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Ezéchiel 34. Dieu juge !

23.11.2014
Ezéchiel 34
Dieu juge !

Ezéchiel 34 : 15-24      Matthieu 25 : 31-46

Télécharger la prédication : P-2014-11-23.pdf


Chères paroissiennes, chers paroissiens,
C’est aujourd’hui le dernier dimanche de l’année ecclésiastique. Dimanche prochain, nous commençons le temps de l’Avent, la montée vers Noël. Pour ce dernier dimanche de l’année, les lectures bibliques proposées portent sur le jugement dernier, sur la fonction de Dieu juge. Dieu comme juge, cela ramène peut-être certains des années en arrière, lorsque parents ou pasteurs nous faisaient peur avec un Dieu juge, un Dieu qui punit, un Dieu qui gronde.
On pourrait bien sûr laisser cette image aux oubliettes de l’Histoire… et se dire qu’il faut tourner la page. Alors oui, il y a une page à tourner, mais faisons-le consciemment, sans jeter le bébé avec l’eau du bain.
La Bible nous présente, de temps en temps, un Dieu qui juge. Et on le verra dans le programme d’Exploration biblique de l’hiver, dès janvier prochain, autour des Psaumes, parce que la figure du Dieu juge est très présente dans les Psaumes.
Alors, comment comprendre que la Bible nous présente en même temps un Dieu juge et un Dieu d’amour ? Est-ce compatible, et comment ? Je vais montrer que c’est compatible à une condition : il ne faut pas confondre le droit biblique et le droit romain.
 Notre culture occidentale est bâtie sur le droit romain. Encore aujourd’hui, les étudiants qui font le droit à l’université ne coupent pas au cours de droit romain et à un peu de latin. Le droit romain, figuré par une statue aux yeux bandés (pour ne pas faire de différences entre les personnes) avec une balance dans une main (pour l’équité) et une épée dans l’autre (pour la punition), est un droit qui tranche, qui recherche le coupable et qui le punit.
Le but du juge est d’envoyer le méchant en prison quand la loi le lui permet. Le tribunal ne s’occupe que du coupable. La victime doit faire un second procès, au civil, si elle veut obtenir une réparation.
Le droit biblique est tout différent. Le droit biblique est un droit fondé sur la réparation, sur la réhabilitation de la victime. Regardez ce qui se passe avec Zachée, lorsqu’il est confronté à Jésus. Zachée était un homme malhonnête et il veut changer du tout au tout. Et bien, il indemnise ses victimes. Aucune punition n’est proposée par Jésus. Zachée a fait ce qu’il fallait, il est juste aux yeux de Jésus en s’occupant des victimes.
Prenons un autre jugement, celui de Salomon. Pas de recherche de cause, de coupable, de faute. Ce qui est recherché, c’est « à qui rendre l’enfant vivant » ! Il s’agit d’éviter de rajouter une injustice à un malheur. Ce qui est recherché, c’est comment rendre justice à la mère de l’enfant vivant.
C’est ce que nous est décrit aussi Ezéchiel lorsqu’il dépeint Dieu comme le berger, juge de son troupeau. Celui qui juge est le berger, celui qui prend soin du troupeau, celui qui est le propriétaire et qui veut que son troupeau soit florissant, en bonne santé et en bonne entente.
Ici il est bien dit que juger, c’est veiller sur les plus faibles. On a déjà là l’esquisse de la parabole de la brebis perdue. Il y a un parti pris pour le faible, pour la victime potentielle, pour le vulnérable et le fragile. Le juge est là pour les protéger contre les menées des forts, des puissants, des sans-gêne, des violents. On a même une touche contre les pollueurs qui gâchent l’herbe et l’eau de leurs voisins.
Le juge contrôle, limite, met des barrières aux comportements de ceux qui pensent pouvoir empiéter sur les droits de tous. Ce sont des mesures de protection, et c’est bien le rôle de la justice, du droit, des lois, de limiter le pouvoir des forts pour que les moins bien lotis, les minorités puissent vivre sans être opprimés ou lésés.
Le jugement, dans le droit biblique, est vraiment de porter secours, de sauver le faible des griffes du pouvoir des puissants. Et c’est bien ce qu’on lit dans les Psaumes lorsqu’il est question d’un Dieu juge. Il juge ceux qui empiètent sur les droits des plus faibles. C’est pourquoi la Bible peut associer la fonction de juge et de berger, parce que « juge » pourrait être remplacé par le mot « protecteur ». C’est tout le contraire du juge inique de la parabole, du juge qui méprise ou qui écrase.
Comme il n’y a pas beaucoup de bergers dans notre cadre de vie, on pourrait prendre l’image de l’enseignant qui doit veiller à ce que les élèves qui ont le plus de peine aient toute leur place dans la classe, en faisant taire les élèves qui ont toujours la bonne réponse et en accordant plus d’attention à ceux qui ont plus de peine.
Le jugement présenté dans l’Evangile selon Matthieu (Mt 25:31-46) s’inspire largement des images d’Ezéchiel et du droit biblique. Mais ce jugement opère un glissement intéressant de la fonction de juge dans le sens de protecteur.
On a vu que dans le droit romain, il faut trouver un coupable. Avec un tel système, si on ne veut pas tomber dans la chasse aux sorcières, il faut des juges professionnels. La justice, la recherche et la punition des coupables, ne peut pas être l’affaire de tous, sinon il serait question de vengeance ou de vendetta. La justice romaine doit être étatisée pour être juste.
Il en va autrement de la justice biblique et c’est ce que met en avant cette parabole du jugement. La réhabilitation de la victime, l’attention au plus faible, le soutien du plus pauvre, sont les critères pour départager les moutons des chèvres. C’est pourquoi — autant d’un côté que de l’autre — la réaction est l’étonnement : Quand avons-nous… ? Cette justice n’est plus l’apanage seulement du juge, du berger, du Messie, du protecteur.
Cette justice est l’affaire de tous ! Tout le monde, à son niveau de vie et de compétence peut intervenir autour de lui pour faire appliquer la justice biblique.
La justice biblique est l’affaire de tous ! Elle devient notre affaire dès que nous sommes en contact avec le Christ qui nous la transmet. Mais par un retournement incroyable, cette justice dans les plus petits gestes devient le moyen par lequel nous entrons au contact du Christ. « Chaque fois que vous l’avez fait, c’est à moi que vous l’avez fait » dit Jésus.
La justice biblique est l’affaire de tous ! C’est la mise en pratique de l’amour reçu de Dieu, la charité (caritas en latin, agapè en grec), mais c’est aussi le canal par lequel nous nous approchons directement du Christ. Comme chaque humain est une figure du Christ, chaque humain est une occasion de rencontrer le Christ.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2014

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