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  • Jean 9. « Je suis la lumière du monde » dit Jésus

    Jean 9
    15.6.2014
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus
    Matthieu 5 : 1-9       Jean 9 : 1-7+39

    Téléchargez le texte : P-2014-06-15.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chère famille,
    Vous comprenez le monde, vous ? Plus je lis les journaux, écoute la radio ou regarde la TV, moins j’ai l’impression de comprendre où va le monde ! Qu’est-ce qui guide les peuples, les foules, ceux qui nous gouvernent ? Le monde n’est plus lisible. Qui pourrait nous donner un éclairage qui nous rende le monde plus compréhensible ?
    Eh bien, un homme a tenté de rendre le monde plus compréhensible à ses contemporains. Je veux parler de l’évangéliste Jean qui nous rapporte les gestes et les paroles de Jésus. Jean ordonne les gestes et les paroles de Jésus pour nous donner une clé de lecture du monde.
    Dans son Evangile, il nous présente Jésus comme disant plusieurs paroles en « Je suis ». Il en cite sept. Je suis le pain de vie (Jn 6 :35) ; je suis la lumière du monde (8:12 et 9:5) ; je suis la porte de l’enclos (10:7,9) ; je suis le bon berger (10:11,14) ; je suis la résurrection et la vie (11:25) ; je suis le chemin, la vérité et la vie (14:6) ; je suis la vigne (15:1,5).
    La parole « Je suis » fait allusion au récit de Moïse devant le buisson ardent, où il rencontre Dieu pour la première fois. Du milieu du feu, Dieu lui dit : « Je suis qui je suis » (Exode 3:14). Ainsi l’évangéliste Jean marque par sept fois le lien entre Jésus et Dieu. Aujourd’hui, nous allons essayer de comprendre ce que Jésus nous dit lorsqu’il dit « Je suis la lumière du monde ». Dimanche prochain, nous verrons la parole « Je suis la vigne » et dans 15 jours la parole « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».
    Jésus dit « Je suis la lumière du monde » au cœur d’un récit où il guérit un aveugle de naissance. Il va donc être question de vue et d’aveuglement, de lumière et d’obscurcissement de l’esprit, de compréhension et d’incompréhension.
    Ne nous bloquons pas sur la guérison de l’aveugle, elle n’est là que comme une illustration. L’aveugle-né, c’est nous, c’est tout être humain, c’est une image de la condition humaine. Comme si nous naissions aveugles, non pas des yeux, mais face à la connaissance et à la compréhension du monde. Et c’est correct, à la naissance, nous ne savons rien, nous avons tout à apprendre.
    Ce n’est la faute de personne, c’est la condition humaine. En cela nous sommes différents des maints animaux qui naissent avec tous leurs comportements déjà programmés. Nous, humains, nous naissons sans programme, sans connaissance, nous naissons pour apprendre, pour découvrir, pour ouvrir des yeux neufs sur le monde. C’est pourquoi Jésus dit de ne pas chercher l’origine, la cause de l’aveuglement de naissance, mais de se tourner vers le but : en vue de quoi notre cerveau est-il ouvert, non programmé ?
    Nous avons donc à apprendre, à ouvrir les yeux pour comprendre le monde, la vie, découvrir le sens de la vie. C’est dans ce contexte que Jésus dit « Je suis la lumière du monde ». Il vient éclairer le monde pour que nous puissions, non seulement le voir, mais le comprendre, en saisir le sens ; en saisir le fonctionnement ; découvrir ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas, pour faire les bons choix.
    Lorsque Jésus dit « Je suis la lumière du monde » il nous dit qu’il nous offre une clé de lecture du monde qui est différente de celle que le monde nous donne de lui-même. C’est ce que nous voyons dans les béatitudes. Les valeurs de Jésus ne sont pas les valeurs du monde. Ces valeurs sont tellement différentes que cela va aboutir à un conflit et que le monde va mettre Jésus en croix, dans l’illusion de détruire les valeurs de Jésus.
    Les valeurs du monde et celles de Jésus sont opposées. Jésus inverse les valeurs du monde. Il affirme que les valeurs du monde conduisent à la mort, alors que les valeurs de Dieu conduisent à la vie. A vous de vous faire une opinion et choisir.
    Quand le monde propose la force et la puissance, Jésus propose la douceur et la tendresse.
    Quand le monde propose l’accumulation des biens, Jésus propose le partage.
    Quand le monde propose la célébrité et l’apparence, Jésus propose la vérité du cœur, l’authenticité.
    Quand le monde propose le profit et le chacun pour soi, Jésus propose la justice et la solidarité.
    Quand le monde propose le succès et la popularité, Jésus propose l’accomplissement et les relations.
    Dans lequel de ces deux mondes souhaitons-nous vivre et élever nos enfants ? Lesquelles de ces valeurs souhaitons-nous cultiver et transmettre à nos enfants ? Jésus nous ouvre à une autre compréhension du monde que celle de la TV et des publicités.
    A suivre Jésus, la vie ne sera pas plus facile, mais elle sera plus vraie, plus profonde, plus authentique, plus en lien avec les autres. Notre porte-monnaie sera moins rempli, mais notre cœur sera plus léger, plus joyeux, plus serein.
    « Je suis la lumière du monde » dit Jésus pour nous ouvrir les yeux sur la réalité que nous propose le monde avec ses illusions de bonheur. Il veut nous aider à connaître le monde, à sortir de notre aveuglement pour que nous puissions faire nos choix de vie d’une manière éclairée : afin que nous puissions choisir la vie, la vraie vie ; afin que nous puissions choisir ce qui va apporter de la vraie profondeur à notre vie et à nos relations. Pour cela il nous donne sa lumière, son éclairage. Il nous donne une nouvelle compréhension du monde et de notre vie.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz, 2014

  • Jean 16. L’Ascension : un départ créatif

    Jean 16
    29.5.2014
    L’Ascension : un départ créatif
    Actes 1 : 1-11      Jean 16 : 4-15

    Téléchargez le texte : P-2014-05-29.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Nous vivons le jour de l’Ascension, une fête chrétienne suffisamment importante pour qu’elle soit un jour de congé pour tout le monde. Mais en fait, est-ce une fête joyeuse ou un moment triste ? Noël et Pâques sont des fêtes joyeuses, Vendredi-saint est un jour triste, mais l’Ascension ?
    Comment vivons-nous ce jour ? Est-ce jour de séparation et de deuil ou bien est-ce un jour productif, créateur pour notre foi, un jour dont on peut se réjouir ?
    Dans le passage de l’Evangile selon Jean que nous avons entendu, les disciples sont tristes. Ce passage se trouve dans les discours d’adieu que Jésus prononce pour préparer ses disciples à son départ, son Ascension.
    Il faut réaliser ici qu’il y a une grande différence entre les évangiles synoptiques et l’Evangile selon Jean, à propos de l’Ascension. Nous vivons selon le calendrier mis en place par l’Evangile selon Luc. Il définit des temps entre les fêtes. Entre Pâques et l’Ascension, 40 jours pendant lesquels Jésus apparaît à ses disciples et continue à les enseigner. Puis il disparaît en « montant au ciel ». Et encore 10 jours jusqu’à la Pentecôte où les disciples reçoivent l’Esprit saint. Ce calendrier est propre à Luc et aux Actes des Apôtres.
    Dans l’Evangile selon Jean, l’Ascension, le départ de Jésus est simultané avec son élévation sur la croix. Il y a bien des apparitions aux disciples, à commencer par l’apparition à Marie-Madeleine, mais ce ne sont que de brèves incursions du Ressuscité dans la vie des disciples, ce n’est pas un séjour de Jésus parmi les siens.
    Ainsi, les discours d’adieu de Jésus à ses disciples dans l’Evangile selon Jean peuvent-ils être lus comme parlant en même temps du temps de la croix et du temps de l’Ascension. Je pense que cette chronologie est plus vraisemblable que celle de Luc. En effet, où peut-on lire — dans les évangiles — les enseignements de Jésus pendant les 40 jours qu’il passe avec les Onze ? Il est impossible que ces 40 jours n’aient pas laissé de traces dans les évangiles ! Donc Jean est plus proche de la réalité. Les discours d’adieu de Jésus nous donnent donc une meilleure compréhension de l’Ascension, du départ de Jésus.
    Que nous disent-ils ? D’abord que les disciples sont tristes. Ils n’arrivent pas à envisager de perdre Jésus, ni qu’ils puissent vivre sans lui. C’est pourquoi Jésus les enseigne et leur annonce la venue de ce que Jean appelle le Paraclet, qui est le saint Esprit. Jésus doit transformer la vision de son départ ; aussi leur dit-il : « Il est préférable, avantageux pour vous que je parte. Je vous enverrai le saint Esprit. » (Jn 16:7).
    L’absence de Jésus ne sera pas un abandon, mais la transformation du mode de sa présence. C’est le saint Esprit qui assurera la présence de Jésus auprès de ses disciples. Jean définit deux rôles du saint Esprit, un rôle face au monde et un rôle face à la communauté de l’Eglise.
    A. Le rôle face au monde est de le convaincre que le monde s’est trompé, trompé de cible. Les évangiles nous montrent le procès contre Jésus. Là, c’est le monde qui tient le rôle de l’accusateur et c’est Jésus qui est en procès. A ce niveau, c’est le monde qui l’emporte : Jésus est un pécheur condamné, justice est faite, le monde a condamné Jésus, ce jugement est la victoire du monde.
    Mais ce que Jésus annonce, c’est que le saint Esprit va rétablir, retourner les choses dans l’esprit des disciples. D’accusateur, le monde devient l’accusé. Et le verdict est : « Ce n’est pas Jésus qui est pécheur, mais le monde ; ce n’est pas Jésus qui est injuste [devant Dieu], mais le monde ; finalement ce n’est pas Jésus qui est condamné, mais le monde devenu esclave de la puissance du mal. »*
    L’Esprit saint, le Paraclet, vient rétablir la juste position du monde face à Jésus, il vient rétablir la justice, à la façon des prophètes de l’Ancien Testament, pensez à Nathan face à David à propos de Bethsabée (2 Samuel 12).
    B. Le deuxième rôle de l’Esprit saint est interne à la communauté, à l’Eglise. Le saint Esprit a pour rôle de communiquer les paroles de Jésus aux disciples. Le passage scande les termes : il vous le communiquera ou annoncera. Le saint Esprit est un transmetteur, ou dans un autre passage, celui qui fait se souvenir, se rappeler les paroles de Jésus (Jn 14:26). C’est lui qui nous relie à la source, à l’émetteur. Avec lui nous avons accès à la parole de Jésus.
    Mais il est encore dit qu’il sera notre guide (Jn 16:13). L’Esprit saint ne donne pas de nouveaux contenus, de nouvelles paroles, de nouveaux enseignements. Non, il est là pour permettre la juste compréhension de la parole de Jésus. Pour permettre l’approfondissement de cette compréhension.
    L’Esprit saint enseigne Jésus et seulement Jésus-Christ. Il dévoile l’absent, il le rend présent, aujourd’hui. Il y a une continuité entre l’Esprit saint et Jésus, comme une cascade : Dieu envoie Jésus comme Ambassadeur et maintenant, Jésus envoie l’Esprit saint comme nouvel Ambassadeur, pour porter cette même parole qui vient du Père.
    L’unité du Père avec Jésus est soulignée. Il y a unité de message, mais changement de transmetteur en fonction du temps vécu. La présence de Jésus était temporaire, en tant que Parole incarnée, vivant sur terre, dans un temps précis, dans un lieu précis. Vient maintenant le temps universel et l’ubiquité. Cette Parole de Jésus doit être entendue partout et dans tous les temps. « Le lecteur est invité à un renversement du regard : aborder le temps qui s’ouvre devant lui comme un temps habité par le Christ, par sa parole, par sa promesse. »** Et c’est l’œuvre du saint Esprit après le départ de Jésus.
    Le départ de Jésus n’est pas une fin, ni une impasse. Au contraire, c’est un commencement, c’est une ouverture. Et l’histoire l’a montré, l’évangile s’est répandu à une vitesse inimaginable dans tout l’Empire romain et au-delà.
    C’est pourquoi on peut parler de l’Ascension comme d’un départ créatif et donc d’une journée joyeuse. Il y a un gain qualitatif pourrait-on dire avec le départ du Jésus terrestre qui passe le relais à l’Esprit saint.
    Il n’est plus nécessaire d’être dans un lieu précis, à un moment de rendez-vous donné pour trouver Jésus. Il est maintenant accessible partout et en tout temps. C’est une nouvelle forme de présence que personne ne peut nous retirer, de laquelle personne ne peut nous éloigner. Jésus est parti, il est maintenant présent partout, il est là, auprès de nous, maintenant.
    Amen

    * Jean Zumstein, L’Evangile selon saint Jean (13—21), Commentaire du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2007, p, 133
    ** idem p. 141
    © Jean-Marie Thévoz, 2014