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1 Timothée 2. Face au politique, l'Eglise est appelée à la bienveillance et à la critique

 

19.9.2010 - Jeûne fédéral

Face au politique, l'Eglise est appelée à la bienveillance et à la critique

télécharger la prédication : P-2010-9-19.pdf

Amos 8 : 4-7;  Marc 9 : 33-35;  1 Timothée 2 : 1-5

Chères paroissiennes, chers paroissiens,

Par un arrêté du Conseil d'Etat du Canton de Vaud, nos autorités ont ordonné qu'un "jour de prière et d'actions de grâces soit célébré dans tout le Canton de Vaud le dimanche 19 septembre 2010." C'est notre Jeûne fédéral, institué par la Haute-Diète en 1832.

A cette occasion, le Conseil d'Etat demande aux officiants de ce dimanche de mener "une réflexion spirituelle centrée sur les affaires publiques." Ce que nous avons lu dans la lettre à Timothée exprime bien l'état d'esprit d'un jour de Jeûne fédéral :

"En tout premier lieu, je recommande que l'on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. Il faut prier pour les rois et tous ceux qui détiennent l'autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu." (1 Tim 2:1-2).

Des prières de demandes, des prières de remerciements et des prières pour nos autorités. Voilà qui convient pour aujourd'hui.

J'aimerais même mener une réflexion sur la relation du christianisme avec le politique. Je ne vais pas refaire l'histoire des 2'000 ans de christianisme. La Réforme a cherché à revenir aux racines bibliques et évangéliques. En tant que groupe minoritaire et sans puissance étatique (la plupart du temps), les églises protestantes ont adopté une position d'interlocuteur bienveillant et critique face aux pouvoirs.

C'est une attitude qui met en tension deux valeurs opposées. D'un côté, nous considérons que l'Ecriture et les Evangiles considèrent positivement l'Etat, le pouvoir, les dirigeants — Calvin disait le magistrat. Les autorités politiques sont instituées par Dieu lui-même, elles ont une légitimité propre. Il y a là un souci de maintient de l'ordre, d'organisation de la société qui permette aux individus de vivre en paix et en sécurité. Dans ce sens l'Evangile est plus légitimiste qu'anarchiste. C'est la bienveillance ou la confiance de principe que les protestants accordent à l'autorité.

Mais si l'origine divine du pouvoir est reconnue (voir aussi Rm 13), de l'autre côté, le protestantisme fait aussi l'expérience de la présence permanente du péché chez tout être humain et dans la société. Comme le pouvoir est exercé par des humains, il peut donc dériver, dévier, être détourné de sa finalité ou être corrompu. D'où le contre balancier critique nécessaire. Si Dieu donne le pouvoir à certains, il ne leur donne pas carte blanche, mais une mission qui est contenue et limitée par la loi. La politique doit répondre à des critères de justice, de respect des personnes et de participation. Bienveillance et critique sont les deux attitudes auxquelles l'Evangile appelle l'Eglise face au politique.

J'ai eu l'honneur et la chance de pouvoir m'adresser à la classe politique de ce Canton lors de l'accueil de Mme Claudine Wyssa à Bussigny à l'occasion de son élection à la présidence du Grand Conseil. Dans ces circonstances, j'ai rappelé ce que notre système politique doit à l'Evangile. Je vais reprendre pour vous les deux valeurs de l'Evangile que j'ai exprimées à ce moment-là et en ajouter une troisième qui a son importance.

Dans ce discours, je disais : "La pensée de Jésus a façonné notre monde occidental, les certitudes de Jésus ont structuré nos plus importantes valeurs politiques.

Par ses rencontres personnelles, Jésus n’a évité personne — touchant le lépreux ou la prostituée, relevant le malade ou le handicapé, parlant avec la Samaritaine ou l’officier Romain — il a été à la rencontre de tous, sans distinction, alors qu’il vivait dans un monde communautariste qui craignait l’impureté plus que nous la grippe H1N1 l’automne dernier.

Jésus vivait aussi librement parce qu’il était fort d’une première certitude, la certitude absolue de l’égale valeur de tous les humains sous le regard de Dieu. Après lui, nous avons inscrit l’égalité de tous dans notre Constitution et notre droit. Il reste encore bien des progrès à faire, mais au moins, le principe est acquis que les femmes peuvent occuper toutes les fonctions dans la société.

La seconde certitude que Jésus avait, c’est que la grandeur d’une personne se mesure à sa capacité de se mettre au service des autres. Mot à mot Jésus disait : « que celui qui veut être le premier, soit le dernier et le serviteur de tous. » (Mc 9 :35). Dans ce sens je souhaite une plus grande participation de tous à la « chose publique » (la « res publica » comme l’appellent les latinistes).  Que ce soit une participation dans une Association, un Conseil paroissial, un Conseil communal ou un parti politique, toute participation est un service important rendu à la société.

Dans un temps où le chacun pour soi est à la mode, et où l’épanouissement personnel l’emporte sur le service, il est bon de se souvenir que le service et l’altruisme sont sources d’enrichissement personnel et de joie. C’est le service qui révèle la grandeur d’une vie."

Ce matin, j'aimerais encore ajouter la valeur de la justice, celle que les prophètes de l'Ancien Testament nous rappellent constamment. Ces prophètes se dressent — au nom de Dieu — contre l'exploitation du faible par le fort, contre l'oppression par la force, qu'elle soit militaire ou économique.

Ces trois valeurs : l'égalité de tous, le service et la justice, sont à l'origine des trois pouvoirs de nos démocraties : le pouvoir législatif qui repose sur l'égalité de tous et sur la représentativité des élus du peuple, le pouvoir exécutif qui est au service de la population et non au service de ses propres intérêts (qui est la signature des dictatures) et le pouvoir judiciaire qui doit être libre et indépendant pour rendre la justice.

La plupart d'entre nous n'exerce son pouvoir politique que par ses bulletins de vote, mais nous pouvons retrouver ces trois valeurs et ces trois instances au travail ou dans la famille en exerçant l'écoute autour de nous, le service et en exerçant l'équité dans nos décisions.

En réponse à l'apôtre qui écrit à Timothée, nous pouvons demander à Dieu de renforcer en nous ces trois valeurs afin que nous sachions les vivre dans notre vie quotidienne. Nous pouvons prier avec reconnaissance pour remercier Dieu de tous les bienfaits qu'il nous donne et prier pour nos autorités, afin qu'elles maintiennent la paix, la liberté, la sécurité et le soutien aux personnes les plus faibles de notre société.

Amen

© Jean-Marie Thévoz, 2010

 

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