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Genèse 3. Deux impasses : l’obéissance et les sacrifices

Genèse 3
17.8.2014
Deux impasses : l’obéissance et les sacrifices
Genèse 2 : 15-17       Genèse 3 : 1-7 + 21      Romains 3 : 19-26
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Dimanche dernier nous avons commencé notre analyse de ce troisième chapitre de la Genèse que nous continuons aujourd’hui. J’ai mis en évidence une structure du récit qu’on peut suivre sur plusieurs pistes, plusieurs fils. Cette structure est marquée par un avant et un après, ainsi que par une remédiation humaine suivie d’une remédiation divine.
Dimanche passé, nous avons suivi le fil illustré par les malédictions, ainsi que le fil du non-savoir et du savoir en « croquant la pomme ». Aujourd’hui, nous allons suivre deux nouvelles pistes.
Le premier fil est celui de l’interdit. Dans notre avant, Dieu interdit clairement de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. En « croquant la pomme », Adam et Eve passent une porte et entrent dans l’après qui est fait de faute et de honte. Il y a eu transgression de l’interdit, désobéissance.
Quelle va être la remédiation humaine ? Comme pour d’autres fils, la remédiation n’est pas directement indiquée dans ce chapitre, mais tout au long de la Bible. La remédiation humaine face à cette désobéissance va être de réparer cette première attitude par son opposé, c’est-à-dire par l’obéissance. Il faut se rattraper, ne plus faire comme Adam. Tous les efforts vont porter sur l’obéissance à la Loi divine. « Si Adam n’a pas pu obéir, moi je le pourrai ! » se dit chacun d’entre nous.
Ainsi, la Bible développe tout un catalogue de lois pour réglementer une vie qui puisse plaire à Dieu. Le judaïsme a dénombré 613 commandements bibliques. C’est la voie dans laquelle ont excellé les pharisiens. Mais c’est aussi une voie sans issue. Il est impossible à l’être humain d’être totalement obéissant*. D’où le constat de l’apôtre Paul : « La loi permet seulement à l’homme de savoir qu’il a péché » (Rm 3:20).
L’obéissance pour accéder à la justice est une voie désespérée. Plus on regarde dans le détail de nos vies, plus on voit l’écart entre l’idéal et ce qu’on vit réellement. Il est impossible d’être juste aux yeux de Dieu. C’est une voie sans issue.
Quelle a été la remédiation divine ? En lisant l’Ancien Testament, on voit que ceux qui l’ont écrit ont longtemps cru que la remédiation divine était la punition. Une punition inscrite dans les pages de l’histoire du peuple et du pays d’Israël (2 R 17:7). Les rois obéissants ont des succès militaires et les rois désobéissants des défaites (2 R 13:1-3). Les prophètes lient aussi la sécurité territoriale à la confiance que les rois mettent en Dieu (Jr 17:3). Mais le couple « punition - récompense » est lui aussi inefficace. Il n’y a pas moyens que la loi rende quiconque juste.
Il a fallu des siècles pour qu’on se rende compte et qu’on réalise que Dieu propose un autre chemin, celui de la grâce : Dieu donne sa justice à celui qui la demande. Dieu rend lui-même juste celui qui croit en lui, et il l’a réalisé dans la personne de Jésus (Rm 3:26).
C’est ce que nous allons mieux comprendre en suivant le deuxième fil, celui qui commence par la nudité. Dans le temps d’avant, « l’homme et la femme étaient nus, mais sans en éprouver aucune gène » (Gn 2:25). Après la transgression, ils se découvrent nus et se font des pagnes avec des feuilles de figuiers (Gn 3:7). C’est la remédiation humaine : se couvrir, se protéger, se cacher. Cependant, comme chacun le sait, mettre la poussière sous le tapis ne fait pas disparaître la poussière. Ce système D humain n’est pas efficace, cela n’ôte pas la faute de la transgression.
Alors le récit nous montre la remédiation divine : Dieu habille lui-même les humains de peaux de bêtes (Gn 3:21). Pas question ici du slogan « Plutôt nus qu’en fourrure » des défenseurs des animaux, car — ne leur en déplaise — il est justement question ici de sacrifice d’animaux.
Symboliquement, il est question ici du premier sacrifice animal pour sauver l’être humain ou l’humanité. La remédiation divine consiste en une substitution de victime : le sacrifice animal, c’est faire porter la punition de la transgression sur l’animal au lieu de l’humain. C’est une préfiguration de la substitution d’Isaac par le bélier, mécanisme de tout sacrifice religieux des animaux.
L’animal reçoit la punition méritée par l’être humain, à sa place. On trouve cela également avec le sang de l’agneau appliqué sur les linteaux des portes en Egypte avant la sortie d’Egypte, qui deviendra l’agneau pascal.
La remédiation divine est d’éviter à l’être humain de recevoir la punition en désignant une victime de substitution. Il y a donc dans ces vêtements de peaux le précurseur des sacrifices instaurés en Israël et réalisés au Temple de Jérusalem plus tard.
Mais les sacrifices animaux ne sont aussi qu’une étape transitoire. Les prophètes l’avaient déjà proclamé, Dieu n’a pas plaisir dans l’abatage des animaux (Es 1:11), ce qu’il demande, c’est « de se préoccuper du droit des gens, de tirer d’affaire l’opprimé, de rendre justice à l’orphelin et de défendre la cause des veuves » (Es 1:17).
Le mécanisme de substitution du sacrifice est important pour que le coupable ne soit pas tué, mais la machine sacrificielle est détestable, au point de faire du Temple « une caverne de voleurs » dira Jésus (Mt 21:13).
Le dépassement de cette étape a passé par le « sacrifice » de Jésus qui remplace « une fois pour toute » — comme le dit nos liturgies de Cène — toutes les victimes et tous les coupables. On est là sur un terrain risqué, où le vocabulaire risque de nous piéger. Attention, Dieu n’a pas fait ce qu’il voulait éviter ! Dieu n’a pas sacrifié un être humain pour éviter le sacrifice des humains ou de l’humanité (c’est la pensée de Caïphe, Jn 18:14). Ce serait un contre sens, une négation des valeurs de Dieu lui-même.
Dieu n’a pas sacrifié son fils. Mais Jésus a donné sa vie pour que soit révélé la vanité de tout sacrifice réel. Jésus a fait ce geste comme un sauveteur ou un pompier risque sa vie pour sauver une victime de catastrophe. La croix est une façon de dire que Dieu préfère risquer son être dans le sauvetage de chaque personne, plutôt que de perdre quelqu’un.
Jésus sur la croix — que l’Evangéliste Jean désigne comme « l’agneau pascal » — est la dernière substitution pour sortir Adam et Eve de leur condamnation. Dernière substitution qui était préfigurée dans ces premiers habits de peaux destinés à protéger l’humanité qui s’était mise en danger.
Ainsi, ces deux fils, celui de l’obéissance et celui des sacrifices, conduisent à Jésus. Dans le premier fil, Jésus met l’amour à la place de la Loi, la foi à la place de l’obéissance. Dans le deuxième fil, c’est Jésus qui porte les péchés de l’humanité, à notre place (Rm 3:25). C’est Jésus qui prend la place de Barrabas, qui prend notre place pour que nous soyons déclarés « justes devant Dieu », non pas grâce à nos mérites (obéissance ou sacrifices) mais grâce à l’amour que Dieu à pour nous.
Amen
* voir le livre (sérieux et drôle) de A. J. Jacobs, L'année où j'ai vécu selon la Bible, Actes Sud, 2008 (Babel 1007), traduit de l'américain par Yoann Gentric.


© Jean-Marie Thévoz, 2014

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