que vont-ils faire de tous ces restes ? Vous pensez… douze corbeilles de pain et de poisson ! Tout ce poisson et sans frigo, quelle folie…
Bon, là, je mets le projecteur sur un verset du texte et je pars à la dérive. C'est juste pour montrer qu'à se focaliser sur une seule chose dans un récit, on risque de passer à côté de sa richesse. C'est souvent le cas avec les récits de miracle des évangiles. On se dit : ce n'est pas possible, ce n'est pas croyable, et on jette le bébé avec l'eau du bain.
C'est vrai que cette multiplication des pains, ce n'est pas croyable. Mais le corps du texte nous dit aussi d'autres choses. Et je pense que l'incroyable de ce récit n'est pas dans la multiplication des pains. Partons à la recherche de ces autres choses !
D'abord le début du texte : les disciples sont de retour de mission. Jésus les avait envoyés deux par deux dans les villages pour prêcher et pour guérir. Et les disciples ont des tas de choses à raconter à Jésus. Mais les disciples ne ramènent pas que des souvenirs ou des expériences. Les gens les ont suivis, au point que les disciples n'ont pas le temps, ni l'espace de manger un morceau, de8 récupérer. Jésus est soucieux de leur fatigue et de leur faim. Il est compréhensif envers nos limitations humaines. Les disciples ont besoin de reprendre des forces, alors il les invite à se mettre à l'écart dans un endroit désert. Ils prennent leur barque pour aller accoster plus loin. Mais les gens les suivent et les précèdent sur la côte. Pas moyen de se débarrasser de la foule qui les suit. Alors Jésus met ses disciples en retrait et prend soin de la foule en enseignant.
Car Jésus est aussi préoccupé par cette foule : "Jésus vit cette grande foule; son cœur fut rempli de pitié pour ces gens, parce qu'ils ressemblaient à un troupeau qui n'a pas de berger." (Mc 6:34)
A la fin de la journée des disciples reviennent vers Jésus. Ce sont eux qui ont du souci, maintenant. Que va manger cette foule ? Jésus devrait la renvoyer. Les disciples se sentent démunis, débordés, ils pensent ne rien pouvoir faire. Mais ils ont le bon réflexe : ils en appellent à Jésus.
Là, l'intervention de Jésus est intéressante : il leur remet les pieds sur terre : revenez à la réalité, faites le compte de ce qui est disponible, allez compter la nourriture. Jésus leur restitue les capacités qu'ils avaient, mais qu'ils avaient oubliées, laissées de côté. Ils font le compte de leurs moyens : cinq pains et deux poissons. Ce n'est pas beaucoup, mais ce n'est pas rien non plus. C'est de ce "peu" que Jésus va partir. C'est à partir de ce que nous avons que Jésus va faire quelque chose et des grandes choses. C'est à partir de ce que nous avons et de ce que nous sommes que Jésus agit.
Il met les disciples au travail, il les fait rassembler ce qui est disponible, placer les gens en groupe, organiser la distribution. Là, il est remarquable d'écouter des mots que l'Evangéliste Marc utilise :
"Jésus pris les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux vers le ciel et remercia Dieu. Il rompit les pains et les donna aux disciples pour qu'ils les distribuent aux gens." (Mc 6:41)
Ce sont les mots du dernier repas de Jésus, la sainte cène. C'est là qu'on voit que ces disciples et cette foule rassemblée autour de Jésus représentent l'Eglise, le peuple de Dieu. Les douze corbeilles de restes font aussi allusion aux douze tribus d'Israël, le peuple de Dieu.
Le miracle dans ce récit n'est pas tellement la multiplication des pains — encore qu'elle a son importance — mais le rassemblement de tant de gens autour de Jésus. En ce temps-là, on ne partageait pas son repas avec n'importe qui. Dans la société juive, il y avait des rites de purification à accomplir avant de manger et l'on risquait de se souiller si l'on mangeait avec quelqu'un d'impur. Ici, tout le monde est assis sur l'herbe verte, par groupes de 50 ou 100 personnes et l'on mange le même pain et le même poisson.
Premier miracle : on peut manger tous ensemble, tous à la même table et c'est aussi ce que Jésus a voulu pour son dernier repas, la sainte cène où même Judas a participé. Un seul peuple rassemblé autour de Jésus, devant Dieu.
Deuxième miracle, ce sont les disciples eux-mêmes. Ils étaient en souci, débordés par la foule. Et Jésus leur rend leurs capacités, il les met au travail, à partir du "peu de moyens" dont ils disposent, et ils y arrivent. Jésus n'attend pas des supermen ou des wonderwomen, l'Eglise accueille chacun avec le peu qu'il a, mis ensemble, cela fait beaucoup, cela fait plus qu'on ne le pensait au départ.
Troisième miracle, le pain qui a nourrit la foule est aussi bien l'enseignement de Jésus "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aime" (Jn 15:12) que sa présence, sa vie donnée sur la croix. De quoi avons-nous faim avant tout dans la vie, si ce n'est d'amour, de reconnaissance, d'acceptation, d'appartenance ? De cela, Jésus nous nourrit en abondance.
Alors, ces restes, ces douze corbeilles de restes, qu'allons-nous en faire, maintenant que nous savons que ce n'est pas une nourriture périssable ?
Ces restes nous disent qu'il y a encore abondance de nourriture pour ceux qui ne sont pas venus, pour ceux qui sont restés dehors. Que va-t-on faire de ces restes ?
Comme disciples, comme membres de l'Eglise de Jésus, nous pouvons apporter cette nourriture à tous ceux qui ont faim, qui restent sur leur faim dans un monde qui aiguise l'appétit, le désir et l'envie — mais qui ne nourrit pas, ne comble pas.
Le monde n'a pas besoin de consommer plus, il a besoin d'être aimé plus. C'est ce que Jésus nous donne et nous donne en abondance.
Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2008

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