16.11.2014
Matthieu 25
Faire fructifier nos talents
1 Thess 5 : 1-5 Matthieu 25 : 14-30
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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
Dans l’Evangile selon Matthieu, l’enseignement de Jésus se conclut par une série de paraboles. Celle que vous venez d’entendre est l’avant-dernière. Elle est précédée de la parabole des 10 jeunes filles, dont certaines étaient imprévoyantes (Prédication du 24.11.2013). Elle est suivie de la grande parabole du jugement où Jésus déclare que donner un verre d’eau au plus petit des humains, c’est lui donner à boire à lui.
Dans cette parabole dite des talents, Jésus illustre le temps de l’Eglise, entre son départ et son retour. Il est question d’un maître qui laisse sa maison et ses biens à ses serviteurs, pendant le temps de son absence. Il leur confie la gestion des ses biens.
Selon les traductions, il leur confie des pièces d’or, ou des talents, ce qui reproduit le texte grec. J’ai fait une petite recherche sur ce qu’était un talent. Un talent, c’est d’abord la quantité contenue dans une amphore. Selon les époques, cela a varié entre 60 et 20 litres. A l’époque gréco-romaine de Jésus, l’amphore moyenne de 26 litres était devenue la norme. Un talent d’or correspond donc à 26 kg d’or, ce qui, au prix actuel, représente un million de francs suisses.
Ainsi, dans cette parabole, le premier serviteur reçoit 5 millions, le deuxième 2 millions et le troisième un million. Autant dire que le don est immense, ce qui souligne non seulement la générosité du maître, mais surtout sa confiance, sa confiance dans chaque serviteur.
Ensuite la parabole nous montre deux attitudes face à cette remise. Le premier et le deuxième serviteur se mettent au travail. Le récit utilise trois verbes : ils vont, ils travaillent (font du commerce) et ils gagnent. Puis pour le troisième serviteur, le texte dit : il s’éloigne, il creuse la terre, il cache.
Rien n’est dit de ce que pensent les premier et deuxième serviteurs. Par contre le récit nous dit ce que pense le troisième. Il pense que le maître est « dur, qu’il moissonne où il n’a pas semé, qu’il récolte où il n’a pas planté » (Mt 25:24). Ce serviteur a peur (v.25) de son maître. Il est dans une attitude de défiance. Il pense carrément que son maître est un voleur et un accapareur injuste.
On voit là, combien notre action peut être modelée par notre vision, notre interprétation des choses. Si nous voyons la vie comme injuste, le monde comme dur et cruel, alors nous allons nous replier dans la peur et le retrait. Nous serons paralysés. Il ne nous sera pas possible de nous déployer, de nous ouvrir, de partager nos talents avec d’autres. Il s’en suivra, tout naturellement pourrait-on dire, que la vie sera amère et que tout finira dans les grincements de dents (v.30).
Le repli entraine le repli. La fermeture conduit à plus de fermeture encore. Alors que l’ouverture conduit à plus d’ouverture encore, le succès entraine le succès, comme on dit.
Au point qu’un sociologue a défini la phrase « On donnera à celui qui a et l’on retirera à celui qui n’a pas » (v.29) comme l’« effet Matthieu »* qu’on peut observer aussi bien dans le monde économique que dans celui des célébrités et du show-biz.
Mais ce n’est pas à cela que pensait Jésus. Par cette parabole, Jésus nous interroge sur ce que nous faisons du don merveilleux de la vie que nous avons tous reçu. Avec la vie, nous avons reçu des capacités relationnelles qui valent des millions. C’est notre richesse. Ce sont nos talents. Au point que le nom de cette mesure de quantité est devenu le synonyme de dons extraordinaires, de capacités, d’aptitudes.
Chacun de nous a reçu des talents, et Jésus nous invite à les mettre en œuvre, à aller, travailler et faire fructifier nos aptitudes, nos talents.
Et ce qui différencie les serviteurs, ce n’est pas la quantité obtenue, le premier et le deuxième serviteurs doublent leurs parts de la même façon. Ce qui différencie les serviteurs, c’est la confiance ou la défiance qu’ils ont par rapport au maître — ou à la vie.
Celui qui est défiant, et bien il enterre son talent. Il enterre en fait sa vie, il renonce à vivre. Dans cette vie-là, il est déjà mort et enterré.
Celui qui fait confiance, il se lance et il est récompensé. Il gagne, il double sa mise, il est félicité par le maître et il « entre dans sa joie », c’est-à-dire faire la fête avec son maître, entrer dans le Royaume de Dieu.
Tout se joue sur la confiance, et la confiance entraine la confiance. Et des petites choses confiées on peut passer à de grandes choses.
Chacun a reçu un talent, au moins. Chacun, s’il fait confiance en la bonté du maître, de Dieu, de la vie, peut le faire fructifier.
Aujourd’hui, nous sommes-là aussi, pendant l’Assemblée paroissiale qui va suivre, pour reconnaître que Sylvie Dépraz a fait fructifié son talent. Nous sommes là pour lui confirmer que nous souhaitons lui confier la responsabilité d la paroisse, parce qu’elle a été fidèle en toutes sortes de choses pendant ces deux années écoulées. Nous lui faisons confiance. Nous reconnaissons son talent. Nous nous réjouissons qu’elle puisse être un exemple pour chacun et spécialement pour notre jeunesse, un exemple d’engagement, un exemple de vocation, un exemple de prise de responsabilité dans l’Eglise.
Chacun a reçu un talent, que chacun aille, travaille et fasse fructifier son talent et entre dans la joie du maître.
Amen
* Le terme est dû au sociologue américain Robert K. Merton.
Robert K. Merton, « The Matthew Effet », Science, vol. 159, no 3810, 1968, pp. 56-63 (pdf à télécharger)
© Jean-Marie Thévoz, 2014