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  • Le pouvoir du pardon donné aux humains

    Pour le dimanche 26.4.2020

    Jean 20

    Le pouvoir du pardon donné aux humains

    Colossiens 3 : 12-15.       Matthieu 9 : 1-8.       Jean 20 : 19-23.

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Lorsqu'on lit l'Evangile à la suite, en entier, on constate tout de suite que l'enseignement que Jésus a donné est concentré dans la première partie, lors de son ministère sur les chemins de Galilée, de Samarie et de Judée. Ensuite vient le récit de la Passion. Puis pour terminer, une partie très courte rapportant la période après la résurrection.

    Aussi, les paroles de Jésus après sa résurrection, sont-elles très rares. On peut penser qu'elles sont d'autant plus importantes. Elles sont comme le testament, un ultime rappel, qui renvoie — en le mettant en évidence — à l'enseignement qui a été donné précédemment.

    Dans cette apparition de Jésus que nous dépeint Jean — le soir du jour de la résurrection — Jésus prononce peu de paroles. Il dit : "La paix soit avec vous" (deux fois) et prononce trois phrases :

     

    "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" et "Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés obtiendront le pardon; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l'obtiendront pas." (Jn 20:21-22).

    "Moi aussi, je vous envoie..." c'est le transfert des pouvoirs, de Jésus à ses disciples, de Jésus aux êtres humains, de Jésus à nous qui formons son Eglise ! Ce transfert se fait à travers le don de l'Esprit Saint, et le pouvoir qui est donné, c'est celui du pardon.

    Vous avez entendu dans le récit de la guérison de l'homme paralysé, la polémique qu'a eu Jésus avec les maîtres de la loi sur qui ? a le pouvoir de pardonner. Pour les théologiens de l'époque de Jésus, "Dieu seul peut pardonner les péchés" (Mc 2:7). Mais, c'est une affirmation que Jésus conteste. Jésus conteste cela en affirmant que les péchés de l'homme paralysé sont pardonnées — et cela provoque la colère des théologiens — il "prouve", en quelque sorte, que Dieu est d'accord en guérissant cet homme.

    Après ce pardon et cette guérison, ce rétablissement, ce relèvement, la foule souligne — comme un choeur le ferait dans une tragédie grecque — l'importante transformation opérée par Jésus : "la foule loua Dieu d'avoir donné un tel pouvoir aux humains" (Mt 23:8). Oui, c'est aux humains, donc à nous que Jésus donne — avant et après la résurrection — le pouvoir de pardonner, de pardonner les péchés.

    Il est important de bien comprendre le sens de ces deux termes, car avec le temps, ils se sont un peu déformés. Le péché. Un mot qui ne nous parle plus tellement aujourd'hui, il n'a plus vraiment la cote. Un mot qu'on n'aime pas rencontrer sur son chemin parce qu'il fait penser à la faute, à la culpabilité, à être coupable.

    En fait, le mot "péché" désigne tout ce qui fait obstacle à une vie harmonieuse, en paix, avec soi-même, avec Dieu et avec les autres. Ce mot ne désigne donc pas en premier lieu les fautes, les petites fautes qu'on commet, mais tous les poids, tous les fardeaux, les malheurs ou les rancunes, les blessures ou les ressentiments qui empoisonnent notre vie, sans que forcément nous-mêmes ou quelqu'un d'autre n'ait commis de faute. La vie est compliquée et souvent injuste, cela suffit souvent à rendre les choses difficiles. Nous portons donc tous quelques malheurs, quelques souffrances qui nous paralysent et qui nous pèsent.

    Jésus nous offre le pouvoir de nous en débarrasser. Oui, le terme de pardon signifie en premier lieu dans la bouche de Jésus le fait de délier, de libérer une attache, libérer un animal attaché. Cela signifie défaire les cordes, les liens qui nous attachent au malheur, au mal qu'on a subi. Le pardon des péchés que Jésus nous offre est plus que son pardon — comme si nous avions commis tant de fautes envers lui — c'est un outil efficace, un pouvoir, pour être libérés de ce qui nous retient du côté du malheur.

    Le pardon, c'est accepter de laisser aller sa rancune contre le destin, pour aller vers une réconciliation intérieure de son être, pour retrouver sa paix intérieure, l'intégrité de sa personne.

     

    Ce pardon offert, c'est plus qu'une philosophie, c'est un vrai style de vie ! Il permet d'accueillir la vie telle qu'elle se présente à nous, non pas avec résignation, mais avec confiance. Il s'agit d'un pouvoir, de quelque chose qui nous rend capable d'affronter la réalité et de la transformer.

    Jésus insiste sur cette notion de pouvoir et de choix puisqu'il dit non seulement que ceux à qui on pardonne obtiennent le pardon, mais aussi que si l'on refuse le pardon, ce pardon ne surgira pas miraculeusement d'ailleurs. Le refus du pardon est aussi décisif que le don du pardon. Il est donc nécessaire d'y prendre garde.

    A partir de ce pouvoir de se libérer du poids du mal subi, la porte est ouverte à la transformation de sa propre vie. Plus besoin de se laisser enfermer dans un rôle — rôle de victime ou rôle de dominateur. Ce pardon est une liberté, liberté de choisir comment on reçoit son destin et comment on dirige sa vie, en paix avec soi-même, avec Dieu ou avec les autres.

    En nous donnant ce pouvoir de pardonner, Jésus nous donne le pouvoir de choisir notre style de vie, et donc le pouvoir de devenir heureux ou de rester malheureux. Nous n'avons pas de pouvoir sur bien des événements "qui nous arrivent", "qui nous tombent dessus", mais il nous appartient de décider comment recevoir et vivre cela : avec amertumes et rancoeurs contre un destin qui ne nous épargne pas ou avec la sagesse du pardon, pour être délié des fardeaux de la colère et du ressentiment.

    Jésus nous fait ce cadeau, apprenons à le recevoir et à en faire bon usage dans notre vie.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Ezéchiel 34. Le bon berger

    Pour le dimanche 19 avril

    Ezéchiel 34

    Le bon berger

    Ezéchiel 34:15-24.        Jean 10:7-14a.      1 Pierre 5 : 1-5

    télécharger le texte : P-2020-04-19.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Avez-vous entendu ce qui se passe au sein du peuple d'Israël du temps d'Ezéchiel ?

    "Pourquoi certains d'entre vous ne se contentent-ils pas de paître dans le meilleur des pâturages ? (...) Pourquoi troublez-vous ce que vous n'avez pas bu ? Le reste de mon troupeau est obligé de manger l'herbe que vous avez piétinée et de boire l'eau que vous avez troublée. C'est pourquoi moi, le Seigneur Dieu, je vous déclare ceci : Je vais être juge entre les bêtes maigres et les bêtes grasses de mon troupeau. Vous avez bousculé de l'épaule et du flanc les bêtes affaiblies, vous les avez repoussées à coups de corne jusqu'à ce que vous les ayez chassées du troupeau. Je viens donc à leur secours..." (Ez 34 18-22).

    Ezéchiel dénonce ce qu'on appelle aujourd'hui une société à deux vitesses, où certains dominent et exploitent les ressources ne laissant aux autres que des miettes, où certains marchent sur les têtes des autres pour s'engraisser, s'enrichir. Aujourd'hui, une société où les pays du nord exploitent les peuples à faibles revenus, pillent les ressources de la planète et détruisent l'environnement et la biodiversité.

    Une telle division du peuple d'Israël — entre bêtes grasses et bêtes maigres, les premières exploitant les secondes — ne peut laisser Dieu indifférent.

    Dieu avertit qu'il va revêtir sa robe de juge pour mettre de l'ordre dans tout cela. Son intention est de prendre soin de son troupeau, de son troupeau tout entier, en allant rechercher la brebis qui s'est perdue ou qui a été écartée du troupeau et en demandant des comptes à ceux qui l'ont chassée du troupeau.

    Dieu met sa robe de juge pour les uns, mais surtout il prend sa houlette de berger, car rassembler est plus important, pour lui, que juger. Et Ezéchiel nous parle d'une promesse messianique : Dieu va susciter un nouveau berger de la famille de David pour secourir son peuple.

    Dans la situation d'alors du peuple d'Israël, Dieu veut planter un repère solide qui dit où est le droit et où est l'inadmissible, où est la justice et où est l'exploitation, où est la vie et où est la mort. Ce repère essentiel, c'est le Messie, l'envoyé de Dieu, celui qui est plus grand que tout prophète.

    Lorsque Jésus dit : "Je suis le bon berger" (Jn 10:11), il endosse, il assume le rôle décrit par Ezéchiel, il est celui qui va faire le travail de juge, de tri dans le troupeau, celui qui va prendre le troupeau en main pour l'appeler à faire la volonté de son Père.

    Le bon berger n'est pas un personnage mièvre et auréolé de carte postale jaunie. C'est un homme costaud, courageux, qui prend la défense du plus faible contre l'attaque du loup, contre les dents des requins dirions-nous aujourd'hui.C'est le militant qui interpelle la multinationale. Le bon berger, c'est celui qui est tellement attaché à ses brebis qu'il est prêt à risquer sa vie pour elles. Ce n'est pas un mercenaire, un salarié, un membre de conseil d'administration prêt à quitter le navire au moindre écueil.

    Le bon berger est celui qui s'est mis au service du bien et de la prospérité du troupeau. Et Jésus mérite bien ce titre-là puisqu'il n'a pas hésité à aller jusqu'à la mort, la mort sur la croix, pour sauver son troupeau de la violence des loups. Jésus est le bon berger, attaché à donner le meilleur à son troupeau, à lui donner une vie abondante, même au prix de sa propre vie.

    Les autres, tous les autres qui sont venus promettre le bonheur, la prospérité, un avenir radieux, ne sont que des voleurs, des escrocs, des arnaqueurs. Il suffit de lever les yeux sur les affiches qui tapissent nos rues. On nous promet le bonheur à l'achat des produits exposés. Mais qui peut croire que notre vie sera remplie si notre caddie est plein ? La seule chose qui se remplit, ce sont les tiroirs-caisses des marchands et les poches des actionnaires.

    La publicité nous promet ce qu'elle ne peut nous offrir, Dieu nous offre ce qu'il nous promet : une vie riche et pleine.

    "Je suis la porte de l'enclos", ajoute Jésus. C'est par lui qu'il faut passer pour avoir accès à cette vie pleine et riche, parce que c'est par un contact, une relation profondément humaine qu'on accède à ce qui fait la richesse de la vie. «C'est seulement dans la rencontre d'un être humain, grâce auquel nous trouvons notre nature profonde, que nous avons accès à Dieu.»* Jésus, en tant qu'homme, en tant qu'être humain, nous ouvre la voie vers Dieu, autrement inaccessible.

    Cette tâche de berger, de conducteur vers Dieu, Jésus l'a confiée à ses disciples, pour l'assumer après lui. Souvenez-vous de ce dialogue entre le Christ ressuscité et Pierre : (Jean 21:15-19)

    — Pierre m'aimes-tu ?

    — Tu sais bien que je t'aime.

    — Alors prends soin de mes brebis.

    Et c'est dans l'épître de Pierre que cette recommandation est donnée aux Anciens :

     

    Prenez soin, comme des bergers, du troupeau que Dieu vous a confié (...) Ne cherchez pas à dominer ceux qui ont été confiés à votre garde, mais soyez des modèles pour le troupeau" (1 P 5:2-3).

    C'est à nous tous, membres de l'Eglise de Jésus-Christ, qu'il est demandé de ne pas chercher à dominer, c'est-à-dire dans les paroles d'Ezéchiel de ne pas soutenir le développement d'une société à deux vitesses et de laisser exploiter ceux qui sont sans défense. C'est contraire à la volonté de Dieu.

    Le berger va au secours de la brebis la plus faible et la réintègre dans le troupeau. C'est la tâche qui nous est confiée. A notre tour, nous avons ce rôle à jouer, auprès des personnes que nous côtoyons. Souvenons-nous de notre maître, le bon berger, et avançons dans ses traces.

    Amen

    * Eugen Drewermann, Sermons pour le temps pascal, Paris, Albin Michel, 1994, p. 323.11

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

     

  • Comme Paul, s'inscrire dans la lignée des témoins de la résurrection

    Pour le dimanche de Pâques, 12 avril 2020

    1 Corinthiens 15

    Comme Paul, s'inscrire dans la lignée des témoins de la résurrection

    1 Corinthiens 15 : 1-11.          Matthieu 28 : 1-10

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    Chers frères et soeurs en Christ,

    Dans chacun des Evangiles, Pâques, c'est le récit des femmes qui se rendent au tombeau de Jésus, dans le but de faire sa toilette mortuaire et l'enterrer dignement. Et c'est la surprise d'une réalité toute autre : celui qu'on cherche parmi les morts n'est pas là, il est vivant et il attend ses disciples en Galilée.

    Ces récits des Evangiles nous montrent les premiers témoins, leurs réactions, leur perplexité, leur foi ou leurs doutes. Ces récits nous donnent l'impression d'une proximité, d'une immédiateté des témoins avec les événements qui rend leur foi facile et — à nos yeux — leurs doutes risibles : Pourquoi les disciples ne croient-ils pas les femmes ? Pourquoi Thomas doute-t-il lorsqu'il a Jésus devant les yeux ?

    Si nous avions eu tout cela sous les yeux, ne serait-il pas facile de croire ? Cela ne serait-il pas convainquant pour nos voisins, nos proches, ceux qui doutent ?

    Comment passer de la première génération, celle des témoins visuels, aux générations suivantes, celles qui doivent croire sans voir ? C'est là que le témoignage de Paul, l'apôtre Paul, est important.

    Paul ne faisait pas partie des disciples de Jésus du vivant de celui-ci. Paul n'a pas été témoin du tombeau vide. Paul n'a pas été témoin des apparitions de Jésus entre Pâques et l'Ascension. Pire, Paul a été un persécuteur des premiers disciples, des premières communautés chrétiennes. Il s'est élevé contre la prétention des chrétiens à témoigner d'un certain Jésus de Nazarteh, tué par les autorités juives et romaines et prétendument ressuscité !

    Paul a cependant vécu une conversion sur le chemin de Damas. De persécuteur de Christ, il est devenu son apôtre, son défenseur, son ardent prédicateur. Dans sa première lettre à la communauté de Corinthe, Paul énumère les témoins des apparitions de Jésus : Pierre, puis les Douze apôtres, ensuite une foule nombreuse dont les Evangiles ne parlent pas. Et Paul se place après eux tous, comme le plus modeste d'entre eux.

    Paul se met donc sur la liste des témoins d'une apparition, mais non pour s'en glorifier, s'en vanter, mais pour montrer combien grande est la grâce de Dieu. Dieu lui a fait la grâce, à lui le persécuteur, de lui faire connaître Jésus-Christ. Paul n'a pas lieu de s'enorgueillir de cette apparition, de cette révélation, elle met simplement en relief la force de retournement, de renouvellement que contient la résurrection.

    Paul explique cela à la communauté de Corinthe. A Corinthe, il semble que Paul soit face à une communauté très diverse, qui est composée en partie de très petites gens et en partie de mystiques ou d'illuminés (dirait-on aujourd'hui) qui se glorifient d'expériences religieuses particulières et probablement spectaculaires.

    Paul, face à cela, les invite tous à revenir au Credo de base de la foi chrétienne. Il veut rassembler autant les illuminés qui impressionnent, que les gens modestes qui sont impressionnés par les premiers et se sentent inférieurs, incapables, abaissés.

    Paul répète ce Credo de base en quelques mots :

    "Le Christ est mort pour nos péchés (comme l'avaient annoncé les Ecritures)

    il a été enterré;

    il est revenu à la vie le troisième jour (comme l'avaient annoncé les Ecritures)

    il est apparu (à Pierre, aux Douze, à 500, à moi...)" (1 Co 15:3-4)

    Paul se place sur la liste des témoins, pour montrer qu'il y a une place pour chacun dans cette liste, lui qui se qualifie d'avorton, de moins que rien parce qu'il a débuté comme persécuteur.

    Ceux qui se prévalent du Christ et d'expériences grandioses n'ont pas compris la mort et la résurrection de Jésus. La résurrection de Jésus — l'homme crucifié — est le signe donné par Dieu du retournement, du renouvellement de toutes choses, dans la vie personnelle de chacun comme dans le cosmos tout entier.

    La résurrection de Jésus par Dieu est un événement indescriptible, impossible à raconter et à voir par des yeux humains (d'où des récits très différents suivant les Evangiles) parce que c'est l'irruption de la réalité divine dans le monde des humains. L'irruption d'une réalité toute autre, toute différente de nos échelles de valeurs humaines.

    L'irruption d'une espérance dans le désespoir;

    d'une ouverture dans nos impasses et nos blocages;

    d'une réconciliation possible dans nos brouilles et nos ruptures;

    d'une guérison de nos blessures intérieures;

    d'une libération de nos découragements, de nos lassitudes et de nos fatalismes.

    Croire en la résurrection, c'est se placer dans la liste des témoins pour faire mémoire du passé (Jésus était mort et il est vivant), c'est vivre du renouvellement, du retournement du présent, et c'est s'ouvrir à une futur, dans la confiance de Dieu. Oui, Christ est ressuscité et nous en sommes — encore aujourd'hui — les témoins.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • Tous coupables, tous acquittés

    pour Vendredi-Saint

    10.4.2020

    Tous coupables, tous acquittés

    Esaïe 53:1-12.       Jean 18:33-40.      Jean 19:1-16

    télécharger le texte : P-2020-04-10.pdf

     

    Chers frères et soeurs en Christ,

    Pilate demande à la foule : "Voulez-vous que je vous libère le Roi des Juifs ?

    La foule lui répond : "Non pas lui ! C'est Barabbas que nous voulons !" Or. Barabbas était un malfaiteur, un criminel. (Jn 18:39-40)

    Ce vendredi Jésus passe en procès, Jésus est jugé par les autorités religieuses, par les autorités politiques, par la foule. Tout le monde s'y met, et si nous nous étions trouvé à Jérusalem ce jour-là, nous aurions été mêlé au procès; d'un côté ou d'un autre. Même les disciples ont abandonné Jésus. Pierre a déjà renié son maître dans la nuit de jeudi à vendredi.

    Le procès de Jésus, c'est aussi le procès de l'humanité. Personne n'a reconnu qui était Jésus. Tous, nous avons participé à sa mise en croix. Terrible bilan : tous coupables.

    Vendredi-Saint est donc un vendredi noir, un jour où notre culpabilité est mise au jour dans la condamnation du Juste.

    Il n'est pas question de gommer, d'atténuer notre culpabilité, notre faute, en ce jour. Pourtant ce n'est pas le mot de la fin, le verdict définitif de Dieu.

    * * *

    L'évangéliste Jean est un fin écrivain et il manie l'ironie d'une plume vive et acérée. Presque toutes ses phrases ont un double sens ! Tous les personnages de ce drame disent leur rôle parfaitement, et en même temps, jouent un anti-rôle, un contre-jeu.

    Ecoutez :

    • Pilate livre Jésus à la mort de la croix, mais il ne cesse de clamer l'innocence de Jésus (Jn 18:38). Pilate est donc en même temps le premier "chrétien" qui confesse l'erreur judiciaire en cours.

    • La foule demande la libération de Barabbas, un bandit et la condamnation du Roi des Juifs. Mais par un jeu de mot hébreu, la foule condamne le Messie politique et demande la libération de "Bar-abbas", littéralement le fils du père, de Abba, Père, comme Jésus aimait à appeler Dieu son père.

    • Les soldats habillent Jésus en roi, et ainsi deviennent les premiers "adorateurs" du Christ.

    • Les prêtres accusent Pilate d'être un ennemi de César et ensuite confessent "Nous n'avons pas d'autre roi que César" (Jn 19:15). Triste affirmation, au second degré, de ce qui est véritablement en train de sa passer : les juifs abandonnent Dieu pour les idoles!

    Tout le texte de Jean est ainsi à lire au second degré. Tout est fausseté et vérité suprême. Toutes les moqueries deviennent des confessions de foi ! Même l'écriteau placé sur la croix de Jésus !

    Ces jeux de bascule du sens appuient le renversement fondamental, significatif de la Passion de Jésus : innocence et culpabilité sont irrémédiablement brouillés, entremêlés, indiscernables. Qui est innocent ? Qui est coupable ? Qu'est-ce que la vérité ? comme le demande Pilate (Jn 18:38).

    * * *

    Tous nos jugements sont anéantis ("Pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font" Luc 23:34). Devant la croix, tout jugement humain s'effondre. Nous pouvons nous juger coupables, impliqués dans la mort de Jésus, mais cette mort même est celle qui nous acquitte.

    "Il a subi notre punition

    et nous sommes acquittés.

    Il a reçu des coups

    et nous sommes épargnés." Esaïe 53:5 b.

    La mort de Jésus nous libère d'un enfermement constant dans la culpabilité, que ce soit la nôtre ou celle des autres. Là où nous voyons des fautes et jugeons, Dieu voit le malheur, la souffrance et il compatit. Là où nous jugeons, Dieu pardonne.

    Lorsqu'on parle de la toute-puissance de Dieu, et ces termes reviennent souvent dans la liturgie pascale, il ne faut pas y voir de la force musculaire ou de la puissance mécanique. C'est le pouvoir d'inclure tout le monde dans son pardon, dans son amour. C'est cette puissance de pardon qui est révélée sur la croix.

    La puissance de la croix est même anticipée. Jésus donne sa vie pour le salut, la libération de tout homme, mais c'est Barabbas, le premier, qui en profite. Le criminel, le coupable est acquitté, libéré grâce à Jésus ! Paradoxalement, en condamnant Jésus, la foule accomplit le plan de Dieu : libérer tout être humain.

    Nous sommes tous des Barabbas, des personnes qui transportons des sacs de culpabilité — réels ou imaginaires peu importe.

    Jésus ne juge pas, ne nous impute pas de fautes. Il laisse la foule crier en faveur de la libération de tout coupable (encore une confession de la vérité). Non-jugement, pardon, acquittement, libération, voici les termes de l'action de Dieu envers nous, aujourd'hui.

    Tous coupables ? Oui, mais tous acquittés !

    Amen.

    © Jean-Marie Thévoz, 2020

  • 1 Rois 19. Dieu renonce à exercer sa toute-puissance

    Pour le dimanche des Rameaux (bénédiction des catéchumènes) du 5 avril

    1 Rois 19

    Dieu renonce à exercer sa toute-puissance

    1 Rois 19 : 9-14.       Philippiens 2 : 5-11

    télécharger le texte : P-2020-04-05.pdf

    Chers frères et soeurs en Christ, Chers catéchumènes,

    Vous achevez maintenant la partie officielle de votre instruction religieuse, le catéchisme. Pendant ces quelques années vous avez été guidés, conduits sur des chemins tracés par d'autres. Vous avez dû suivre et passer là où on vous disait d'aller. Dès aujourd'hui, il n'y a plus de route toute tracée, vous êtes à un carrefour où vous pouvez choisir la direction que vous voulez prendre.

    Face aux grandes questions de la vie — l'amour, l'argent, la mort, pour faire bref — c'est à vous de trouver et d'apporter votre réponse. Si c'est encore flou pour vous maintenant, c'est normal, les grandes questions de la vie nous interrogent tout au long de l'existence, on n'y échappe pas.

    A votre âge aujourd'hui, mais aussi à l'âge de vos parents qui sont ici, de vos grand-parents, se pose la question "Qu'est-ce que je fais ici sur la terre ?" C'est la question que Dieu pose à Elie : "Pourquoi es-tu ici, Elie ?" (1 Rois 19 : 9,13)

    Elie a marché environ 500 km pour venir à la montagne de l'Horeb dans le massif du Sinaï, à l'endroit où Moïse a vu le buisson ardent et où il est revenu avec le peuple hébreu recevoir les Tables de la Loi. Elie est revenu là, sur la montagne de Dieu, parce qu'il a besoin de comprendre qui est vraiment Dieu !

    En effet, Elie vient de vivre une expérience traumatisante. Il y a eu une sorte de match entre prophètes (vous trouvez le récit de ce match dans 1 Rois 18), entre d'un côté les prophètes de Baal et de l'autre Elie, prophète de Dieu. Le match a été gagné par Elie et les perdants ont été mis à mort (cela se passait ainsi à cette époque !), avec pour résultat que le roi qui avait parié sur les prophètes de Baal est fâché et cherche à faire mourir Elie.

    Donc Elie a gagné en théorie, mais il est en train de tout perdre parce que la situation dégénère dans la violence. Est-ce vraiment cela que Dieu voulait ? Elie voudrait le savoir.

    Elie est dans la même situation que nous lorsque nous nous demandons pourquoi Dieu n'arrête pas les guerres, les massacres, les attentats ou les épidémies. Pourquoi Dieu ne nous empêche-t-il pas de faire le mal ? J'ai entendu plusieurs fois cette question et je comprends que ce soit pour vous un obstacle à croire en la bonté de Dieu.

    Alors, Elie, sur la montagne, souhaite en savoir plus sur Dieu et son implication dans le monde. Et Dieu lui offre une réponse, qui est aussi une réponse qui nous est destinée !

    "— Sors, lui dit le Seigneur; tu te tiendras sur la montagne, devant moi; je vais passer. Aussitôt un grand vent souffla, avec une violence telle qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur, mais le Seigneur n'était pas présent dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre; mais le Seigneur n'était pas présent dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu; mais le Seigneur n'était pas présent dans le feu. Après le feu, il y eut le bruit d'un léger souffle. Dès qu'Elie l'entendit, il se couvrit le visage avec son manteau, il sortit de la caverne et se tint devant l'entrée." (1 Rois 19: 11-13)

    Elie a reconnu la présence de Dieu dans le léger souffle ! Comment comprendre cela ? Et bien, Dieu refuse d'être présent dans tout ce qui représente une force menaçante pour l'être humain.

    Dieu connaît les mécanismes, les ressorts, de la violence. Il sait que la violence s'alimente à la force qu'on lui oppose, il sait que la violence et son opposition conduisent à une escalade sans fin, à une spirale qui enfle jusqu'à tout détruire autour d'elle. Alors, Dieu a choisi de ne pas alimenter cette spirale de la violence par une intervention en force, il souhaite calmer le jeu par l'apaisement, en induisant une désescalade. Il refuse de s'imposer par force, car il ne veut de guerre ni pour lui ou en son nom, ni contre lui.

    Il veut se montrer inoffensif — comme un agneau — il sort le "drapeau blanc" des négociations. Il pose sur la table, qu'il n'y aura pas de coups de sa part, pas de revanche, pas de punition pour celui qui reconnaît ses torts et souhaite repartir sur des bases nouvelles.

    Y a-t-il un autre chemin ? Qui pourrait supporter un bras de fer avec Dieu ? La Bible nous laisse entendre que dans un passé très reculé, il y a eu un tel bras de fer. C'est le récit mythique du déluge, expliqué comme un ras-le-bol de Dieu face à la méchanceté des humains. Il aurait alors décidé d'anéantir le mal en noyant toute vie — enfin sauf Noé, sa famille et les animaux pour que la vie puisse reprendre.

    Mais la méthode forte a échoué et Dieu s'est juré de ne pas recommencer, il a même donné l'arc-en-ciel comme signe de cette première alliance (voir Genèse 9).

    Alors commence une autre voie, celle de l'invitation, celle de l'éducation. Et cette voie passe par le respect de la liberté de tout être humain, et par le renoncement de Dieu à exercer sa toute-puissance.

    Et Dieu se présente à Elie dans un souffle léger. Dieu se présente à nous à travers la figure humaine de Jésus. Dieu ne veut pas s'imposer, il se propose : "Je t'aime, veux-tu m'aimer en retour ?" Pour que l'amour soit possible entre Dieu et les humains, entre les humains et Dieu, il faut abolir l'idée d'un pouvoir, l'idée d'une hiérarchie, l'idée d'un dominant et d'un dominé. Aussi Jésus a-t-il renoncé à toute prérogative divine, à tout pouvoir, à toute supériorité pour se faire homme, serviteur de tous, le plus humble, jusqu'à la mort, à la mort sur la croix.

    La proposition de Dieu, son invitation — à vous catéchumènes, mais à vous aussi parents, parrains, marraines, familles — c'est de prendre exemple sur Jésus-Christ qui renonce à tout pouvoir, à toute préservation de ses intérêts et privilèges pour apporter la paix au monde.

    Dieu nous invite à suivre l'exemple de son Fils, pour vivre dans la paix, en nous aimant les uns les autres. C'est le seul chemin qui y conduit. Tous les autres — autant le laisser-aller qu'un intervention céleste toute-puissante — passent par la violence et ne peuvent que conduire à davantage de malheurs.

    Jésus nous invite à le suivre sur la voie de la paix par l'amour. Vous avez ce choix devant vous ! Vous savez quoi faire pour suivre l'invitation de Dieu. La question qui reste ouverte est : le ferez-vous ?

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2020