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  • Jésus, à l'épreuve, décide d'endosser la condition humaine

    (11.1.2004)

    Luc 4

    Jésus, à l'épreuve, décide d'endosser la condition humaine

    Jean 15 : 9-13.         Luc 4 : 1-14

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    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Vous venez d'entendre le récit de la tentation de Jésus. Ce récit suit immédiatement celui du baptême, comme si ces tentations étaient une suite logique du baptême. Ce récit de tentation est bien étrange et comporte bien des invraisemblances si nous devons le lire comme un compte-rendu exact de ce que Jésus a physiquement vécu.

    Comment est-il possible de ne rien manger pendant quarante jours ? Le diable peut-il se présenter comme une personne en chair et en os à Jésus ? Le diable a-t-il un avion pour faire voir à Jésus "tous les royaumes de la terre" ? etc...

    Pour moi, il est nécessaire de quitter une lecture historique de ce récit pour y découvrir un sens. Si la vérité de l'évangile est dans le "ça s'est passé exactement comme cela, il faut le croire" alors, je ne peux pas le croire.

    Pourtant, je crois que ce récit a du sens, qu'il nous dit quelque chose de vrai dès qu'on arrête de penser que "ça s'est passé comme ça" pour penser : "ce récit veut nous dire quelque chose et quelque chose d'important pour notre vie !" Je crois que ce récit nous rapporte un dialogue intérieur qu'a vécu Jésus, mais que nous vivons aussi !

    Juste après le baptême, ce récit veut nous communiquer quelque chose d'essentiel sur l'identité de Jésus, sur qui est ce Jésus dont parle l'évangile. Les Evangiles nous disent deux choses sur Jésus :

    Jésus est un homme comme les autres

    Jésus n'est pas un homme comme les autres, puisqu'il est le Fils de Dieu.

    Alors, il y a de quoi se poser des questions et même se poser les mêmes questions que le diable de notre récit pose à Jésus. Si Jésus est le Fils de Dieu — remarquez que toutes les questions du diable commencent par "si" — alors les dés ne sont-ils pas pipés ? Un homme qui disposerait des pouvoirs de Dieu, ce ne serait plus un homme ordinaire, comme vous et moi. C'est comme si vous allez aux Jeux Olympiques avec la potion magique de Panoramix, ce n'est plus du jeu !

    Dans notre récit, ce que le diable vérifie, c'est que Jésus a bien laissé ses pouvoir divins au ciel et qu'il joue selon les règles humaines, une vie humaine ordinaire.

    Mais nous avons vu que ce récit ne doit pas être lu comme un compte-rendu de quelque chose de visible de l'extérieur, mais comme un dialogue intérieur de Jésus. Alors, il faut reformuler cela pour sortir du récit mythologique où une partie de soi est projetée à l'extérieur sous forme de diable. Il y a une lutte intérieure — en Jésus comme en chacun — entre une volonté, un désir d'être tout-puissant et une acceptation de la réalité de la condition humaine.

    Chacun, dans ses rêves, voudrait être Dieu et obtenir ce que le diable propose :

    - une richesse infinie (imaginez ce que c'est de transformer des pierres en pain lorsque tout le désert est formé de pierres !)

    - disposer du pouvoir, claquer des doigts et obtenir ce que l'on veut, contraindre les autres à faire ce qu'on veut, les obliger à changer pour ne pas changer soi-même !

    - et finalement, être invulnérable, être invincible, avoir une santé inaltérable, pouvoir affronter tous les dangers sans risque de mourir.

    La richesse, le pouvoir, la santé, est-ce que ce ne sont pas là-dessus que se construisent tous les horoscopes, toutes les promesses de la publicité ? Ne pensons-nous pas, au profond de nous-mêmes, que la promesse de bonheur réside dans ces trois offres, dans ces trois désirs : richesse, pouvoir, santé ? Quelle attractivité, non ?

    Pourtant, dans son dialogue intérieur, c'est cela que Jésus repousse. Il repousse cela parce qu'il a choisi autre chose. Il a choisi la réalité, la réalité de la condition humaine et avec elle ce qu'il y a de plus précieux que la richesse, le pouvoir et l'invincibilité, il a choisi l'amour et la liberté.

    Il choisit, par amour, de vivre selon les règles de la condition humaine : la précarité, l'impuissance, la vulnérabilité — et d'en faire son identité.

    Il y a des moments dans notre existence où nous devons choisir l'orientation de notre vie, ou réexaminer notre précédente orientation. Nous ne rencontrons pas le diable sur notre chemin, mais nous sommes confrontés à diverses forces à l'intérieur de nous-mêmes, "au côté obscur de la force" comme on le dit dans un film.

    Dans cette orientation à décider, dans ces choix à faire, n'oublions pas de prendre en compte que la seule chose précieuse — éternelle, essentielle — est l'amour qu'on reçoit et qu'on donne, quelles que soient les conditions matérielles dans lesquelles on vit.

    C'est ce que Jésus a choisi de vivre et c'est ce qu'il nous invite à vivre à notre tour.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

  • "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    (7.1.2001)

    Matthieu 2

    "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte"

    Deutéronome 16 : 1-3.          Matthieu 2 : 1-15

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    Chers amis,

    Vous avez sûrement mangé de la couronne des rois, le 6 janvier, date traditionnelle de la fête des Rois, aussi appelée Epiphanie. Traditionnellement, les rois mages, venus d'Orient n'arrivent pas vers Jésus le soir de sa naissance comme les bergers. Ils arrivent plus tard, car ils voient l'étoile qui paraît lors de la naissance de Jésus. Puis ils voyagent jusqu'à Jérusalem pour savoir où on peut trouver le futur roi des Juifs (tient, ce titre de "roi des Juifs" sera celui inscrit sur l'écriteau qui surmonte la croix !). Ensuite, il faut encore rassembler les autorités, les savant pour percer ce mystère. Finalement, c'est l'Ecriture sainte (Michée 5:1) qui révèle l'endroit où doit naître le Messie. La vérité ne se trouve pas dans les étoiles, mais dans l'Ecriture sainte.

    Plus on lit le récit biblique de l'avenue des mages, plus on se rend compte des différences et des contrastes qu'il y a entre la légende des rois mages — qui se raconte de Noël à l'Epiphanie — et le récit biblique qui n'a rien d'un conte de Noël.

    Matthieu ne nous raconte pas un conte où la naissance de Jésus apporte joie et paix dans le monde ! Matthieu nous montre comment — dès la naissance de Jésus — la venue de Dieu qui réclame sa royauté sur le coeur des humains crée des tensions, suscite des conflits.

    Que le règne de Dieu s'approche et le pouvoir temporel tremble de peur — ici Hérode. La venue de Jésus ne débouche pas sur un paradis, la venue de Jésus amorce un rapport de force — qui va persister tout au long du ministère de Jésus — entre les forces de la mort et les forces de vie de Dieu. Dès le moment de sa naissance, Jésus est l'objet de menaces : "Hérode cherche l'enfant pour le faire mourir" (Mt 2:13).

    Ce premier affrontement va être esquivé, car Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. Peut-être une indication, un conseil pour les parents pour leur dire : Votre enfant devra affronter la réalité — et elle n'est pas facile — mais votre rôle pour le moment, tant que l'enfant n'est pas mûr, c'est de le protéger, en lui évitant, autant que possible, le moment de faire face au mal qui viendra bien assez tôt.

    Dieu avertit Joseph de prendre l'enfant et sa mère et de fuir en Egypte. L'Egypte — dans l'histoire et la pensée israélite — est un pays symbole. Symbole de l'esclavage et de l'oppression. C'est le pays du malheur, des dix plaies. C'est le pays du passé — où l'on a vécu — mais dont il faut sortir pour vivre vraiment.

    Il est intéressant et significatif que Matthieu nous montre que Jésus a aussi passé par l'Egypte, son Egypte intérieure, le pays de la frustration, le pays des blessures intérieures, de la violence subie — le massacre des innocents d'Hérode n'est pas sans rappeler le massacre des bébés hébreux ordonné par Pharaon autour de la naissance de Moïse !

    Personne — pas même Jésus, nous dit l'Evangile de Matthieu — personne n'échappe à un passage en Egypte, le plus souvent pendant son enfance. Malgré tous les soins, toutes les attentions que des parents peuvent porter à leurs enfants, il est impossible que l'enfant ne ressente pas des frustrations, des injustices, des malchances blessantes, des humiliations, des vexations. Le monde n'est pas le paradis... la vie n'est pas un conte de fée, malgré tous les cadeaux — et les trois rois mages en apportent d'importants — il y a une réalité qui fait que nous existons dans un monde limité où le malheur, à toutes les échelles, surgit, sans que ce soit la faute de quelqu'un en particulier. Peut-on reprocher aux mages d'avoir contacté Hérode et enflammé sa colère ?

    L'Egypte intérieure existe pour chacun. Le malheur n'est pas d'y avoir été exilé, c'est inévitable, le malheur c'est d'y rester, de ne pas en sortir, de ne pas entendre l'appel de Dieu : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte" (Mt 2:15).

    Descendre en Egypte et remonter d'Egypte, c'est le parcours historique du peuple d'Israël, Abraham, Jacob, Moïse. Descendre et sortir d'Egypte, c'est aussi comme un parcours initiatique qui marque l'appartenance au peuple d'Israël (dans la liturgie de la Pâque, "vous vous souviendrez à jamais du jour où vous êtes sortis d'Egypte"); un parcours qui marque aussi la vie du croyant aujourd'hui; un parcours qui passe par l'association à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ, au travers du baptême.

    Chacun, à l'âge où il se rend compte qu'il séjourne en Egypte, peut entendre l'appel de Dieu pour lui : "J'ai appelé mon fils à sortir d'Egypte". « Je t'appelle, mon fils, ma fille, à sortir d'Egypte.»

    Nous avons accueilli, N N , aujourd'hui dans notre communauté, avec l'espérance qu'un jour il entende lui-même cette appel, et qu'à ce moment il puisse demander lui-même son baptême, pour sortir d'Egypte et entrer dans le Royaume de Dieu.

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2021