Jean 9
4.9.2011
Jésus ouvre les yeux de ses disciples sur leur propre pouvoir, il les mobilise, il les envoie.
1 Jn 4 : 7-9 Rm 12 : 1-2 Jn 9 : 1-7
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Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers invités,
J'ai choisi le récit de cette guérison d'un aveugle par Jésus pour le message de ce matin parce que la personne que nous envoyons aujourd'hui en mission à Madagascar (par l'intermédiaire de DM-Echange et Mission) a trouvé sa vocation professionnelle dans le travail auprès des personnes handicapées. Son travail de fin d'étude traite de la représentation du handicap en Occident et à Madagascar.
Questionner la représentation du handicap, c'est se demander quelle image mentale nous nous faisons du handicap, d'où il provient, quel sens il peut avoir. Et c'est exactement ce que nous trouvons comme questionnement dans la bouche des disciples : "Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? A cause de son propre péché ou à cause de celui de ses parents ?" demandent les disciples (Jn 9:2).
Les disciples ont une image mentale de l'origine du handicap, ils ont une représentation qui leur dit que le handicap est sûrement la conséquence d'une faute, d'un manquement.
La représentation, c'est un peu comme un théâtre, intérieur à soi, dans lequel on joue une scène de rencontre avant qu'elle ne se produise. On fait une répétition générale pour se préparer (comme on préparerait un entretien d'embauche). Mais dans cette représentation théâtrale, on joue tous les rôles. Alors on invente le rôle de l'autre, ce qui donne une couleur à ce qui sera joué dans la réalité. Par cette représentation préalable, on influence la rencontre elle-même. Dans le meilleur des cas, notre représentation sera modifiée par la rencontre et l'on s'exclamera : "Ah, ben j'aurais pas cru ça de lui ou d'eux !"
Les disciples ont donc une représentation du handicap qui repose sur une faute passé ("Est-ce à cause d'un péché…") Les disciples sont focalisés sur le passé, sur l'origine. S'ils trouvent l'origine du mal, ils seront rassurés et pourront se positionner face à cet homme — pensent-ils.
Mais Jésus ne répond pas à la question de l'origine. Plus, il récuse l'idée qu'on puisse reporter la cause sur quelqu'un (la personne elle-même ou ses parents). Jésus donne une réponse énigmatique à la question des disciples. "Ce n'est pas à cause de… c'est pour que… pour que l'œuvre de Dieu puisse se révéler en lui !" (v.3)
Jésus nous détourne du passé et de l'origine pour nous orienter vers le présent et le futur. Ne cherchez pas dans le passé, faites quelque chose de ce présent pour améliorer la condition de cet homme. Et c'est ce que Jésus va faire en pétrissant de la boue à appliquer sur les yeux de l'aveugle. Ensuite, Jésus donne une tâche à l'aveugle pour le rendre participant de sa propre guérison. Il l'envoie se rincer les yeux à la piscine de Siloé.
Les disciples avaient une représentation attachée au passé qui pouvait déboucher sur le reproche et qui aboutit à blâmer la victime. Jésus barre cette issue pour nous mobiliser dans le présent et pour nous pousser à une action constructive. Comme si Jésus disait : Cet homme est là pour que vous puissiez faire quelque chose pour lui !
Jésus change la représentation des disciples face à cet homme. On peut même dire que Jésus ouvre les yeux de ses disciples sur leur propre pouvoir, il les mobilise, il les envoie.
Pour moi, ce n'est pas un hasard que la personne guérie soit aveugle. Le récit veut nous ouvrir les yeux sur une réalité : Jésus est celui qui veut nous sortir de nos aveuglements. Le récit se veut porteur de notre guérison aussi, c'est pourquoi l'évangéliste Jean y insère cette parole de Jésus : "Je suis la lumière du monde." (Jean 9:5). Jésus est venu pour nous faire sortir de l'obscurité.
C'est dans ce même sens que l'apôtre Paul nous dit : "Ne vous conformez pas aux représentations de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer pour un changement complet de votre intelligence ! Vous pourrez alors comprendre ce que Dieu veut." (Rm 12:2).
Ce changement complet de l'intelligence, c'est nous guérir de trois aveuglements, changer trois de nos représentations :
(i) notre représentation de Dieu. Jésus est venu remplacer un Dieu comptabilisateur de nos manquements par un Dieu qui nous soutient comme un Père.
(ii) Jésus est venu pour transformer notre vision des gens, des "autres" : comme nous sommes tous les enfants d'un même Père, nous pouvons rencontrer les autres comme des frères et des sœurs. Le monde ne tournerait-il pas plus rond si nous cessions de nous méfier les uns des autres ?
(iii) Jésus vient changer notre idée de nous-mêmes. Ne sommes-nous pas constamment en train de nous faire des reproches à nous-mêmes, tournés vers le passé ? Nous nous accusons et nous condamnons, alors que Dieu ne nous condamne pas (Rm 8:33), mais nous accueille comme ses enfants. Il nous mobilise et nous envoie.
Dieu nous offre de nous guérir de ces trois aveuglements; irons-nous nous laver à la piscine de Siloé ? Parce que nous avons notre part à faire en réponse à cette guérison ! Dans ce récit, Jésus barre le retour sur le passé, mais il ouvre un avenir en nous désignant le grand dessein de l'existence : "nous devons accomplir les œuvres de celui qui m'a envoyé" (Jn 9:4). A nous de réaliser le travail pour lequel nous sommes faits. A nous de réaliser la vocation à laquelle le créateur nous a appelé.
Aujourd'hui, nous saluons la vocation et l'envoi d'une jeune femme pour un travail à Madagascar. Mais n'oublions pas que nous avons tous reçu un appel du Seigneur, une vocation et un envoi. Forts du "changement complet de notre intelligence" que Jésus nous propose, nous pouvons partir raffermis — comme de vrais enfants de Dieu — sur nos lieux de vie et de travail pour accomplir l'œuvre de Dieu.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2011