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  • Martin Luther King - Les trois dimensions d’une vie accomplie

    Apocalypse 21

    15.4.2018

    Martin Luther King - Les trois dimensions d’une vie accomplie

    Apocalypse 21 : 1-4+10-16 Luc 10 : 29-37

     

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Pour le message de ce jour, je me suis inspiré d'une prédication de Martin Luther King (1929-1968) — le pasteur afro-américain (on disait nègre à l'époque !) qui a lutté pour les droits civiques des noirs dans les années 60 aux Etats-Unis. Il a intitulé sa prédication : "Les trois dimensions d'une vie accomplie." *

    Martin Luther King part de ce passage de l'Apocalypse qui décrit la Jérusalem céleste, la ville parfaite. Martin Luther King en fait une lecture symbolique, où cette ville parfaite représente le modèle, l'exemple pour mener une vie accomplie, pour construire une vie achevée.

    La Jérusalem céleste est décrite comme un cube avec trois arrêtes égales : "la longueur, la largeur et la hauteur étaient égales" (Ap 21:16). Pour construire une vie accomplie, il faut aussi développer notre personnalité dans ces trois dimensions.

    A. Considérons d'abord la longueur de la vie. Cette première dimension, c'est la dimension égoïste de notre être. Oui, acceptons-le ! Il existe un intérêt personnel, sain et raisonnable à s'aimer soi-même. Cette dimension est nécessaire. On doit penser à soi-même, on doit avoir de la considération pour soi-même, pour exister, pour être un interlocuteur, pour être en relation.

    S'aimer soi-même signifie s'accepter soi-même. Il y a tant de gens qui voudraient être quelqu'un d'autre. Mais Dieu a donné à chacun quelque chose de significatif et d'unique. A chacun de le trouver et de le mettre en valeur. Et nous pouvons prier : "Seigneur, aide-moi à m'accepter quotidiennement, aide-moi à accepter mes capacités." A chacun de découvrir sa vocation particulière et à exercer ses talents avec application.

    Cela nous conduira à considérer la dignité de tout travail. Et Martin Luther King raconte que dans un magasin de chaussures, il avait vu un jeune homme qui cirait les chaussures avec tant d'application et de soin qu'il se disait : "Ce jeune homme est docteur en cirage de chaussure."

    B. Maintenant, si on s'arrête là, si on reste bloqué à cette première dimension, on va rester dans l'égoïsme. Il faut aussi considérer la largeur de la vie, qui est le souci externe du bien-être des autres. Et personne n'a commencé à vivre, tant qu'il ne dépasse pas les frontières étroites de ses propres soucis jusqu'à englober ceux de l'humanité tout entière.

    Pour nous faire comprendre cela, Jésus nous raconte l'histoire du bon Samaritain qui s'arrête auprès du blessé. Dans cette histoire, deux hommes passent sans s'arrêter. Pourquoi ? Ce que Martin Luther King pense, c'est qu'ils ne s'arrêtent pas parce qu'ils ont peur. Ils ont peur de ce qui va leur arriver s'ils s'arrêtent. "Que m'arrivera-t-il si je m'arrête et que j'aide cet homme ?"

    Le Samaritain qui passe par là renverse la question, il se demande : "Qu'arrivera-t-il à cet homme si je ne m'arrête pas pour lui venir en aide ?" C'est toute la grandeur de cette deuxième dimension de se demander : "Qu'arrivera-t-il à cet homme ?" et non pas "Que m'arrivera-t-il ?"

    Ce dont Dieu a besoin aujourd'hui, c'est d'hommes et de femmes qui se demandent : "Qu'arrivera-t-il à l'humanité si nous ne faisons rien ?" "Qu'arrivera-t-il à la planète si je ne fais rien?" "Qu'arrivera-t-il à mon canton, à mon pays si je ne vote pas ?" Quelque part sur notre route, nous devons apprendre qu'il n'y a rien de plus grand que d'agir pour autrui !

    C. Mais, ne nous arrêtons pas ici non plus. Vous savez, beaucoup de gens connaissent la vie dans sa longueur et dans sa largeur et s'arrêtent-là. Or pour nous accomplir, nous devons dépasser l'intérêt personnel, aller au-delà de l'humanité, en direction de Dieu ! Beaucoup de gens négligent cette troisième dimension, la hauteur.

    Or, nous avons besoin de Dieu. Nous ne pouvons plus croire que l'ultime de notre vie est de devenir célèbre ou d'avoir de l'argent à la banque. Nous avons besoin d'un vrai Dieu, d'un Dieu en rapport avec notre existence, notre être. Or voici que notre Dieu s'est présenté à Moïse en disant JE SUIS. Il dit à Moïse — pour que cela soit clair — "fait savoir à mon peuple que mon prénom et mon nom sont identiques : « Je suis qui je suis ». "Et dans l'univers, Dieu est le seul capable de dire JE SUIS et de faire suivre cette déclaration d'un point. JE SUIS point.

    Les philosophes et les théologiens ont donné toutes sortes de noms compliqués à Dieu. Mais nous n'avons pas besoin de tous ces termes qui sonnent bien. Nous avons à le connaître et le découvrir d'une autre façon, d'une façon personnelle. Un jour, vous devrez vous lever pour dire qui il est avec vos propres mots. - Les uns diront « Je le connais, il est le lys dans la vallée ». - Un autre « Il est la brillante étoile du matin.» - Un autre encore : « Il est l'ami pour celui qui n'en a pas. »

    Vous trouverez votre propre formule personnelle. Et si vous croyez en Lui et L'adorez, cela changera votre vie. Vous sourirez lorsque d'autres seront en pleurs. C'est le pouvoir de Dieu.

    Reprenons ces trois dimensions. Que faire pour accomplir votre vie ?

    A. Sortez aujourd'hui. Aimez-vous vous-mêmes, ce qui implique un intérêt personnel raisonnable et sain. Il faut le faire. C'est la longueur de la vie.

    B. Puis aimez votre prochain comme vous-mêmes. Il faut le faire. C'est la largeur de la vie.

    C. Et je vais terminer après vous avoir rappelé le premier et le plus grand commandement : « Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force. » Je pense qu'un psychologue dirait « de toute ta personnalité ». Et lorsque vous le faites, vous avez atteint la hauteur de la vie.

    Et lorsque vous liez ces trois dimensions, vous aurez une vie accomplie, vous pouvez marcher et ne jamais vous épuiser. Vous pouvez lever les yeux et discerner le chant des étoiles du matin. Avec ces trois éléments réunis dans votre existence, vous pourrez avancer inébranlables dans la vie.

    Amen

     

    * "Les trois dimensions d'une vie achevée" in Martin Luther King, Minuit, quelqu'un frappe à la porte, Genève, Labor et Fides, 2000, pp. 133-147.


    Pour habiter cette prédication, j'ai repris et modifié les phrases de la traduction française de la prédication de Martin Luther King. Aussi ai-je décidé de ne pas mettre de guillemets pour différencier ses termes des miens. Il faut considérer que les idées sont celles de Martin Luther King et l'expression tantôt la mienne et tantôt la sienne.

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    1.4.2018

    Le miracle de Pâques, c’est que Jésus nous fait comprendre le sens de la croix

    Esaïe 53 : 7-12      Osée 5 : 15 — 6 : 3        Luc 24 : 33-48

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Aujourd'hui, nous rappelons, nous commémorons, mais surtout, nous voulons vivre, nous imprégner de la journée qui a changé la face du monde : le dimanche de Pâques. C'est pour les disciples le premier jour de la semaine après la fête de la Pâque. Une journée tout en contraste que nous allons suivre dans l'Evangile de Luc.

    La fête de la Pâque a dû être triste, douloureuse pour les disciples. Ils pleurent la mort de Jésus, arrivée le vendredi précédent, une mort ignominieuse pour leur maître et ami. En cette aube d'après sabbat, les femmes vont au tombeau pour s'occuper du corps de Jésus, les rites funéraires ne pouvant avoir lieu pendant le sabbat.

    Les femmes trouvent le tombeau vide et vont raconter leur découverte aux autres disciples. Pour eux, c'est du délire de bonnes femmes ! Seul Pierre va vérifier. Mais il en revient perplexe. Le tombeau vide ne fait pas l'effet d'une révélation.

    Deux compagnons quittent alors le groupe pour aller à Emmaüs. On connaît leur rencontre avec Jésus (Luc 24 : 13-35), qu'ils ne reconnaissent pas jusqu'au moment où Jésus rompt le pain avec eux, mais disparaît. C'est le soir, ils retournent cependant à Jérusalem témoigner de leur expérience. Là, ils trouvent les disciples qui ont aussi quelque chose à leur dire : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! Simon l'a vu ! » (Luc 24:34).

    C'est alors que Jésus se matérialise au milieu d'eux. J'utilise — moi — ce terme "se matérialise" parce qu'il rend bien l'ambiguïté de la situation. Luc — lui — dit : "Jésus se tint au milieu d'eux." C'est comme s'il n'était pas entré par la porte, c’est pourquoi les disciples le prennent pour un esprit, un fantôme. C'est pourquoi Jésus doit se faire reconnaître en montrant ses mains et ses pieds.

    Même là — encore — les disciples restent incrédules, nous dit Luc ! Jésus décide alors de leur demander à manger. Mais même cela ne suffit pas. Jésus doit leur "ouvrir l'intelligence en leur expliquant les Ecritures." (Lc 24:45)

    Il est intéressant de remarquer que pour Luc, les signes matériels ne sont pas convaincants, les signes matériels ne sont pas les éléments qui conduisent à la foi, à la reconnaissance de Jésus. Il est clair pour Luc — et pour les premiers chrétiens — que ces récits d'Evangiles ne posent pas la question de l'identité physique et biologique de Jésus, mais de son identité spirituelle ! Il ne s'agit pas de reconnaître un Jésus réanimé, revenu à la vie comme Lazare, mais de reconnaître "le Seigneur", "le Vivant."

    Cette reconnaissance ne passe pas par nos yeux, mais par la communion, le partage du pain et par la Parole, la compréhension de l'Ecriture. Il s'agit de reconnaître que dans la vie de ce Jésus qui a été crucifié se réalisait, s'accomplissait le plan de Dieu, la révélation de l'amour total de Dieu envers tous les humains. Dieu ne cherche pas à éblouir par un miracle — même le miracle de la résurrection — il cherche à être entendu et compris.

    Le miracle de Pâques, le miracle de la résurrection, c'est l'action de Dieu lorsqu'il ouvre l'intelligence des disciples pour qu'ils comprennent les Ecritures, pour que nous comprenions les Ecritures.

    Pâques doit nous amener à comprendre les récits de la Bible, les récits de personnages victimes de malheurs, de persécutions. Surtout comprendre que ces personnages ne sont pas poursuivis par Dieu, mais qu'au contraire, Dieu se tient à leurs côtés — même si c'est contre toutes les apparences !

    Comme le dit le Chant du Serviteur souffrant d'Esaïe : "Le Seigneur approuve son serviteur accablé et il rétablit celui qui avait offert sa vie à la place des autres." (Es 53:10) Et il en est ainsi à travers tout l'Ancien Testament. Dieu est aux côtés d'Abel, de Joseph, d'Urie, de Naboth, de Jérémie, de Daniel, de même qu'il sera aux côtés d'Etienne et de tous les martyrs chrétiens ultérieurs.

    La révélation, c'est que Jésus crucifié explique les Ecritures. Le récit de la mort et de la résurrection met en lumière tout ce qui se trouve déjà écrit. Et maintenant Jésus ouvre aussi notre intelligence, notre esprit, pour que nous puissions relire nos vies à sa lumière, à la lumière de Pâques, à la lumière de la résurrection.

    Le miracle de Pâques, c'est de pouvoir se retourner et voir dans nos vies la présence de Dieu, de voir ses pas à côté des nôtres, de voir qu'il était là pour nous guider, pour nous consoler, pour nous réjouir. La joie de Pâques, c'est de laisser notre esprit s'ouvrir à cette présence, d'avoir foi d'être accompagnés maintenant, d'être accompagnés toujours.

    Alors, Joyeuses Pâques à tous !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Le rideau du Temple est déchiré

    Matthieu 27

    30.3.2018

    Le rideau du Temple est déchiré

    Esaïe 53 : 1-12 Hébreux 10 : 19-24 Matthieu 27 : 35-38 + 45-53

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous avons entendu le passage biblique qui raconte la mort de Jésus. Lorsque je relis ce récit — comme l'ensemble du récit de la Passion — je suis frappé par la sobriété du récit. On aurait pu imaginer que les premières Eglises, dans un élan de mémoire et par vénération pour leur Seigneur, aient enjolivé le récit, rajouté toutes sortes d'éléments pour bien montrer le rôle exceptionnel de leur héros ! Non, rien de tout cela. Le récit est court, sobre, mesuré. On voit que chaque mot est pesé, pensé, porteur de sens, de signification, mais il n'y a pas de dérive vers le fantastique ou le miraculeux — au contraire, pourrait-on dire.

    Il y a comme la nécessité que ce récit soit un procès-verbal fidèle de ce qui s'est passé, dans son dépouillement, sa crudité, sa cruauté aussi. Le sens vient du compte-rendu et non de rajouts. Cela est possible par le fait que les mots utilisés pour rendre compte des événements sont autant de renvois à d'autres textes et récits pour l'auditeur averti.

    On pourrait dire que les évangélistes sont les inventeurs de ce qu'on appelle en langage informatique de l'hypertexte ! De l'hypertexte, c'est un mot qui s'affiche en couleur sur l'écran et sur lequel on peut diriger le curseur de la souris et cliquer. Du mot choisi surgira une nouvelle fenêtre sur laquelle on peut lire une information supplémentaire concernant ce mot.

    Pour le récit de la mort de Jésus, ces informations supplémentaires viennent de l'Ancien Testament. Ce n’est qu'au travers du message de l'Ancien Testament que la mort de Jésus a pu être comprise par les disciples.

    La relecture de la Passion passe donc par le Ps 22 (que nous avons antiphoné au début du culte 64-23) et par Esaïe 53 (que nous avons entendu). Dans ces deux textes se trouvent un grand nombre de paroles qui aident à comprendre la mort de Jésus, comme messie souffrant.

    Un mot dans le récit de la mort de Jésus a retenu mon attention cette semaine : "Jésus poussa un grand cri et mourut. A ce moment, le rideau suspendu dans le Temple se déchira, depuis le haut, jusqu'en bas" (Mt 27:50-51).

    Le rideau qui se déchire n'est pas une citation de l'Ancien Testament, ne se trouve ni dans le Ps 22, ni dans Esaïe 53, et pourtant les trois évangélistes le mentionnent ! C'est une phrase intrigante. Que veut-elle nous dire ? Cela se passe exactement au moment de la mort de Jésus. Cela signifie que la mort de Jésus provoque quelque chose à l'intérieur du Temple.

    Le rideau dont il est question sépare le lieu saint où sont apportées les offrandes par les prêtres, du lieu très saint ou devraient résider l'Arche de l'alliance et les Tables de la Loi (je dis "devraient" car elles ont disparu lors de la démolition du premier Temple en 587 avant J.-C.).

    Le lieu très saint est inaccessible aux hommes, sauf une fois par an, par le grand-prêtre, pour un rituel du pardon des péchés de tout le peuple. Le grand-prêtre doit en premier offrir (hors du saint des saints) un sacrifice pour ses propres péchés et accomplir un rituel de purification. Ensuite seulement, il peut entrer dans le lieu très saint, apportant à Dieu l'ensemble des péchés du peuple d'Israël.

    Il y a deux éléments dans cette partie rituelle, une aspersion de sang sur l'arche et le rituel du bouc émissaire qui sera ensuite envoyé dans le désert avec les péchés du peuple (voir Lév. 16).

    Ainsi le grand-prêtre doit se présenter devant Dieu sans péché et apporter tous les péchés de son peuple pour le grand pardon.

    Lorsque les évangélistes affirment que le rideau du Temple s'est déchiré de haut en bas au moment où Jésus meurt, ils déclarent en quelque sorte qu'à ce moment Jésus entre dans le lieu très saint. Il entre en tant que grand-prêtre sans péché et portant les péchés de tout le peuple, voire de la terre entière.

    Si le rideau est déchiré, c'est que cette entrée est faite une fois pour toute, définitivement et que le rideau n'a plus d'usage après cela. Ce qui devait séparer les humains de Dieu n'a plus lieu d'être dès que Jésus l'a franchi. Les rapports entre Dieu et les humains sont fondamentalement et définitivement changés. Il n'y a plus de séparation entre Dieu et les humains. Il n'y a plus de rideau. Il n'y a plus que le Christ qui fait le lien entre Dieu et les humains, entre les humains et Dieu.

    Dieu — en Jésus-Christ — prend sur lui d'ouvrir à tous son pardon, ce qu'aucun de nos efforts ne pouvait rendre possible, ce qu'aucun sacrifice ne pouvait rendre possible.

    Le rideau déchiré abolit la séparation, marque la réconciliation que Dieu offre aux humains.

    "Ainsi, frères — comme le dit la lettre aux Hébreux — nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous a ouvert un chemin nouveau et vivant au travers du voile (...). Approchons-nous donc de Dieu avec un cœur sincère et une foi pleine d'assurance (...). (Heb. 10:19-22).

    Voilà ce que Jésus accomplit pour nous aujourd'hui !

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Matthieu 27

    18.3.2018

    A Vendredi-saint, une condamnation qui devient salut.

    Exode 12 : 5-7 + 12-13      Matthieu 27 : 11.27

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Nous avançons dans le temps de la Passion, nous approchons de Pâques, dimanche prochain, ce sera déjà les Rameaux.

    La lecture choisie se trouve dans le récit de la Passion dans l'évangile de Matthieu. Depuis leur arrivée à Jérusalem, les disciples ont déjà vécu l'épisode de l'onction à Béthanie, le dernier repas avec Jésus où il a mystérieusement transformé le sens du repas de la Pâque. Puis il y a eu la soirée à Gethsémané, l’arrestation et le reniement de Pierre. Maintenant, nous en sommes au procès de Jésus intenté par les autorités religieuses de Jérusalem. Ces autorités en appellent maintenant à Pilate, le procurateur romain, l'autorité politique et religieuse la plus haute de la région.

    Jésus comparaît donc devant Pilate, qui représente toute la puissance de l'empire romain. Jésus ne paraît pas impressionné, plutôt indifférent. Jésus ne répond même pas aux accusations, il ne trouve même pas nécessaire de se défendre, de se justifier. Jésus est là, tranquille, il a l'air sûr de son destin, de son innocence, comme de sa condamnation. Il ne cherche ni à y échapper, ni à confondre ses accusateurs. Il semble savoir que malgré leurs accusations, leurs cris, les manipulations de la foule — en fait — ni Pilate, ni les grands-prêtres ne peuvent modifier son destin.

    Les évangélistes —Matthieu ici — ne font pas des rapports journalistiques des événements, ils ont écrit ces textes pour que nous comprenions la signification des événements.

    Ici, la première chose à comprendre, c'est que tout est entre les mains de Dieu, plutôt qu'en celles des hommes, qu'ils soient bons ou méchants. Tout est entre les mains de Dieu et le résultat sera différent de ce que les humains ont en vue ! Il y a à la fin de ce récit du procès, une phrase terrible : pour décider Pilate à condamner Jésus, le peuple déclare : "Que les conséquences de sa mort retombent sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) Le peuple est prêt — dit-il — à assumer les conséquences de sa volonté, que le sang de Jésus retombe sur lui !

    Le sang dans la pensée juive est le siège de la vie. Très pratiquement, lorsque quelqu'un saigne beaucoup, il meurt. Au tout début de la Bible, le sang d'Abel réclame vengeance contre Caïn. Lorsque le sang coule, il doit y avoir vengeance, réparation, quelqu'un doit payer. Le peuple dit être prêt à en payer le prix. Voilà le sens premier de cette phrase, lue du point de vue de la culpabilité.

    Mais Matthieu nous fait également un clin d'œil ironique et paradoxal ! Pour le croyant ou le lecteur averti, le sang de Jésus a coulé pour le salut de tous les humains. C'est ce que Jésus nous a fait connaître dans la sainte Cène : en donnant la coupe de vin, Jésus dit : "Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui est versé pour le pardon des péchés." (Mt 26:28)

    Le sang versé sur la croix, c'est le sang de l'agneau pascal, de la Pâque qui rappelle la libération d'Egypte après la dixième plaie contre le pharaon. A la Pâque, du temps de l'Exode, du sang de l'agneau a été appliqué sur les linteaux de la porte de la maison pour en interdire l'entrée à l'ange exterminateur. C'est une mesure qui sauve les habitants de la maison.

    Lorsque le peuple dit à Pilate : Que le sang de cet homme retombe sur nous et sur nos enfants", le peuple ne sait pas quelle vérité théologique il prononce. Il ne sait pas dans quelle mesure il participe, dans le savoir à l'établissement du salut.

    En une seule phrase, Matthieu exprime notre double destin à tous : tout ce que nous tentons, par nos propres efforts, ne sauraient nous rapprocher de Dieu suffisamment pour être sauvés; mais Dieu accepte et transforme nos tentatives pour accomplir sa volonté de salut.

    Dieu est le spécialiste des grands retournements, des grands renversements, des grandes conversions. Il nous surprend, il nous prend à rebrousse-poil, non pas pour nous contrarier, mais pour nous remettre dans la bonne direction, même s'il faut faire un demi-tour. C'est ainsi — et c'est le plus grand des retournements — qu'il ôte toutes nos misères, nos insuffisances et nos fautes, pour les placer sur la croix, où un innocent est pendu à notre place.

    Le procès de Jésus devant Pilate est écrit pour nous faire voir l'innocence de Jésus — l'agneau sans défaut. Il y a deux signes indirects : le silence de Jésus et l'absence de contenu aux accusations. Il y a aussi un signe direct : le message de la femme de Pilate à son mari : "N'aie rien à faire avec cet homme innocent".

    Dans les évangiles : Cherchez la femme ! C'est incroyable le nombre de fois où ce sont des femmes qui donnent la réponse vraie, le message de la foi. A Béthanie, c'est la femme au parfum qui porte témoignage du destin de Jésus. Avec Pierre, c'est une servante qui lui révèle sa vraie identité, sa vraie appartenance, malgré les circonstances difficiles et même si Pierre ne veut pas s'y reconnaître pour le moment. Ici, c'est la femme de Pilate. A Pâques, ce seront des femmes qui — les premières — découvriront le tombeau vide et comprendront l’extraordinaire de la situation.

    Ici, la femme de Pilate perçoit l’innocence de Jésus et en averti son mari qui a — en apparence — la vie de Jésus entre ses mains. Il a bien ce pouvoir « en apparence » comme tous les autres acteurs qui pensent maîtriser la situation.

    La phrase à double sens de Matthieu "Que le sang de cet homme retombe sur nous et nos enfants." (Mt 27:25) souligne que personne ne sait vraiment ce qui se passe et dans quel cercle de violence il est happé, en même temps acteur et victime. Seul Dieu voit le drame qui se déroule. Seul Dieu peut faire en sorte que le sang du malheur et de la vengeance devienne le sang du salut et de la vie. Encore une fois dans l’histoire de son peuple — cela se passe depuis Abel — Dieu va prendre le parti de la victime. Dieu va réhabiliter ce Jésus mort sur la croix en le ressuscitant.

    Cette phrase à double sens nous prépare et nous guide vers le plus grand retournement de toute l'histoire que Dieu opère : faire en sorte que celui qui était mort sur la croix ressorte vivant du tombeau.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018