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Marc 14. Pâques : Marc nous engage dans un paradoxe qui nous mobilise.

Marc 14
5.4.2015

Pâques : Marc nous engage dans un paradoxe qui nous mobilise.

Marc 14 : 22-31        Marc 16 : 1-8

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Chères paroissiennes, chers paroissiens,
En ce matin de Pâques, nous nous rappelons que nous célébrons la résurrection du Christ. Après être mort sur la croix, le Christ est revenu à la vie, il s’est réveillé d’entre les morts, il est le premier-né d’entre les morts, disent les formules traditionnelles. Et les Évangiles mettent cela en récit en racontant comment les femmes vont au tombeau, le dimanche matin, après le sabbat, quand les activités peuvent reprendre. Et les Évangiles racontent la découverte du tombeau vide, les apparitions aux femmes, puis aux disciples et finalement l’ascension de Jésus au ciel. Cela, c’est ce dont nous nous souvenons, en rassemblant ensemble, dans un doux mélange, les récits des quatre Évangiles.
Ce matin, j’aimerais rester uniquement sur le récit de l’Évangile selon Marc. Vous savez que l’Évangile de Marc est le plus ancien des Évangiles qui nous restent. C’est lui qui a inventé le genre littéraire des Évangiles. Mathieu et Luc en ont repris le plan et une partie du contenu, en y ajoutant leurs sources propres. L’Évangile selon Marc remonte — pense-t-on — aux années 70 et témoigne des événements qui se sont passées dans les années 30 à 33. Si l’on rapporte cette échelle de date à notre période, en 2015, nous n’aurions pas à douter d’un écrit des années 1970 qui raconterait des événements des années 1930.
Le récit de la Passion de Marc est d’autant plus crédible qu’il est très sobre : pas d’éléments miraculeux, pas d’éléments merveilleux. En fait, il pourrait même nous paraître trop sobre ! Il ne nous donne pas de preuve, seulement un tombeau ouvert, un tombeau vide, une absence. Le récit nous donne trois indices qui parlent de résurrection : le tombeau vide, la présence du jeune homme en vêtement blanc, et le renvoi en Galilée où l’on pourra retrouver Jésus.
Ce renvoi en Galilée est le rappel de la parole de Jésus, lors du dernier souper, lorsqu’il invite ses disciples à le retrouver en Galilée après tous ces événements. D’une manière cryptée, Jésus leur avait déjà annoncé sa résurrection et des retrouvailles. Il y a là une invitation de Marc au lecteur à retourner au début de son Évangile et à en faire une deuxième lecture, maintenant qu’on en connaît la fin !
Les disciples ont vécu avec Jésus au jour le jour, sans perspective, sans véritable compréhension, sans connaître les tenants et aboutissants. Ils côtoyaient Jésus sans véritablement le connaître, sans comprendre sa mission, comme nous le montre les diverses réactions de Pierre. La Passion de Jésus donne une couleur toute nouvelle à ce qui s’est passé et l’évangéliste invite les disciples à revivre tout ce parcours avec cette nouvelle lumière, ce nouvel éclairage.
C’est en Galilée que les disciples revivront avec le Christ. C’est pourquoi il n’y a pas de récits d’apparition de Jésus dans cette finale de l’Évangile selon Marc. Certains d’entre vous pourraient dire « Oui, mais vous n’avez pas lu le texte jusqu’au bout, les apparitions viennent après. » En fait, j’ai arrêté ma lecture où les plus anciens manuscrits s’arrêtent aussi ! Le texte original tel que l’a voulu l’évangéliste Marc se terminait ainsi : « Elles sortirent alors et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et remplies de crainte. Et elles ne dirent rien à personne, parce qu’elles avaient peur » (Mc 16:8).
Oui l’Évangile selon Marc s’arrête comme cela ! Les femmes fuient, elles tremblent, elles sont troublées, elles ont peur et ne disent rien à personne ! Cette fin est tellement abrupte— et incompatible avec la réalité que vivent les lecteurs de l’Évangile et que nous vivons : enfin si elle n’avait rien dit, alors nous ne serions pas là ! — que d’autres fins sont venues compléter l’Évangile de Marc.
Une fin courte qui dit que les femmes ont rapporté à Pierre ce qu’elles avaient vu et que la bonne nouvelle a été annoncé de par le monde. Une fin longue qui raconte brièvement trois apparitions, puis Jésus qui donne des pouvoirs aux disciples et une mention de l’ascension de Jésus, sur le modèle des autres évangiles.
Mais que voulait nous dire Marc en arrêtant son Évangile sur le silence des femmes qui découvrent le tombeau vide ? Pour s’approcher de l’intention de Marc il faut faire résonner on nous cet… inachèvement. Que ressentez-vous à l’annonce que les femmes gardent le silence sur la résurrection et que le texte s’arrête là ?
On peut penser :
Elles ne font pas leur travail…
- Tout risque de s’arrêter là… quel gâchis !
- Si tout s’arrête là, Jésus n’est-il pas mort pour rien ?
- Comment serait le monde si la résurrection de Jésus n’était pas annoncée, proclamée ?
En s’arrêtant sur le silence des femmes, Marc souligne que la nouvelle de la résurrection ne peut pas ne pas être transmise. Il le faut absolument. C’est une fin subtile qui nous met en mouvement !
Si notre premier réflexe est de nous mettre à juger ses femmes et à les mépriser pour leur peur et leur timidité, il ne reste qu’à tourner le miroir pour voir la timidité de notre propre témoignage. Si notre réaction c’est de dire « Mais quel dommage, ce message mérite d’être transmis ! » alors cette fin abrupte nous met en route et fait de nous des disciples.
Marc nous engage dans un paradoxe qui nous mobilise. Il nous met en situation de vouloir témoigner. En effet, le message est venu jusqu’à nous, quelqu’un est donc sorti de sa peur est de son silence. Si nous sommes là ce matin, c’est que des personnes ont reçu le message de la bonne nouvelle de la résurrection et nous la transmis. Il y a une chaîne de témoin jusqu’à nous… cette chaîne s’interrompra-t-elle… avec nous ? Saurons-nous aller en Galilée, vivre avec Jésus, ses guérisons, ses enseignements, sa Passion, pour en témoigner— à notre tour— autour de nous ?
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2015

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