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Jean 1. "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

7.3.2010

"Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde."

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Esaïe 53 : 1-8, Apoc 7 : 9-12, Jn 1 : 23-29

Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Le temps du Carême, temps de la Passion, est propice pour se redemander comment comprendre la mort annoncée de Jésus. Comment comprendre le parcours de Jésus, y compris sa mort ? Les évangiles et les lettres du Nouveau Testament nous proposent plusieurs interprétations, nous exposent plusieurs significations.

L'évangéliste Jean nous propose de voir Jésus comme l'agneau de Dieu. Ce sont les mots qu'il met dans la bouche de Jean Baptiste : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29). Dans le récit de la Passion, l'évangéliste Jean associe la mort de Jésus au sacrifice de l'agneau de l'Exode. Enfin, l'Agneau est très présent dans l'Apocalypse, il règne en souverain auprès de Dieu.

Dire de Jésus qu'il est l'agneau de Dieu permet de donner sens à la mort tragique de Jésus et permet de montrer comment la mort de Jésus ouvre au salut, offre une bénédiction à tous les humains.

A. Dire que Jésus est l'agneau de Dieu, c'est associer Jésus à la Pâque juive, c'est faire un transfert de signification de l'un à l'autre. L'agneau pascal de la fête juive, c'est le rappel de l'Exode : un peuple en servitude va être libéré. Des êtres menacés de mort vont être sauvés. Le sang de l'agneau doit être badigeonné sur les montants et le linteau de la porte de la maison pour que la Mort passe son chemin.

L'agneau doit être mangé — en famille — pour prendre des forces avant un voyage long et difficile qui doit mener en terre promise. Le sang et la chair de l'agneau donnent la vie, comme le corps et le sang du Christ consommés dans la Cène.

Dans la fête de la Pâque, Dieu est encore en vis-à-vis des humains — en face, de l'autre côté de la barrière, à l'extérieur — mais il offre, à travers l'agneau, un moyen de protection, un élément protecteur.

B. Lorsque Jean Baptiste dit de l'agneau de Dieu qu'il ôte le péché du monde, il fait référence aux poèmes du Serviteur souffrant qu'on trouve chez le prophète Esaïe : "Le serviteur a grandi comme une simple pousse, il était celui qu'on dédaigne, la victime, le souffre-douleur. Or il supportait le malheur qui aurait dû nous atteindre. Il a subi notre punition et nous sommes acquittés. Il s'est laissé maltraiter comme un agneau qu'on mène à l'abattoir." (Es 53:1-8 extraits).

Le serviteur, l'agneau, est celui qui accepte de souffrir avec, qui souffre du malheur des autres, qui compatit. Même plus, il porte la douleur des autres, il accepte de se substituer aux autres. Il renonce à la force, à son droit, à la puissance. Il est celui qui chemine avec ceux qui souffrent, qui les accompagne sur leur chemin de douleur. Parfois il est celui qui se sacrifie pour leur éviter du mal. Combien de fois, comme parents, nous voudrions assumer ce rôle pour nos enfants, leur éviter les tourments et les malheurs. Nous pouvons les accompagner, être avec eux, plus rarement nous substituer.

Jésus — comme l'agneau de Dieu — n'est plus dans le vis-à-vis, il est dans le compagnonnage, dans l'être-avec; Emmanuel, Dieu avec nous. Il chemine à nos côtés, nous accompagne et nous porte, sans que cela ne nous évite les écueils de la route. Mais nous ne sommes plus seuls sur notre chemin.

Sur notre chemin terrestre, Jésus est à nos côtés; vers notre chemin céleste, Jésus se substitue à nous, il a endossé le poids de nos fautes et obtient pour nous l'acquittement pour tout ce qui nous accable et nous culpabilise.

Pour nous suivre sur notre route terrestre, Jésus a renoncé à toute puissance divine, il a accepté notre impuissance humaine à changer les choses, à éviter le malheur et la mort. C'est en cela qu'il est un agneau et non un lion.

C. Alors, il est bizarre de lire que l'Agneau de l'Apocalypse règne à la droite de Dieu et l'emporte sur tous les adversaires des humains ! Oui, dans l'Apocalypse, l'Agneau est un souverain, un juge qui réhabilite les victimes dans leur position, un maître qui efface les larmes et établit une terre nouvelle.

Je crois qu'il y a, là, la révélation (c'est le sens du terme "Apocalypse" — en anglais ce livre s'appelle Revelation) d'un processus que nous pouvons aussi expérimenter. Jésus, comme agneau de Dieu, accepte l'impuissance de la condition humaine : nous pouvons certes faire beaucoup de choses, mais nous sommes impuissants à faire quoi que ce soit contre le malheur, le deuil, la mort. Nous sommes impuissants, nous n'avons pas de baguette magique.

Mais si nous reconnaissons cette impuissance, si nous reconnaissons que nous ne pouvons rien faire, nous pouvons entrer dans une autre dimension, — quitter le pouvoir du faire quelque chose — pour entrer dans la dimension de l'être, de l'être avec les autres. Nous pouvons quitter l'illusion de la puissance pour accepter que nous ne pouvons qu'être-là, auprès de, à côté de, dans l'empathie, dans la compassion, dans l'accompagnement. Deux êtres qui partagent une même présence, une même souffrance.

Je vous donne un exemple très concret. Il y a quelques années, la Gendarmerie vaudoise a réalisé que lorsqu'elle doit gérer un décès tragique, elle sait faire un tas de chose : sécuriser la place, appeler les secours, annoncer le décès. Mais une fois qu'il n'y a plus rien à faire et que le gendarme se retrouve face à quelqu'un qui pleure, il se sent impuissant. Alors la Gendarmerie a demandé de pouvoir passer le relais à un service des Eglises : l'assistance spirituelle d'urgence.

Quand il n'y a plus rien à faire, il y a encore quelque chose qu'on peut faire : simplement être-là et accompagner la douleur, la souffrance du cœur. Simplement être en communion, en communion d'humanité.

L'agneau de Dieu accepte cette impuissance pour réinvestir la puissance de l'être, l'être-là, l'être avec, l'être en communion. Reconnaître son impuissance à faire quelque chose, c'est se donner la possibilité de retrouver cette autre puissance, cette autre richesse que Dieu a placé au plus profond de chacun d'entre nous : être humain.

L'agneau de Dieu nous précède, nous accompagne sur ce chemin-là.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2010

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