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Romains 5. Dieu ne tient pas compte de nos fautes

Romains 5
7.9.2014
Dieu ne tient pas compte de nos fautes

Romains 5 : 12+15-18      2 Corinthiens  5 : 17-19

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Après notre parcours dans Genèse 3, il restait encore à voir quelle reprise le Nouveau Testament fait du drame de la transgression d’Adam. C’est l’apôtre Paul qui fait cette reprise en mettant en parallèle Adam et le Christ. Il en fait un parallèle, mais disons le tout de suite, un parallèle inversé. Ce qu’Adam a détruit, le Christ le rétablit, le restaure. Adam et Christ se succèdent, mais s’opposent. Adam est la figure de la désobéissance, alors que le Christ est la figure de l’obéissance. Adam est rattaché au péché et le Christ à la grâce.
L’apôtre Paul reprend donc la figure d’Adam telle qu’elle est vue par les pharisiens d’alors, comme celui qui a fait entrer la désobéissance, le péché dans le monde. Paul montre le rôle de la Loi pour désigner les transgressions, mais abandonne — comme nous l’avons vu le dimanche 17 août — son rôle comme voie de salut. La voie du salut, pour Paul, est le Christ, en tant que nouvel Adam, Adam inversé, le vrai homme qui peut rétablir la relation brisée avec Dieu, celui qui rend effective la réconciliation (Rm 5:15), impossible depuis la sortie du jardin d’Eden.
Ainsi le Christ rompt la chaine de la malédiction qui se perpétuait depuis Adam à travers toute l’histoire humaine. C’est pourquoi Paul peut dire : « Si la faute d’un seul, Adam, a entrainé la condamnation de tous, l’œuvre juste d’un seul, Jésus-Christ, libère tous les humains du jugement et les fait vivre » (Rm 5:18). L’œuvre du Christ brise la malédiction et prononce une parole d’acquittement envers tous les humains. Comment cela est-il possible ? Comment cela se passe-t-il ?
Il faut d’abord comprendre ce qui se passe avec Adam, c’est-à-dire avec l’humanité. A n’en pas douter — il suffit de regarder le monde autour de soi — les humains se conduisent mal. Adam, comme notre représentant à tous, est l’homme de la transgression, l’homme coupable. Il donne l’image d’un homme écrasé par le poids de sa faute, par le poids des malédictions. Avec ce poids, Adam ne peut que se sentir mal ! Il ne peut que se dire « Je ne suis pas OK » quelque chose cloche avec moi. Cette affirmation peut être reprise par chacun d’entre nous « je ne suis pas OK ». Cette image d’Adam rejaillit sur chacun d’entre nous.
Bien sûr, nous pouvons nous révolter la contre et nous dire : « quand même, je n’y suis pour rien dans la faute d’Adam, ce n’est pas ma faute, je n’y étais pas, je n’ai rien fait. » De cette façon, nous adoptons la position « moi je suis OK, c’est l’autre qui n’est pas OK ». C’est vrai, en quoi suis-je responsable d’avoir reçu une tare dont je ne peux pas me débarrasser ? Une tare à laquelle personne ne peut échapper ? 
J’ai donc le choix entre « je ne suis pas OK » ou « l’autre n’est pas OK » ou je peux encore cumuler les deux « je ne suis pas OK et l’autre n’est pas OK ». C’est ce que j’ai mis dans le tableau ci-dessous, qui présente les quatre positions fondamentales* face à la vie.

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Ces quatre positions ont été développées dans le système psychologique de l’Analyse Transactionnelle, par le docteur Thomas Harris. Il les développe à un niveau psychologique, mais c’est un bon moyen de comprendre le niveau théologique développé par Paul.
Il faut d’abord faire une différence, que Paul fait, entre le péché (au singulier) et les péchés (au pluriel). Les péchés sont des actes de transgression de la Loi, ce sont nos fautes, nos erreurs ou nos poids. Dans les Evangiles, Jésus les pardonne systématiquement, il ne s’en préoccupe pas. Le péché, par contre, est important, et c’est ce qui importe à Jésus ; c’est du péché que Jésus est venu nous libérer, nous sortir, nous sauver. Le péché, c’est une position dans la vie, c’est une croyance fondamentale, qui nous perd. C’est croire que je ne suis pas OK, que je ne suis pas aimable, que je ne suis pas acceptable, accepté par Dieu. Ou bien, c’est croire que l’autre (les autres, ou Dieu) n’est pas OK. C’est « tout de la faute des autres » ou « la faute à Dieu ». Ou bien, on peut aussi cumuler les deux, « je ne suis pas OK et l’autre n’est pas OK », ce qui peut se résumé par « tous pourris ». On se rend compte que vivre dans l’un ou l’autre de ces positions, c’est vivre malheureux. J’ai indiqué en majuscule dans le tableau les états ou les émotions auxquelles conduisent ces positions.
Voilà ce que l’Evangile appelle les chemins de la perdition. Ce n’est pas commettre des fautes ou des péchés. C’est perdre son estime de soi, s’enfermer dans la culpabilité, se couper de Dieu, des autres ou de soi-même. Ce sont des positions sans issue, malheureuses, c’est le chemin d’Adam dans lequel l’humanité s’enferme et que chaque être humain adopte « naturellement » depuis sa petite enfance. Il a été montré que l’enfant — qui pense que tout tourne autour de lui — pense que tout ce qui se passe autour de lui arrive par sa faute. Et c’est ainsi que, lorsqu’il va voir du malheur autour de lui, il va adopter la position « c’est ma faute » ou si cela est trop lourd « c’est tout de la faute des autres ». Et nous nous construisons comme cela, à moins d’avoir autour de nous des témoins qui nous disent que nous sommes OK.
C’est ce que le Christ est venu nous dire. C’est sa révélation : Dieu nous dit : « Je vous considère OK, croyez-moi ! » Le salut, ou la réconciliation dans Corinthiens, c’est de nous faire migrer des cases « pas OK » vers la case « Je suis OK et l’autre est OK ». Là encore, il faut rappeler qu’être OK ne veut pas dire parfait, sans faute, irréprochable. Cela veut dire que Dieu nous considère aimables. Cela veut dire que Dieu nous considère justes, malgré nos fautes ou nos imperfections. Je n’invente rien, Paul le dit lui-même : « Par le Christ, Dieu agissait pour réconcilier tous les humains avec lui, sans tenir compte de leurs fautes. » (2 Co 5:19).
Jésus inaugure le nouvel humain, celui qui est OK avec Dieu, et il remplace l’ancien Adam et les trois autres positions. En faisant cela il nous ouvre cette position, sans condition. Il suffit d’accepter qu’il le fait, c’est-à-dire, comme le dit le théologien américain Paul Tillich : « accepter d’être accepté ». Nous avons à accepter que Dieu nous trouve acceptables, que nous sommes OK devant ses yeux. Il n’y a pas de conditions à remplir, c’est par grâce, par le moyen de la foi (Eph 2:8), c’est-à-dire par l’acceptation que Dieu le fait, que Dieu nous accueille vraiment, tels que nous sommes.
Cela nous sauve du désespoir sur nous-mêmes et sur les autres. Cela nous sauve de la révolte de considérer les autres tellement inacceptables alors que nous le serions. Cela nous sauve de la culpabilité de penser que nos manquements ont tellement d’importance. Cela ne nous épargnera peut-être pas de la tristesse d’avoir à accepter notre faillibilité personnelle et d’accepter les défaillances des autres, mais cette tristesse de l’imperfection nous ouvrira à une humanisation, à une nouvelle empathie et à la bienveillance.
C’est incroyable ! Dieu nous considère justes et aimables, malgré nos défaillances et nos insuffisances, qui ne sont que poussière à ses yeux. Arriverons-nous à lui faire confiance et à nous sentir acceptés, à nous sentir OK sous son regard d’amour ?
Amen


* d’après Thomas A. Harris, I’m OK, You’re OK, London, Pan Books, 1973.


© Jean-Marie Thévoz, 2014

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