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  • Ce qui appartient au Père, appartient aux enfants.

    Galates 4

    27.5.2018

    Ce qui appartient au Père, appartient aux enfants.

    Gal. 4 : 1-7        Jean 14 : 25-29

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Dimanche dernier nous fêtions la Pentecôte, jour où l'Eglise commémore le don de l'Esprit saint aux disciples et à l'Eglise toute entière. Jésus — nous l'avons entendu dans la lecture de l'Evangile de Jean — avait annoncé à ses disciples que l'Esprit saint serait envoyé une fois que lui les aurait quittés. C’est ce qu’ont vécu les premiers disciples, la première Eglise.

    C’est ainsi que Paul explique à la jeune Eglise de Galatie pour quoi, dans quel but l'Esprit saint leur est donné : "Pour prouver que vous êtes bien ses fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son fils, l'Esprit qui crie « Abba ! mon Père ! ». Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4 : 6-7)

    L'Esprit qui est donné au croyant par Dieu crée un lien de filiation. Ce lien de filiation indique plusieurs choses (il est peut-être bon d'avoir ici en mémoire la parabole que Jésus a racontée sur le "fils prodigue", sans oublier le fils aîné de la parabole (Luc 15:11-32))

    a) la première chose que nous montre le lien de filiation, c'est la proximité. Père et fils sont proches, ils se côtoient, ils travaillent ensemble. L'idée de séparation est vue comme une anomalie, un échec de la relation.

    b) la deuxième chose qui vient avec la filiation, c'est la notion d'héritage. Chez nous on dit "Tel père, tel fils" ou bien "Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre." Qu'il le veuille ou non, qu'il l'accepte ou se révolte, l'enfant hérite beaucoup de choses de ses parents en termes d'héritage psychologique, d'attitudes et de comportement.

    c) enfin, la filiation signifie aussi la copropriété de l'héritage matériel (voyez le fils aîné de la parabole qui ne s'en doutait pas !). Il y a une communauté de gestion, communauté de biens. Ce qui appartient au père appartient aussi au fils. L'Esprit du Père est donné aux fils pour mener une oeuvre commune dans le monde !

    Paul définit le fils en l'opposant à l'esclave. C'est très important pour l'Eglise de Galatie — qui avait la tentation de replonger dans une spiritualité fondée sur l'obéissance stricte à la Loi (avec le risque de devenir des pharisiens chrétiens) — et pour nous aujourd'hui — où le monde ne parle que de liberté : défendre le monde libre (contre le terrorisme); avoir plus de temps libre; lutter contre toutes les atteintes à la liberté, etc... Ça sonne bien et honni soit celui qui osera dire le contraire ! Mais de quelle liberté s'agit-il ? Celle de tous ou celle du petit groupe qui contrôle celle des autres ?

    Paul oppose l'esclavage à la filiation : "Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils." (Gal 4:7). La liberté, c'est Dieu qui la donne et la liberté n'est pas l'abandon de tout lien — comme s'il était possible de vivre sans lien, donc sans relations — mais l'attachement à un maître qui libère par opposition à un maître qui enchaîne et asservit. La liberté n'est pas l'abolition de toutes les lois, cela ne peut conduire qu'au rétablissement de la loi du plus fort.

    La liberté, c'est d'accomplir la loi (le double commandement d'amour) non par soumission scrupuleuse et par crainte d'une punition, mais par choix, parce qu'on a compris la bonté et l'utilité du commandement. Accomplir la loi, non par soumission comme l'esclave, parce que le maître l'a dit, mais par l'Esprit de Dieu, parce qu'on a compris où cela conduit.

    Par exemple, on m'a dit de ne pas tricher ni mentir. Le ferais-je parce que j'ai peur de la transgression ou parce que je comprends que sans cette règle je ne peux pas vivre de vraies relations avec quiconque ?

    L'Esprit de Dieu nous rend libre chaque fois qu'il nous aide à comprendre la visée d'une règle et nous conduit à l'adopter comme si c'était nous-mêmes qui l'avions inventée ! Mais cette question de liberté n'est-elle pas devenue caduque dans notre société occidentale ? N'avons-nous pas toutes les libertés qu'il nous faut, même trop de liberté — comme on l'entend parfois ?

    Quel est cet esclavage dont nous parle Paul ? Que veut-il dire lorsqu'il écrit : "nous étions esclaves des forces spirituelles du monde" (Gal 4:3) ? Est-ce dépassé ou est-ce encore actuel ?

    Si je pose la question, c'est que je pense que c'est encore actuel. Il y a encore aujourd'hui un combat à mener pour la liberté contre les "forces spirituelles du monde". Simplement il faut actualiser le vocabulaire. On ne peut plus parler en termes de forces célestes, d'anges et de démons.

    Aujourd'hui le vocabulaire parle de pressions sociales, de modes, de tendances, de trends ou encore de conditionnements ou de pulsions. Et c'est vrai que ces luttes ne doivent plus être projetées sur l'écran du ciel, hors de nous. La lutte se mène en nous-mêmes et dans la société pour savoir à qui nous allons faire allégeance : sera-ce aux manipulateurs de l'opinion publique; aux endormeurs de conscience; aux charmeurs de nos égos; aux vendeurs de rêve qui se remplissent les poches ? Ou sera-ce à ce Dieu qui nous veut libres, libres de toute dépendance, libres de former notre opinion, libres de remplir nos caddies selon nos besoins et non selon les désirs des publicitaires ?

    Qu'est-ce qui fait un esprit libre dans les tempêtes du monde actuel ? Si nous sommes un voilier soumis aux vents de tous ceux qui veulent nous asservir, il faut choisir une destination. D'où que vienne le vent, un voilier peut voguer vers sa destination. Il peut y parvenir par une multitude de chemins.

    Lorsque Dieu nous donne son Esprit, pour faire de nous des Fils, il nous donne cette destination, ce but, et il nous donne la liberté de choisir notre voie pour y parvenir.

    Que l'Esprit de Dieu qui vous fait enfants de Dieu vous accompagne sur votre route.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018

  • Joseph, à la place de Dieu ?

    Genèse 50

    13.5.2018

    Joseph, à la place de Dieu ?

    Genèse 50 : 12-22          Matthieu 23 : 1-12

     

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    Chers frères et sœurs en Christ,

    Nous revenons à Joseph, le fils de Jacob, pour conclure notre saison d’études bibliques. Nous sommes à la fin de la saga de Joseph. Joseph à pu faire descendre toute sa famille pour vivre en Égypte. Jacob y a achevé sa vie, il est mort. Joseph et ses frères ont pu l’enterrer dans la concession familiale à Makpela.

    Les frères se retrouvent donc seul, entre eux. Il n’y a plus l’autorité paternelle au-dessus d’eux : cela change fondamentalement la dynamique familiale, de sorte que les vieux démons ressurgissent. Et si Joseph — qui est toujours le premier ministre de l’Égypte — décidait de devenir le chef de la famille ? Il aurait tout pouvoir de se venger de ses frères — sans crainte d’une réprobation de son père — puisque Jacob n’est plus là.

    Les frères ont peur ! Leur imagination fait des scénarios qui ressemblent au premier rêve de Joseph : ils le voient les dominer, être leur maître. Bizarrement, ils font des choses contradictoires : d’un côté ils se mettent sous la protection d’une parole de Jacob qui invite Joseph au pardon, de l’autre il viennent proposer à Joseph d’être ses serviteurs, voir ses esclaves. Ils mettent eux-mêmes en œuvre leurs pires craintes !

    Ce qui est intéressant ici, c’est la réaction de Joseph. D’abord il pleure. Il est attristé de voir que ses frères se trompent sur ses intentions. Joseph les avait pourtant déjà rassuré. Joseph leur avait transmis son interprétation de son parcours lorsqu’il s’était fait reconnaître : « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu. Et c’est encore lui qui a fait de moi le ministre de pharaon. » (Gn 45:8) Joseph leur a déjà pardonné depuis longtemps et maintenant ses frères reviennent avec leurs vieilles craintes.

    Ensuite Joseph les rassure avec cette formule classique : « N’ayez pas peur » ou « Ne craignez pas ». Formule classique que les prophètes utilisent de la part de Dieu pour rassurer son peuple (Joël 2:22, Aggée 2:5, Zach 8:13,15, 2 Ch 20:15). Formule que Jésus utilise deux fois envers ses disciples. D’abord lorsqu’il rejoint la barque des disciples sur le lac après avoir marché sur l’eau (Mt 14:27, Mc 6:50, Jn 6:20); ensuite lors de la transfiguration (Mt 17:7).

    Enfin Joseph leur pose une question — une question qui est habituellement traduite par : « Suis-je à la place de Dieu ? » Cette question appelle une réponse négative : non, Joseph n’est pas à la place de Dieu, il n’est pas au-dessus de tous les êtres humains, y compris ses frères.

    Cela implique qu’il est au même niveau que ses frères, que même après la mort de leur père, il forment toujours une fratrie, sans soumission : personne ne l’esclave d’un autre, ni domination : personne n’a une prééminence particulière. Joseph est un serviteur de Dieu, comme le sont ses frères (Gn 50:19). Ils sont sur pied d’égalité.

    Cette abolition des hiérarchies se retrouve dans l’enseignement de Jésus. Jésus conteste tous ceux qui s’élèvent par eux-mêmes pour dominer les autres. Il reproche particulièrement cela aux pharisiens qu’il accuse de s’être « assis sur la chaire de Moïse » (Mt 23:2) c’est-à-dire de se mettre à la place de Dieu pour commander. Aussi Jésus recommande-t-il de ne pas se prévaloir de titre de Maître, Père ou Chef (vv.8-10) pour asseoir sa domination.

    Lui-même renonce à tout pouvoir, comme le rappelle la lettre aux Philippiens qui dit de Jésus : « Il possédait depuis toujours la condition divine, mais il n’a pas cherché à être l’égal de Dieu, au contraire il a pris la condition de serviteur.» (Phil. 2:6-7) Jésus a donc décidé de se placer en dessous de sa condition, en dessous de Dieu.

    Or, dans le texte de la Genèse, le mot — qui est habituellement traduit par « à la place de » dans la question de Joseph à ses frères : « Suis-je à la place de Dieu » — veut littéralement dire aussi « en-dessous ». Donc une deuxième traduction possible de la question de Joseph est-elle : « Suis-je en dessous de Dieu ? » Ce qui sous-entendrait que Joseph se place en égal de Dieu !

    Nous avions vu dans nos études bibliques que ce n’était pas inhabituel dans cette saga de Joseph. Quand le pharaon demande à Joseph s’il peut interpréter ses rêves de vaches grasses, Joseph répond que Dieu seul peut interpréter les rêves, mais il continue en donnant son interprétation (Gn 41:16) !

    Ainsi lorsque Joseph dit à ses frères : « Je ne suis pas moins que le Dieu » (dans cette deuxième traduction) Joseph cherche à opérer un recadrage de l’image de Dieu pour ses frères (comme Jésus le fait fréquemment racontant des paraboles).

    En affirmant à ses frères : « je ne suis pas moins que Dieu» il leur dit qu’il a autant de pouvoir que Dieu sur eux, mais il va aussi leur montrer qu’ils se trompent sur l’exercice du pouvoir de Dieu. Qu’est-ce que les frères ont à craindre de Joseph s’il se mettait à agir à la place de Dieu ? Tout, si Dieu est méchant, dominateur. Rien, si Dieu est bienveillant ! C’est bien ce que Joseph veut leur dire. Il leur demande : « Suis-je en dessous de Dieu, suis-je en dessous de la bonté de Dieu ? suis-je moins bon, moins bienveillant que Dieu ? » Dieu n’est pas comme vous, ni comme vous le pensez.

    Joseph leur donne un exemple « Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu me faire du bien : faire vivre un peuple nombreux.» (Gn 50:20) Dieu est celui qui a retourné le mal commis contre Joseph en un bien qui rejaillit sur tout le clan, qui va devenir une nation nombreuse. Dieu est pour le bien, Dieu est pour la vie, c’est ce rôle là que Joseph va assurer envers ses frères.

    Les deux possibilités de traduction — dont la première indique la soumission à Dieu et la seconde l’égalité avec Dieu — nous présente deux positions. Deux positions qui sont assumées aussi bien par Joseph que par Jésus, ou par tout être humain.

    La première position est celle du service, de l’humilité, de la reconnaissance que Dieu est au-dessus de tous. Cette position fonde l’égalité entre tous les humains.

    La deuxième position montre que nous ne sommes pas au-dessous de Dieu quand nous agissons avec la même intention, les mêmes pensées que Dieu. Dieu élève à sa hauteur celui qui agit avec amour et bienveillance.

    Ces deux positions sont assumées autant par Joseph que par Jésus : vivre en frère, en fraternité et agir avec plein amour. Deux missions auxquelles nous sommes pareillement appelés.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2018