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Actes 15. Quelle exigence minimale pour de déclarer chrétien ?

22.8.2010

Actes 15

Quelle exigence minimale pour de déclarer chrétien ?

Actes 15 : 1-12,    Actes 15 : 22-31

Télécharger la prédication P-2010-8-22.pdf

Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Ce récit d'Actes 15 nous montre la dernière apparition du personnage de Pierre dans le livre des Actes. Il est dans la position de chef de l'Eglise de Jérusalem, au côté de Jacques, le frère de Jésus. C'est lui qui doit trancher un conflit survenu dans l'Eglise d'Antioche de Syrie (aujourd'hui Antakya en Turquie). Ce conflit survient à la suite de prédications contradictoires faites à Antioche.

Paul et Barnabbas ont développé l'Eglise d'Antioche, d'abord auprès des juifs, puis auprès des païens. Paul ne demande pas aux chrétiens d'origine païenne de suivre la Loi de Moïse comme le pratiquent les chrétiens issus du judaïsme. Mais voilà que d'autres évangélistes arrivent, qui exigent que les païens qui entrent dans l'Eglise se fassent circoncire et obéissent à l'entier de la Loi.

On voit donc qu'il y a deux tendances dans la première Eglise. D'un côté — et principalement à Jérusalem et en Judée — une Eglise majoritairement juive qui a reconnu en Jésus le Messie, mais qui continuent à pratiquer la Torah. De l'autre côté — en Samarie, à Césarée et de plus en plus loin, en Syrie à Antioche et dans toute l'Asie mineure — des Eglises où les païens deviennent majoritaires.

La question qui se pose est de savoir si les chrétiens doivent aussi devenir juifs et pratiquer la Torah (Ac 15:5) ou s'ils peuvent être dispensés de ce fardeau trop lourd à porter (Ac 15:10).

Je rappelle que l'universalité de l'entrée dans l'Eglise est acquise depuis l'épisode de Pierre avec Corneille (Ac 10—11, voir prédication du 15.8.2010). Les apôtres de Jérusalem ont accepté que les "païens" avaient accès, comme les juifs, à Jésus-Christ.

La nouvelle question est plutôt de savoir : "Quelle pratique doit-on avoir à l'intérieur de l'Eglise ?" Les chrétiens issus des rangs des pharisiens veulent garder une stricte obéissance à la Loi de Moïse [il est intéressant de noter que des pharisiens ont adhéré au christianisme naissant, les Evangiles nous les présentent plutôt en bloc comme des endurcis imperméables à Jésus]. Les prédicateurs arrivés après coup à Antioche devaient venir de ces milieux-là. La prédication de Paul affirme, par contre, que la Loi de Moïse peut être mise de côté puisque c'est la foi et non l'obéissance qui crée le lien à Dieu.

L'affaire est donc remontée jusqu'à Jérusalem et les apôtres doivent prendre une décision. C'est Pierre qui s'exprime en leur nom. Il va faire un compromis. Mais il ne fait pas un compromis sur la doctrine, il fait un compromis en faveur de bonnes relations.

En effet, Pierre rappelle la doctrine, c'est-à-dire le noyau de la foi chrétienne : Dieu ne fait pas de différences entre les personnes, entre nous et les autres. Il donne son Saint-Esprit à tous. "Nous sommes tous sauvés par la grâce du Seigneur Jésus" (v 11) dit-il. Sur ce noyau, pas de compromis.

Cependant, les frères vont écrire une lettre avec trois exigences pour les chrétiens d'origine païenne : Abstenez-vous de l'idolâtrie, du sang et de la débauche. Quel est le statut de ces trois exigences ?

Clairement, d'après ce que nous avons vu, ce n'est pas une condition pour entrer dans l'Eglise. L'Eglise est ouverte à tous, quel que soit son origine. Ce n'est pas non plus une condition de salut, puisque Pierre reconnaît et affirme que le salut vient de la grâce et non de l'obéissance. Alors qu'est-ce ?

C'est un compromis pour maintenir la communion entre chrétiens juifs et chrétiens païens. Ce sont les égards demandés aux pagano-chrétiens pour que les judéo-chrétiens se sentent respectés. Sans ces égards, ils se sentiraient souillés, contaminés et ne pourraient pas partager la même table et surtout la table de communion.

Ces trois exigences appartiennent aux lois rituelles du Lévitique et peuvent être assimilées aux exigences demandées aux étrangers qui habitent le pays d'Israël dans le Lévitique. C'est le minimum que les juifs doivent exiger des païens pour être à l'aise. Et c'est le maximum qu'on peut demander aux païens d'accepter pour ne pas se couper des juifs. C'est également une façon de marquer sa différence, sa singularité par rapport à l'extérieur de l'Eglise, c'est un signe distinctif qui rend la foi visible.

Ainsi, Pierre, avec Paul, maintient que la ritualité, les prescriptions religieuses, sacrificielles, de la Loi de Moïse ne donnent aucun accès à Dieu. Mais il maintient un minimum, ces trois exigences, parce que la cohésion de l'Eglise, son unité et sa visibilité sont primordiales. Nous devons avoir des égards les uns pour les autres, quelle que soit notre origine et notre foi doit être visible.

L'histoire — y compris les manuscrits successifs de cette lettre de Jérusalem — va montrer que ces trois interdits rituels vont perdre de leur importante au fil du temps, jusqu'à être remplacés (dans quelques manuscrits) par la règle d'Or : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse."

Ce glissement du rituel vers l'éthique s'explique par la diminution au fil du tmeps du nombre de chrétiens d'origine juive dans l'Eglise et finalement par la rupture totale avec la Synagogue. Finalement, Paul l'a emporté sur Jacques et même sur Pierre et son compromis. En effet, Paul ira jusqu'à dire qu'on peut consommer des viandes sacrifiées aux idoles, que cela n'a aucune importance, les idoles n'étant rien (1 Co 8:4). Mais il conserve toute fois une limite, celle de ne pas scandaliser les plus petits d'entre les frères (1 Co 8:9).

Alors, on peut se poser la même question aujourd'hui : quel est le minimum de pratique aujourd'hui pour pouvoir se dire chrétien ? Y a-t-il un minimum éthique — ou rituel — pour se définir comme chrétien ?

La grande force de Paul a été d'abolir toute ritualité dans la quête du salut — au profit d'une liberté totale vis-à-vis du monde. La seule limite étant — à l'image du décret de Pierre — l'égard qu'on doit aux plus petits de nos frères, pour ne pas les choquer par notre exercice de la liberté.

La grande faiblesse de cette position, c'est la perte totale de visibilité des chrétiens pauliniens; aujourd'hui de nos Eglises protestantes, dans le monde. Le protestantisme d'aujourd'hui passe totalement inaperçu !

Nous ne portons pas de signes distinctifs, pas d'habits particuliers. Nous n'accomplissons pas de rituels visibles, nous ne jeûnons pas de manière ostensible, nous n'avons pas de pèlerinages qui rassemblent les foules et attirent la télévision.

Pourtant l'entier du monde occidental a adopté cette pratique de la liberté. Grand paradoxe de notre époque ou presque plus personne ne se déclare chrétien pratiquant, mais où l'occident a intégré au plus profond de soi la pensée paulinienne.

Alors je vous laisse avec la grande question : Comment être Eglise dans ce monde-là ?

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2010

 

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