Jean 21
10.5.2009
Etre conduit par le Christ.
Jn 1 : 35-43 Jn 21 : 15-19
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Avec ce dialogue entre Jésus et Pierre, nous arrivons au dernier épisode de l'Evangile de Jean, au dernier entretien de Jésus avec ses disciples. Ce dialogue se déroule juste après la pêche abondante et le repas partagé avec l'inconnu qui se révèle être Jésus sur la grève du lac de Galilée. Avant de quitter ses disciples pour retourner vers son Père à l'Ascension, Jésus doit encore affermir ses disciples pour qu'ils puissent accomplir leur mission.
Dans ce dialogue, Pierre est le représentant de tous les croyants. Jésus ne parle pas seulement à Pierre, il nous parle à nous aussi il parle à toute l'humanité. Jésus pose trois fois la même question : "Pierre, m'aimes-tu ?" (Jn 21:15-17) Toi, mon disciple, m'aimes-tu ? Pourquoi une telle insistance ?
Une première réponse concerne Pierre personnellement. Par trois fois, il a renié Jésus avant sa Passion. Faire dire à Pierre, par trois fois, qu'il aime son Seigneur, est une façon d'effacer le reniement, de passer plus loin, d'accepter le pardon reçu et la force de dépasser la faute. Ainsi, par trois fois, Jésus répète "Fais paître mes brebis." Une façon pour Jésus de redire, trois fois aussi, à Pierre qu'il lui fait confiance, il peut accomplir sa tâche, sa mission.
Une autre réponse à cette insistance émerge si nous considérons que cette question nous est posée à nous. Vous connaissez l'énigme antique que le sphinx pose à Œdipe : "Qu'est-ce qui a quatre pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ?" C'est l'être humain dans les trois périodes de sa vie : petit enfant il marche à quatre pattes, adulte il est sur ses deux pieds et vieillard, il marche avec une canne.
Nous passons tous par ces trois stades de la vie et Jésus nous repose la question "m'aimes-tu ?" à ces différents âges. Notre foi d'enfant n'est pas la même que notre foi d'adulte. Elle doit grandir, évoluer. Elle change selon les circonstances et les épreuves que nous traversons. elle doit encore s'adapter, évoluer quand nous entrons dans les soucis de l'âge et les problèmes de santé qui en découlent.
A chacun de ces passages, Jésus nous redemande : "m'aimes-tu ?" et renouvelle notre ordre de mission. "Prends soin de ceux qui te sont confiés." Et notre mission n'est pas forcément la même à tout âge, comme jeunes avec nos camarades, comme adultes avec nos enfants ou nos collègues, comme retraités avec nos petits-enfants ou nos contemporains.
Jésus nous suit dans la vie, il nous accompagne et renouvelle sa présence auprès de nous, son amour. Il nous demande aussi de nouvelles choses. C'est comme cela que je comprends la fin du dialogue entre Jésus et Pierre. C'est un échange énigmatique que je vous relis : "Je te le déclare, dit Jésus, c'est la vérité : quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les bras, un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudras pas aller." (Jn 21:18)
Jésus dit à Pierre : dans ta jeunesse, tu t'habillais toi-même et tu choisissais où tu voulais aller, mais maintenant ou bientôt, quelqu'un d'autre t'habillera et te conduira là où tu n'as pas choisi d'aller. Je vois trois interprétations possibles :
• soit le fait d'être servi : quelqu'un te tendra tes habits et te servira de chauffeur,
• soit l'entrée dans la dépendance : quelqu'un t'habillera, te nourrira, te conduira par la main,
• soit, finalement : tu ne seras plus libre de tes mouvements, mais emprisonné, ceinturé, et l'on te conduira au lieu de ton martyre. C'est comme cela que la tradition l'a interprété, parce que l'histoire l'a confirmé.
Mais qu'est-ce que cela peut nous dire à nous, si Pierre est vraiment la figure de tous les croyants ? Je crois qu'on peut y lire notre destinée à tous. Dans un premier temps de notre existence — lorsque nous ne connaissons pas Jésus ou que nous ne le suivons pas — nous suivons notre première nature, celle d'être pécheurs. Nous faisons ce que nous voulons, nous allons là où nous voulons, c'est-à-dire là où notre nature égoïste nous dirige. Comme Adam et Eve, nous nous habillons nous-mêmes — de feuilles de figuier (Gn 3:7). Nous suivons notre propre volonté, celle qui a été troublée par le serpent.
Mais lorsque nous nous laissons trouver par le Christ, lorsque nous nous laissons remplir par son amour, c'est lui qui nous habille d'un nouveau vêtement, le vêtement de noce (Mt 22:12), la robe de fête du Royaume de Dieu et nous nous laissons guider, conduire par lui.
Et lorsque nous remettons la conduite de notre vie à Jésus, il nous conduit selon sa volonté, là où il le veut. Nous n'allons plus là où notre première nature voulait aller, nous suivons la voie du Christ.
Jean-Baptiste, en voyant Jésus pour la première fois, a dit : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." (Jn 1:29) Jésus, par son amour, ôte notre péché pour nous revêtir de la robe du Royaume, ce qui nous permet de répondre à son appel : "Toi, suis-moi !" (Jn 1:43; 21:19) Ce qui nous permet de répondre à sa mission : "Fais paître mes brebis !"
Dans chacune des périodes de nos vies, Jésus renouvelle sa question : "m'aimes-tu ?" A chaque période de nos vies, nous avons à répondre à l'appel de Jésus, en quittant notre première nature pour nous laisser guider par sa volonté. Lui répondons-nous — aujourd'hui comme hier — "Toi qui connais tout, tu sais bien que je t'aime !" ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2009