Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7
    17.1.2016
    Rappeler qu’on peut rencontrer tout le monde.

    Luc 7 : 36-50       Luc 19 : 1-10

    Télécharger le texte : P-2016-01-17.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Vous avez entendu le récit de deux rencontres que Jésus a faites, l’une chez Simon le pharisien, avec une femme que les gens de la maison disqualifiaient et l’autre avec Zachée, un homme méprisé et haï par les habitants de son village pour sa rapacité.
    J’ai choisi ces deux récits, parce qu’ils sont représentatifs des rencontres que Jésus se permettait.
    A. Jésus osait aller au devant des autres et faire des rencontres improbables ou carrément interdites. Dans un pays occupé, il rencontre des romains, il guérit même le serviteur d’un officier romain (Lc 7:1-10). Il rencontre des agents du fisc qui récoltent l’impôt pour l’occupant, c’est le cas de Lévi/Matthieu (Mt 9:9-13) et Zachée. Il converse avec des étrangers, des syriens (Luc 6:17-19), des cananéens (Mc 7:24-30), des samaritains (Jn 4). Il parle, voir il touche ou est touché par des femmes (Mt 9:20-22), ce qui était considéré comme absolument inconvenant. Il entre en contact avec des handicapés, des infirmes, des malades et des personnes bannies de la société pour le risque de contagion : les lépreux (Luc 17:11-19).
    Les Evangiles nous racontent toutes ces rencontres pour nous dire à quel point Jésus sortait de l’ordinaire, bousculait les barrières sociales, combien il n’avait pas peur des conventions et du qu’en-dira-t-on. Il ne le faisait pas pour choquer ou ridiculiser la société dans laquelle il vivait. Il faisait cela pour transmettre le message divin suivant : Devant Dieu chaque être humain a la même valeur ; Devant Dieu chaque être humain est important ; Tous peuvent vivre ensemble devant Dieu ; Tous peuvent vivre les uns avec les autres : les barrières peuvent tomber.
    B. Quand Jésus renverse les barrières, ce n’est pas pour détruire, mais pour construire le vivre ensemble. Dans chaque rencontre, il repêche la personne exclue, limitée, handicapée, pour la remettre debout et la réintroduire dans sa communauté de vie. C’est pourquoi tant des rencontres de Jésus nous sont racontées sous la forme de guérisons, de résurrection ou de démons chassés. Jésus est là pour redonner de la vie, pour redresser ce qui a été tordu, pour réhabiliter ceux qui ont été exclus.
    C. Ainsi, les Évangiles ne sont pas des textes de morale ou des listes de principes. Ce sont des récits qui nous content, qui nous racontent la vie de Jésus. Ils nous racontent son existence parmi les humains pour nous dire qu’un vivre ensemble est possible, qu’il est souhaitable, que c’est même la seule issue pour sortir de la violence du monde.
    Les Evangiles nous disent aussi le coût qu’il y a à se risquer sur cette voie de la rencontre. Jésus se fait des amis parmi les personnes rencontrées, mais il se fait aussi des ennemis parmi ceux qui profitent des barrières et des haines entre groupes différents. Et Jésus en payera le prix, de sa vie.
    Ainsi, les Évangiles et la Bible racontent une vision du monde, celle d’un monde fondé sur l’égale valeur de tous les individus, une valeur garantie en Dieu. La Bible nous raconte un monde où chacun est invité à honorer ce Dieu qui garantit la valeur de chacun. Un monde où chacun est invité à aimer son prochain, puisque ce prochain est aimé de Dieu, que ce prochain est un représentant, une image du Christ lui-même.
    Voici le narratif, l’histoire — en résumé — que l’Évangile, la Bible nous propose, propose à la société d’aujourd’hui ! Une histoire qui dit notre origine commune (tous créés à l’image de Dieu) ; notre présent commun (tous aimé de Dieu) ; et notre destin commun (vivre ensemble en frères et sœurs).
    D. Mais, comme vous le savez, ce message, cette histoire, est aujourd’hui délaissée, n’est plus racontée, enseignée… Le message chrétien est traité de ringard, de vieux, de dépassé. Le christianisme est jeté aux orties avec toutes les autres religions, accusées ensemble de ne susciter que des guerres de religion et des massacres, voir la dernière couverture de Charlie Hebdo. Tout le monde se donne le mot pour dénigrer les religions. Mais qui dit aujourd’hui le besoin de vivre ensemble ? Qui dit d’où nous venons, pourquoi nous sommes ici et quel est notre destin pour l’avenir ? Personne.
    Il n’y a plus de récit commun ! Nous sommes dans une société morcelée où chaque âge, chaque groupe, a des références différentes. Et nos jeunes vont chercher sur YouTube ou sur Google l’histoire du monde et de leur avenir. Au mieux ils y trouvent des séries romantiques et des ados déjantés pour leur expliquer le pourquoi de la vie. Mais ils y trouvent aussi toutes les théories du complot, tous les « illuminati » ou les djihadistes du monde.
    Pas étonnant que tant de personnes — qui n’ont aucun ancrage — partent à la dérive et suivent la première théorie séduisante qui fera d’eux le héros médiatique d’un moment, parfois le moment de leur mort.
    Que voulons-nous pour nos enfants ? Nous avons dans le christianisme une tradition éprouvée, solide, qui met l’amour comme but suprême. Certes, notre tradition chrétienne doit être relue et reformulée en termes compréhensibles pour nos contemporains. Mais je crois fermement qu’elle contient tous les éléments pour un vivre ensemble en paix, dans le respect et la tolérance, y compris de ceux qui trouvent les mêmes valeurs dans une autre doctrine ou une autre religion.
    Jésus, par sa vie et ses rencontres, nous montre trois choses :
    1. On peut rencontrer tout le monde. Chaque personne est un trésor, chaque personne est aimable, quels que soient son origine, sa religion, sa culture.
    2. L’ouverture et la confiance sont des valeurs sûres. Elles nous permettent d’aller à la rencontre de tous et ce mouvement vers les autres, avec ouverture et confiance, les aident à déployer le meilleur d’eux-mêmes.
    3. Cette voie n’est pas facile et elle peut coûter cher. Il y a des ennemis de l’ouverture et il n’y a pas d’autres façons de les rencontrer que d’aller vers aussi, désarmés, au risque de sa vie.
    Jésus n’a cessé de prêcher l’amour et vivre l’ouverture dans toutes ces rencontres, et il en a payé le prix, le prix de sa vie. Mais c’est justement parce qu’il est allé jusqu’au bout, jusqu’au bout avec amour, sans violence et sans haine, que son message est le plus fort, que son message est encore entendu et vécu aujourd’hui, que son message est plus actuel que jamais, que son message est plus nécessaire que jamais.
    C’est ce message d’amour inconditionnel qui vaincra la haine, la violence et la terreur qu’on veut nous imposer. C’est ce message d’espérance que nous avons à diffuser auprès de nos enfants, de nos proches, de nos voisins et dans le monde entier.
    Amen
    © Jean-Marie Thévoz 2016

  • Des signes pour comprendre qui vient de naître

    Luc 2
    25.12.2015

    Des signes pour comprendre qui vient de naître

    Jérémie 23 : 1-5        Luc 2 : 1-20

    Télécharger la prédication : P-2015-12-25.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    C’est Noël et nous retrouvons le traditionnel récit de Noël tel que l’évangéliste Luc nous le raconte. Ce récit est construit pour nous ouvrir au mystère de la venue de Jésus, au mystère de cette naissance. Ce récit est construit, moins pour nous raconter exactement ce qui s’est passé au moment de la naissance de Jésus, que pour nous dire qui est celui qui naît et ce qu’il va devenir.
    C’est plus un récit théologique qu’un récit historique. Chaque phrase, chaque mot est choisi pour que nous puissions nous approcher du mystère de cette naissance, et surtout découvrir qui est en train de venir au monde.
    Il y a des éléments directs et factuels, des noms de lieux et des noms de personnes. Et il y a un discours indirect, allusif, comme des mots-valises qui — de manière très résumée  — doivent nous emporter vers d’autres récits et d’autres pensées.
    Dans un cours pour apprendre à raconter des contes, la conteuse nous encourageait à renoncer à dire directement ce que ressentait le héros : « Il est triste » ou « il est joyeux. » Elle nous apprenait à décrire ce qu’on aurait pu voir comme signes sur le héros pour déduire qu’il était triste ou joyeux. Le récit était plus riche si l’auditeur pouvait découvrir par lui-même, grâce à ces signes, ce que ressentait le héros.
    En posant quelques signes indirects, on ouvre tout un univers dans l’esprit de l’auditeur, un univers plus riche que les quelques mots utilisés. Ainsi si la conteuse parle d’odeur de cannelle et de coriandre et du chant des grillons, on est tout de suite emmené quelque part en Orient, et on peut soi-même placer dans le récit la tente du bédouin et les chameaux.
    Il en est de même dans ce récit de la naissance de Jésus, ou la mangeoire mentionnée nous fait placer immédiatement l’âne et le bœuf, les moutons et les dromadaires, même si ceux-ci ne sont pas présents dans le récit.
    C’est comme cela qu’on peut entendre ce récit et découvrir ce qu’il nous dit de ce petit enfant qui vient de naître. Évidemment, nous devons faire un petit effort — puisque nous connaissons la suite de l’Évangile — pour ne pas tenir compte de ce qui suit et nous en tenir à ce récit seulement.
    A. Ce récit — grâce à l’artifice du recensement — nous informe que Jésus est un descendant de David. Cette mention du roi David fait revivre en nous quelques pages de l’Ancien Testament et la promesse d’un Messie descendant de David. Mais bon, tous les descendants de David n’ont pas été le Messie attendu. Donc il faut attendre d’autres indices pour confirmer cette messianité.
    B. Marie et Joseph n’ont pas eu accès à la salle de l’hôtellerie et doivent se contenter d’une étable. Cela nous informe sur le statut économique de la famille. Jésus va être élevé et évoluer dans la pauvreté. Cela contredit plutôt la messianité de Jésus, ou bien cela va nous aiguiller vers un autre type de messianité, celle décrite dans le livre d’Esaïe (voir prédication du 4.12.2011), sous la forme de la figure du Serviteur souffrant. Un Messie qui ne vient pas dans la gloire, qui n’exerce pas son autorité par la force, mais qui porte les souffrances de son peuple.
    C. Ensuite vient l’annonce faite au berger par les anges. C’est l’irruption du divin qui vient apporter un message pour comprendre la naissance de Jésus. On comprend ici qu’il y a un lien tout particulier entre Dieu et ce nouveau-né. Le message est clair, lumineux, transparent. Cet enfant est béni par Dieu, il naît sous sa protection, de par sa volonté. Il reçoit par là au moins une caution divine, si ce n’est un caractère divin.
    Si je résume, on a reçu trois signes concernant ce nouveau-né : il est le fils de David, Messie potentiel ; il est proche de la figure du Serviteur souffrant ; et il est confirmé dans ses titres par la voix des anges.
    C’est clair que c’est déjà suffisant pour faire de Jésus un être important et décisif dans le plan de Dieu. Mais je pense que le récit nous met sur la piste d’une quatrième identité pour Jésus. Jusque-là les trois premiers titres étaient affirmés en clair, le quatrième titre est donné indirectement à Jésus. Le récit nous y faire penser, sans le dire explicitement. Le récit, en effet, travaille en miroir : ce qu’on voit ailleurs va se réaliser avec Jésus. Je crois que c’est cela qui explique que la révélation des anges s’adresse à des bergers qui passent la nuit dans les champs.
    Le récit nous met, indirectement, sur la piste du souvenir de ce qui est dit des bergers et du troupeau dans l’Ancien Testament. Souvenez-vous des paroles entendues dans le livre de Jérémie : Dieu dit « Il y a de mauvais bergers qui laissent mon troupeau dépérir. Eh bien, je vais rassembler moi-même les survivants de mon troupeau. Je les ramènerai à leurs pâturages et je les ferai prospérer. » 
(Jér. 23:1-5)
    Le récit de Luc introduit ici des bergers, des bergers qui reçoivent une révélation divine et qui l’écoutent, qui agissent en fonction de cette voix divine. Ce sont des bergers fidèles : ils se rendent à l’étable et découvrent la véracité de la parole qu’ils ont entendue. Et après avoir vu et cru, ils vont répandre la bonne nouvelle.
    Cette action des bergers nous invite à voir en avance que Jésus va être lui-même le nouveau berger d’Israël, le nouveau berger du troupeau de Dieu, le nouveau berger de tous les égarés, de tous ceux qui se sentent perdus, délaissés, abandonnés.
    Jésus va prendre cette place de guide, de lumière pour guider chacun dans ce monde de nuit et de frayeur. Voici la bonne nouvelle, depuis cette naissance, nous ne sommes plus seuls, nous avons un guide, un berger pour nous conduire avec sécurité dans ces temps d’incertitude.
    Jésus vient, Jésus est là. Joyeux Noël !
    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2016