12.9.2010
Ps 114
Un Dieu bouleversant qui nous invite au changement.
Nombres 20 : 1-11, Josué 3 : 14-17
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Hier, un groupe de paroissiens et paroissiennes ont visité les églises de Moncherand et Romainmôtier et cheminé sur les 12 km qui les séparent en méditant sur quelques aspects de la Règle de St-Benoît. Cette Règle monastique est celle qui dirige la vie des moines clunisiens dont dépendaient ces deux églises. Une part importante de la vie des moines est la louange et particulièrement la louange des Psaumes. L'entier du psautier était prié ou chanté chaque semaine.
Dans notre protestantisme actuel, nous avons perdu cette lecture régulière des Psaumes et, souvent, ils nous apparaissent difficiles à comprendre. Aujourd'hui, je vous propose d'entrer en dans la méditation du Psaume 114. C'est un psaume court, de louange, qui rappelle par de brèves allusions quelques pages centrales de l'histoire du peuple d'Israël.
1 Quand le peuple d'Israël sorti d'Egypte,
quand les descendants de Jacob quittèrent ce peuple au parler étrange,
2 Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine.
3 En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourna en arrière.
4 Les montagnes firent des bonds de bélier et les collines des sauts de cabri.
5 Mer, qu'as-tu ainsi à t'enfuir, et toi Jourdain, à retourner en arrière,
6 vous, montagnes, à faire des bonds de bélier, et vous, collines, des sauts de cabri ?
7 Terre, sois bouleversée devant le Seigneur, devant le Dieu de Jacob,
8 lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante.
Ce psaume est un témoignage, il s'adresse à la terre entière, à tous ses habitants. Il veut nous dire à quel point le Dieu de Jacob est un Dieu bouleversant ! Un Dieu qui appelle tous les êtres humains à la vie, à la vraie vie.
Mais d'abord, pour y lire ce message, il est nécessaire de décrypter et d'étoffer le texte que nous lisons. Le psaume commence en parlant de la sortie d'Egypte, là tout le monde sait de quoi il s'agit, c'est la thématique centrale de l'Exode et de la foi d'Israël. Dieu a libéré son peuple en le sortant d'un lieu de misère et d'esclavage.
Mais le psaume ajoute que cette sortie a été le commencement d'une transformation intérieure : A partir de là "Juda devint le sanctuaire du Seigneur et Israël son domaine." (Ps 114:2) Au lieu d'habiter un lieu, une ville ou un temple, Dieu habite un peuple, le peuple devient son sanctuaire ! Dieu ne veut plus être connu comme un Dieu extérieur, lointain, distant, mais comme un Dieu proche, intérieur.
La force de Dieu habite le peuple lui-même et cette force lui permet de franchir tous les obstacles, en effet, la suite dit : "En les voyant la mer s'enfuit, le Jourdain retourne en arrière." (Ps 114:3) La mer qui s'enfuit rappelle la traversée de la Mer des Roseaux avec Moïse qui marque l'entrée dans le désert et le Jourdain qui retourne en arrière rappelle l'épisode que vous avez entendu (Jos 3) de l'entrée dans la Terre promise avec Josué.
Deux passages au travers des eaux encadrent le long séjour dans le désert, qui a été un temps d'épreuves mais pendant lequel les bénédictions n'ont pas été absentes ! Le désert de l'Exode nous rappelle la dureté de la vie, les difficultés de la vie de tous les jours, les temps arides que nous traversons, mais ce temps n'est pas un temps d'abandon — aussi tourmenté soit-il . C'est au désert que le peuple a reçu la manne et les cailles, c'est au désert que le peuple a reçu la Loi de Dieu, c'est au désert que le peuple a reçu a été abreuvé d'une eau qui sortait du rocher.
Là où toute vie semblait impossible, Dieu l'a rendue possible, et lorsque le séjour semblait interminable et que les eaux du Jourdain en crue semblaient rendre impossible le passage vers la Terre promise, Dieu est intervenu et a réalisé sa promesse.
La mer et le Jourdain renvoient à l'histoire d'Israël. Les montagnes qui bondissent et les collines qui font des sauts de cabri, à quoi renvoient-elles ?
Il n'est pas question — à ma connaissance — dans l'histoire d'Israël, de cataclysmes terrestres. Par contre c'est une thématique très présente dans le livre d'Esaïe, entre les chapitres 40 et 55. Souvenez-vous ces paroles qu'on lit à Noël : "Une voix crie : Que toute colline soit abaissée, qu'on change les reliefs en plaine" (Es 40:4) ou encore "Quand les collines chancelleraient, quand les montagnes s'ébranleraient, mon amour pour toi ne changera pas" (Es 54:9-10). Ce thème des montagnes et des collines qui bougent est un thème messianique, qui annonce la nouvelle alliance de Dieu avec tous les humains.
Ainsi le Ps 114 allie les hauts-faits de Dieu dans l'histoire d'Israël avec les hauts-faits à venir pour appeler chacun à reconnaître la grandeur éternelle du Dieu de Jacob, du Dieu d'Israël. Un Dieu qui a agi dans le passé de manière salutaire et qui promet encore d'agir pour ouvrir un avenir vivant et véritable.
Oui, la terre entière, c'est-à-dire tous ses habitants et nous encore aujourd'hui nous pouvons nous laisser bouleverser, changer, transformer par ce Dieu qui a agit dans l'histoire et promet de le faire encore dans l'histoire de nos vies, de notre vie personnelle et dans la vie de notre communauté. Car le Dieu de Jacob est un Dieu de changement "lui qui change le roc en nappe d'eau, et le granit en source jaillissante" (Ps 114:8).
Ce qui est mort, inerte comme la pierre, Dieu lui donne vie et fluidité comme l'eau, ce qui est dur, figé, bloqué dans nos vies, Dieu promet de le rendre souple, mobile, vivant. Et l'histoire de ces changements dans nos vies ressemble à l'histoire du peuple d'Israël.
Il y a une première étape, souvent la plus difficile à franchir, qui oppose beaucoup de résistance, c'est la décision que quelque chose doit changer dans sa vie et qu'on va se mettre en route pour changer. La première étape, le pas décisif ressemble au départ de l'Egypte. C'est un premier prodige que cette détermination de se mettre à changer, c'est analogue à franchir la Mer des Roseaux.
Suit une période faite d'épreuves, de difficultés, entrecoupée de bénédictions inattendues, de nourritures nouvelles et d'eau sortie d'on ne sait où. C'est une période de transformation, de gestation, un temps où l'on adopte de nouvelles lois de comportement, et où l'on vit aussi des instants de rébellion, de doutes, de découragement : pourquoi avoir quitté la sécurité de l'acquis pour une Terre promise qui semble encore tellement loin ?
Et voilà qu'à force de persévérance — et pour s'être laissé porté par Dieu lui-même par moment — vient le passage du Jourdain. Le désert est derrière soi, une nouvelle vie est commencée avec la possibilité de s'installer dans de nouveaux modes de relations. Il n'est alors plus question de retour en arrière, on sent la promesse réalisée.
Le Dieu "qui change le granit en source jaillissante" nous invite à prendre ce chemin, ou à y persévérer, ou à y encourager, guider, ceux qui s'y trouvent. C'est à cela que nous invite ce Ps 114, si court, si simple, mais si riche !
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2010