(11.2.2001) Marc 8
Comment peut-on savoir que Dieu existe ?
Esaïe 42 : 14-16. Marc 8 : 22-30. Jean 9 : 39-41
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Chers amis,
Les trois textes que vous venez d'entendre parlent de la façon qu'a Dieu de nous ouvrir les yeux, de redonner la vue à celui qui ne voit pas.
Vous avez sûrement, une fois ou l'autre, été dans la situation suivante : vous êtes sur une montagne et remarquez quelque chose que vous voulez montrer à celui qui vous accompagne. "Regarde, là, tu vois... etc." et il ne voit rien. Vous voyez et il ne voit rien et pourtant c'est là.
Cela rejoint une de mes préoccupations, faire découvrir Dieu à mes catéchumènes. J'ai quelque chose à leur montrer, mais ils me disent qu'ils ne voient pas. Cela se présente souvent sous la forme d'une question : "Comment peut-on savoir que Dieu existe ?" Il faut bien commencer par là pour croire ensuite ce que la Bible nous dit. Il vous est probablement aussi arrivé d'entendre cette question dans la bouche d'un de vos enfants, d'un ou une filleule, d'un de vos petits-enfants.
"Comment peut-on savoir que Dieu existe puisqu'on ne le voit pas ?"
Question intelligente ! Question redoutable aussi ! Question qu'on ne peut pas laisser sans réponse sans faillir à notre rôle de témoin, notre rôle de croyant. Mais il n'y a pas de réponse toute faite, et ce que je vais vous dire n'est pas une recette qu'il suffirait d'apprendre par coeur pour se tirer de cette situation. J'aimerais d'abord écarter un écueil, c'est de penser qu'il est possible de trouver une réponse absolument convainquante, infaillible.
"Comment peut-on savoir que Dieu existe ?"
On ne peut pas le savoir, comme on sait le résultat d'un calcul (2+2=4) ou comme on sait que l'eau bout à 100° (l'expérience répétée le montre...). On ne peut pas le savoir, il n'y a pas de preuves ou de démonstrations. L'existence de Dieu ne peut pas être prouvée... son inexistence non plus !
Alors il ne reste qu'une chose à faite : chacun doit décider pour lui-même s'il croit que Dieu existe ou qu'il n'existe pas. C'est une décision, c'est un pari (Pascal), on appelle cela le saut de la foi.
Mais est-il raisonnable de croire sans voir ? Franchement, qu'est-ce qui peut inviter un jeune à croire sans voir ? Qu'est-ce qui nous a amené à croire ? Je pense que chacun a son chemin de foi personnel — qu'il n'est pas toujours facile de retrouver dans l'écheveau de sa vie ! — mais à un moment donné, il a fallu faire confiance. "Ce qu'on me dit, je peux, je veux le tenir pour vrai — même si je ne le vois pas — parce que j'ai confiance que c'est vrai ou parce que j'ai confiance dans cette personne qui me le dit."
La confiance, pour accepter comme vrai ce que l'on vous dit.
Pendant une année, j'ai travaillé comme pasteur dans la paroisse de La Sallaz à Lausanne. Il y avait là un foyer pour aveugles où l'on allait régulièrement faire des cultes. Les premières fois, j'évitais d'utiliser des images lorsque je parlais, je trouvais que je ne pouvais pas leur parler des arbres en fleurs ou des couleurs du ciel. Mais je me suis vite aperçu qu'ils utilisaient autant que nous, les verbes regarder et voir. L'un d'eux m'a même dit un jour : "Je vous laisse, maintenant, je veux aller regarder mon feuilleton à la télé."
Ces aveugles qui n'avaient jamais "vu" de leurs yeux notre monde, ils le "voyaient" dans leur tête. Ils pouvaient dire "le ciel est bleu, l'herbe est verte." Parce qu'ils avaient entendu et cru ceux qui leur parlaient du monde visible.
Un aveugle peut découvrir toutes sortes de réalités en écoutant les bruits ou en touchant les choses, sauf les couleurs. Les couleurs font partie de leur monde invisible, comme Dieu fait partie de notre monde invisible. Pour un aveugle, les couleurs n'existent pas puisqu'il ne les voit pas. Et pourtant ... Pour un aveugle, les couleurs n'existent pas tant qu'il n'arrive pas à croire ceux qui les voient. S'il fait confiance à ceux qui lui décrivent le monde qu'il ne voit pas, l'aveugle peut découvrir et accepter le monde des couleurs, sans le voir.
Nous sommes tous aveugles au monde de Dieu. Nos sens ne nous permettent pas de le voir, ni de le connaître directement. Toute notre connaissance de Dieu passe par le témoignage d'autres gens qui ont cru et dont les yeux se sont ouverts à ce monde invisible de Dieu.
Il y a les témoignages rassemblés dans la Bible, et il y a les témoignages de ceux qui nous entourent, de la communauté des croyants, votre témoignage pour les enfants qui vous entourent.
La foi naît lorsqu'on décide d'ouvrir les yeux, le coeur, sur le monde invisible de Dieu. Ce monde est invisible tant qu'on reste à l'extérieur, il devient visible — je dirai lisible — seulement lorsqu'on y est entré, lorsqu'on voit les coïncidences et qu'on ne les prend plus pour du hasard; lorsqu'on fait des liens entre les événements qui nous arrivent et qu'une ligne directrice, un fil rouge se dessine; lorsqu'on comprend pourquoi c'est arrivé, à quoi cela nous a mené, ce qu'on en a appris.
Le monde de Dieu est fait de signes qu'il faut lire au coeur de la réalité. C'est pourquoi les évangiles nous montrent Jésus en train de guérir des aveugles à des moments cruciaux de son existence, dans l'évangile de Marc juste avant la confession de Pierre (Mc 8:22-30), parce qu'il faut avoir les yeux ouverts à la lecture des signes pour reconnaître en Jésus le Messie. Dans l'évangile de Luc (Lc 18—19), Jésus guérit Bartimée à Jéricho juste après l'annonce de sa passion et au moment où il prend le chemin de Jérusalem pour y mourir, parce qu'il faudra des yeux ouverts sur les signes de Dieu pour lire dans ce procès et cette mort le destin divin de Jésus.
On ne voit pas Dieu, mais on peut voir des signes parsemés sur la terre, de la même manière qu'on ne voit pas, sous la croûte terrestre le magma de lave qui constitue le noyau de notre planète, sauf là où un volcan s'ouvre. Comme les volcans sont les signes de l'activité souterraine, les églises parsemées dans notre pays et dans le monde avec leurs rassemblements de croyants sont les signes de l'activité de Dieu.
"Comment peut-on savoir que Dieu existe ?" Nous n'avons pas fait le tour de la question, mais des signes sont semés sur notre route pour ceux qui veulent bien ouvrir les yeux ! Vous faites partie de ces signes pour votre entourage. Que Dieu vous encourage et vous remplisse de son Esprit, pour resplendir comme des signes visibles de sa présence.
Amen
© Jean-Marie Thévoz, 2021