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Jean 19. L’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix

Jean 19
18.4.2014
L’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix

Jean 19 : 16-22     Jean 19 : 23-30
Téléchargez la prédication ici : P-2014-0418.pdf


Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Nous avons entendu le récit de la crucifixion, de la mort de Jésus dans l’Evangile selon Jean. Nous entendons souvent ces récits des évangiles, tirés tantôt d’un Evangile, tantôt d’un autre et pour nous ils racontent tous la même histoire. Oui, ils nous racontent la même histoire, le même événement, mais pas de la même façon. Pas avec la même interprétation, mais c’est plus difficile à percevoir.
Je vais essayer de mettre en relief ce qui est propre à l’Evangile selon Jean, ce qui le différencie des évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Les différences ne se trouvent pas dans les événements relatés, mais dans la position de Jésus, dans son statut, dans son attitude.
Matthieu et Marc nous présentent Jésus comme la victime dans son procès. Il subit son arrestation, son procès, sa mort. C’est une victime qui se croit abandonnée de Dieu, d’où cette parole sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ! » Ps 22:2 (dans Mt 27:46 et Mc 15:34).
Pour Luc, Jésus est la figure du juste injustement persécuté et condamné. Il traverse cette injustice avec confiance, assurant le « bon larron » de le rejoindre au paradis (Lc 23:43).
Comment Jean nous présente-t-il Jésus dans sa Passion ? Eh bien, Jésus porte lui-même sa croix, pas besoin de l’aide de Simon de Cyrène. Il est désigné par Pilate comme « le roi des juifs ». Il parle à sa mère et au disciple bien-aimé, pour leur dicter sa volonté. Il sait que tout est achevé et il demande à boire. Il affirme la fin de sa mission, de son mandat par une dernière parole et il remet son esprit, comme dernier acte de souveraineté.
On voit donc que Jean nous présente à nouveau Jésus comme souverain, comme acteur de sa vie et de sa mort, comme celui qui sait ce qui lui arrive, qui sait ce qu’il fait et qu’il accomplit en toute conscience.
Il me fait penser à ces épisodes de films de guerre où, dans une situation critique, un homme reste en arrière pour couvrir sa troupe poursuivie par l’armée ennemie. Cet homme-là va barrer le chemin pour sauver ses camarades, mais on sait comme spectateur, et le soldat le sait lui-même : il va mourir, mais c’est un héros parce qu’il donne sa vie pour sauver ses camarades. Il le fait en toute connaissance de cause, il l’a choisi, il l’a décidé, il sait pourquoi il le fait et il accomplit sa mission. Ce n’est pas une victime, c’est un héros.
C’est ainsi que Jean nous présente Jésus montant au calvaire et sur la croix, en pleine maîtrise de son destin et de celui de ses disciples. Voyons cela dans le détail. Jésus dit trois paroles sur la croix.
A. D’abord, les paroles à sa mère et au disciple bien-aimé. « Femme, voici ton fils » et « Voici ta mère » (Jn19:26-27) Concrètement, Jésus présente à sa mère son nouveau tuteur et au disciple bien-aimé il présente la personne dont il devient responsable. A cette époque, les femmes devaient dépendre d’un homme pour ne pas tomber dans la précarité. Mais le souci de l’évangéliste n’est pas la précarité de Marie, mais la succession de Jésus dans l’ordre de la révélation. Le souci de Jésus c’est « qui lui succède pour transmettre la parole du Père ? » Et ici, sur la croix, Jésus offre au disciple bien-aimé sa propre place de fils.
Il fait du disciple bien-aimé le légataire de ses paroles, de son message. Le disciple bien-aimé devient le messager de Jésus, celui qui peut attester de la véracité de ses paroles, de son héritage théologique, héritage qui se transmet dans l’Evangile selon Jean. En faisant cela, Jésus organise symboliquement son Eglise, il la constitue, il la fonde. Et le lieu de la fondation de l’Eglise, c’est la croix, d’où Jésus prononce ces paroles.
Ces paroles de Jésus fondent l’Eglise, mais elles la fondent sur le disciple bien-aimé qui devient responsable de Marie, la mère de Jésus, et non sur Marie qui deviendrait responsable des disciples comme le laisse entendre la mariologie catholique romaine. C’est le disciple bien-aimé qui accueille Marie chez lui, non l’inverse.
Mais l’important ici, c’est que l’heure de la naissance de l’Eglise est l’heure de la croix, croix que Jean nous présente dans tout son Evangile comme l’heure de l’élévation du Fils, l’heure de l’élévation de l’Envoyé.
B. La deuxième parole que Jésus prononce est «  J’ai soif » (v.28). Là encore, Jésus est acteur. Cette parole attire l’attention des soldats qui en réponse à cet appel trempent une éponge dans leur piquette pour la lui donner. Dans les autres évangiles, ce sont les soldats qui prennent l’initiative. Cette parole peut nous faire penser à la rencontre au puits de Jacob avec la samaritaine, mais elle fait plus certainement référence à la prière de Gethsémané sur la « coupe à boire », c’est-à-dire la mort à affronter.
D’ailleurs lors de son arrestation, à laquelle Pierre veut s’opposer, Jésus s’exclame : « Crois-tu que je ne boirai pas la coupe que le Père m’a donnée ? » (Jn 18:11). Par cette parole «  J’ai soif » Jésus affirme qu’il assume totalement sa mission, c’est son choix, il en est le maître.
C. La troisième parole est « Tout est accompli » (v.30) après quoi Jésus, encore souverain, baisse la tête et remet son esprit. Deux choses à remarquer.
a) « Tout est accompli » il faudrait presque ajouter « ici ». C’est ici, sur la croix que tout s’accomplit. C’est enfin l’heure de l’accomplissement, c’est l’heure où tout se révèle. C’est la « déclaration de l’Envoyé parvenu au terme et au plein accomplissement de son mandat : sa mort est l’achèvement de sa vie. Par elle, elle prend son sens ultime. La croix n’est pas simplement un passage, mais le point culminant de la révélation. »*
b) Ensuite Jésus remet son esprit. C’est une phrase à double, voir à triple sens. Le sens premier et concret, c’est que Jésus meurt. C’est sûr. Mais ce n’est pas tout. A qui remet-il son esprit ? La première idée, c’est qu’il remet son esprit à Dieu. Et c’est juste. Tout est accomplit et Jésus retourne à Dieu. Mais le texte laisse aussi penser qu’il donne (remettre est un composé du verbe « donner » en grec) son Esprit (avec majuscule) à ses disciples.
C’est à partir de l’heure de la croix, lieu de l’élévation et de la glorification de Jésus que l’Esprit peut descendre sur les disciples (Jn 7:38-39).
Par ces trois paroles, on voit comment la mort de Jésus fait naître l’Eglise. Jésus assure la transmission de sa révélation au disciple bien-aimé. Jésus assure que sa mort sur la croix est l’accomplissement de son mandat, de sa mission, la coupe de Dieu. Et Jésus assure — en son absence — sa nouvelle présence par le don de l’Esprit.
C’est ainsi que l’événement — a priori — dévastateur, destructeur et absurde de la croix, devient un événement victorieux, fondateur d’une nouvelle communauté, fondateur d’un nouveau style de relations humaines, fondateur d’une vie nouvelle, vraie et en plénitude.
Amen
* Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p.255.
© Jean-Marie Thévoz, 2014

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