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  • Zacharie 4. Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    (13.3.2005)

    Zacharie 4

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot

    Zacharie 4 : 6b          Matthieu 5 : 38-45     Jean 15 : 12-15

    télécharger le texte : P-2005-03-13.pdf

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,

    Nous croyons. La violence n'aura pas le dernier mot.

    Voici le thème de la Campagne PPP (Pain pour le prochain) de Carême cette année (2005). Un thème axé sur la violence, ou plutôt sur la lutte contre la violence. Avec la lutte contre la violence, nous sommes en même temps au cœur du monde contemporain et au cœur du message biblique.

    Message biblique de l'Ancien Testament, depuis Abel, la première victime, jusqu'à Zacharie, le dernier prophète qui nous donne en héritage cette phrase magnifique :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces, mais c'est grâce à mon Esprit que tu accompliras ta tâche." (Zach 4:6b)

    Dans le Nouveau Testament, non seulement l'enseignement de Jésus, mais sa vie et sa mort sont des plaidoyers contre la violence, toute violence.

    La violence est très présente autour de nous, même si nous pouvons être reconnaissants de ce qu'elle n'atteint pas les niveaux de la guerre militaire ou de la guerre civile.

    La violence, aujourd'hui, tout près de nous, c'est (a) la violence physique, par exemple sous la forme du racket dans les écoles ou des vols de sacs à l'arraché dans la rue. C'est (b) la violence psychologique que l'on trouve dans le dénigrement, le mépris, la violence verbale, et cela dans la rue, dans le bus, mais aussi dans les familles. C'est (c) la violence structurelle de notre société, à travers l'argent ou le travail — plutôt le manque de travail, ce "socle incompressible" de chômage. Un chômage qui touche davantage les jeunes (17%) et les plus de 50 ans. Violence structurelle et psychologique, puisqu'on a tendance à blâmer la victime, à lui faire porter la responsabilité de son chômage, alors que c'est un "jeu" de chaises musicales. Autour de ces violences, je vais faire trois constats.

    Premier constat : La violence touche les personnes les plus vulnérables.

    C'est-à-dire autant les jeunes (dans la période de construction de leur personnalité) que les plus âgés, lorsque force et autonomie diminuent. Or, la tendance générale de notre société est d'opposer jeunes et vieux, comme s'ils ne pouvaient pas se comprendre, comme s'ils n'avaient rien à s'apporter mutuellement !

    Combien serait-il plus profitable de se voir comme des partenaires plutôt que comme des adversaires. Souvent les jeunes se sentent seuls, ne savant pas avec qui partager leurs préoccupations, leurs soucis. Ils essaient de devenir autonomes et rechignent à s'adresser à leur parents ou leurs profs dont ils dépendent directement.

    C'est une chance inouïes pour les grand-parents d'offrir leur présence, de partager leur expérience et même leur désarroi par rapport à un monde en continuel changement. Les jeunes ont un cœur tendre sous leur carapace, ils sont besoin de lieux où ils peuvent cesser de jouer aux durs. Donc il ressort de ce premier constat qu'il y a un travail intergénérationnel à faire pour faire tomber la peur les uns des autre, changer de regard, ce qui s'appelle conversion (metanoia) dans l'évangile.

    Deuxième constat : On ne sait pas quoi faire lorsqu'on est en prise avec la violence.

    On est pris dans une tension entre, d'un côté, "ne pas répliquer, résister" parce que cela ne fait qu'augmenter la violence et les dégâts et de l'autre "on ne peut pas laisser passer une telle injustice", "on ne peut pas ne pas réagir, sinon on se fera toujours marcher sur les pieds." Comment vivre cette tension ? Comment éviter le piège d'entrer dans le cycle de la violence ou — à l'opposé — accepter le rôle de la victime et se laisser faire ? Il n'y a pas de recette miracle, mais on peut dégager quelques pistes.

    D'abord, vérifier l'enjeu. Qu'est-ce qui est en jeu, où sont les valeurs auxquelles nous tenons en premier lieu ? Doit-on risquer sa santé pour sauver son porte-monnaie ? Non, la santé passe avant les objets ! Apprenons à reconnaître quelles sont nos valeurs.

    Ensuite, nous vivons dans une société organisée où la justice n'est pas une affaire personnelle, mais institutionnelle. Utilisons les institutions pour décourager la violence, n'utilisons pas la vengeance personnelle.

    Enfin, le Christ nous apprend qu'il n'y a pas de honte à être la victime. Dans un processus de violence, la victime est même celle qui est "du bon côté." Il vaut mieux être la victime que l'agresseur, le violent. Cela bien sûr, c'est le bout de chemin difficile, ce que l'Evangile appelle "porter sa croix" : être conscient du phénomène violent et préférer encaisser une part de violence plutôt que la renvoyer sur autrui. C'est ce qu'a fait Jésus pour nous ouvrir les yeux.

    Troisième constat : Celui qui est isolé est une proie facile.

    Ceux qui font usage de la violence — même s'il peuvent avoir la force physique de leur côté — comptent sur l'isolement de leur victime. Le violent se sert de la peur de la victime, du silence de la victime, du retrait de la victime. Une bonne tactique — non violente — est de priver le violent de ces alliés naturels en formant un groupe, une communauté. Il ne s'agit pas de faire un autre gang pour être fort dans une guerre des gangs ! Il s'agit de faire corps, de partager les informations, les soucis, de prendre la parole dans un groupe pour rompre le silence, pour faire baisser la peur, pour se soutenir les uns les autres et reprendre confiance.

    De cette communauté des disciples est sortie l'Eglise ! Jésus nous appelle à former concrètement cette communauté pour nous entraider, pour nous soutenir et pour nous encourager lorsque nous sommes victimes d'attaques à cause de cette position de refus de la violence. Car cela peut arriver (notamment dans les cours d'école) d'être provoqué par la violence justement parce qu'on refuse la violence — pour voir jusqu'où l'on tient.

    Celui qui est seul dans cette situation est en danger ! Seule la force d'une communauté, d'un groupe ancré dans l'Esprit de Jésus peut résister en s'attachant à la parole de Zacharie :

    "Ce n'est pas par la violence, ni par tes propres forces que tu accompliras ta tâche, mais, c'est grâce à mon Esprit." (Zach 4:6b)

    Amen

    © Jean-Marie Thévoz, 2022

     

  • Genèse 4. Abel, figure du Christ (Typologie I)

    11.8.2013
    Genèse 4
    Abel, figure du Christ (Typologie I)

    Genèse 4 : 2b-11       Luc 24 : 25-27

    Télécharger la prédication : P-2013-08-11b.pdf


    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui et les prochains dimanches de cet été, je vais vous entraîner dans la redécouverte d'une très ancienne façon de lire les textes bibliques, une méthode qui s'appelle la "typologie." Nous allons reprendre des textes de l'Ancien Testament pour voir ce qu'ils nous apportent comme compréhension nouvelle du Nouveau Testament et particulièrement de la personne et du ministère de Jésus.
    Cette lecture "typologique" de l'Ancien Testament a été, en fait, la lecture de la première Eglise. C'est tout ce qu'elle pouvait faire avant la rédaction du Nouveau Testament. Comment cette première Eglise, issue des apôtres, pouvait-elle comprendre la vie et la mort de Jésus, si ce n'est en allant puiser dans les textes de la tradition juive, la Torah et les prophètes ? Et c'est bien cette méthode qui apparaît dans le récit des disciples d'Emmaüs, dans le passage qui vous a été lu.
    Les deux disciples marchent en compagnie de Jésus qui est encore incognito. Ils ne comprennent pas la mort tragique de Jésus à Jérusalem. C'est alors que Jésus leur révèle la clé, la source de la compréhension de ce qui lui est arrivé : (ma traduction) "Vous serez dans l'ignorance, tant que vous ne vous mettrez pas à croire ce qu'ont déjà énoncé les prophètes." (Luc 24:25). Pour Jésus, l'Ancien Testament est une longue préparation à la compréhension de ce qui lui est arrivé.
    Et Luc continue son récit en décrivant ce que Jésus fait pour ces deux disciples : " En commençant par Moïse et en continuant par tous les prophètes, il leur expliqua tout ce qui était dit à son sujet dans l'ensemble des Ecritures." (Luc 24:27). Voilà un catéchisme qu'il serait utile de posséder ! Jésus explique donc à ces deux disciples tout ce qui le concerne dans l'Ancien Testament, de la première à la dernière page.
    Tout ce qui le concerne dans l'Ancien Testament. Comment fait-il ? Parce que dans le texte littéral, dans les textes, il n'y a rien qui annonce directement la venue d'un Jésus. L'Ancien Testament n'est pas un livre de prévisions comme les horoscopes de Mme Soleil ou d'Elisabeth Tessier. Pourtant, la première Eglise s'est appliquée à la relecture de l'Ancien Testament et elle a trouvé. Elle a trouvé des récits, des événements et des personnages qui portent en eux une préfiguration du Christ.
    Pour faire cette relecture, il faut apprendre à lire ce qui est écrit entre les lignes, comme les héros de l'écrivain Dan Brown dans le Da Vinci Code ou dans Inferno. Il faut — et c'est souvent difficile pour nous les protestants — sortir de l'interprétation historique littérale, pour privilègier le sens symbolique. l'articulation du récit, ou les types de personnages qui apparaissent (d'où le nom de méthode "typologique.")
    C'est ce que je vous propose de faire ce matin avec le récit de Caïn et Abel. Ce récit fait partie des chapitres "mythologiques" de la Genèse, c'est-à-dire des récits qui visent l'universalité et pas la particularité du récit de vie individuelle. Il ne faut pas en faire une lecture historique et vouloir donner des dates de naissance à Adam et Eve, Caïn et Abel ou Noé.
    Dans le récit qui nous occupe, nous sommes face à des universaux, l'universalité de la rivalité ou compétition entre deux frères, l'universalité de l'injustice ou de l'infortune, l'universalité de la colère et de la violence, l'universalité du crime et du châtiment.
    C'est la façon dont le récit expose ces grands thèmes qui nous intéresse, et la possibilité d'établir des parallèles avec le destin de Jésus. C'est la voix de Dieu et sa position par rapport à ces thèmes universels qui vont être révélatrices des points communs entre l'Ancien et le Nouveau Testament.
    Que voyons-nous dans ce récit : deux hommes qui ont des professions différentes — Abel est berger et Caïn cultivateur — ils font tous deux un même geste et ils obtiennent des résultats opposés, la réussite pour l'un, l'échec pour l'autre. Aucune explication, aucune raison ne sont données. On nous met juste devant cette réalité : de manière incompréhensible, le malheur tombe sur l'un plutôt que sur l'autre.
    Cette injustice ou cette infortune suscite la jalousie, la colère, l'envie de meurtre. Et le récit, par l'entremise d'un dialogue entre Dieu et Caïn, met en avant la possibilité d'un choix, d'une résistance à l'envie de meurtre. Mais ici, l'envie devient passage à l'acte. Caïn tue Abel.
    Mais le récit ne s'arrête pas là, il y a une parole divine qui sanctionne : "J'entends le sang de ton frère qu crie vengeance !" (Gn 4:10). La victime n'est pas oubliée, la mort n'efface pas l'injustice subie; on n'escamote pas l'injustice en faisant disparaître le corps. Et puis, une parole de condamnation est prononcée sur le criminel. Justice est rendue.
    Le récit de la Genèse évite deux solutions souvent utilisée dans la vie courante ou l'histoire. On trouve la première solution dans un récit similaire, celui de la fondation de Rome* par Remus et Romulus, où le bien de la cité, du plus grand nombre, justifie le meurtre de Remus. Justification qu'on retrouve dans la bouche de Caïphe pour demander la mise à mort de Jésus : "Il vaut mieux qu'un seul homme meurt plutôt que tous le peuple." (Jn 18:14). Le récit de Genèse 4 refuse le critère de l'utilité qui justifierait de commettre le mal pour obtenir un plus grand bien.
    La deuxième solution évitée est celle de blâmer la victime, dire qu'elle y est quand même pour quelque chose dans ce qui lui arrive. C'est ce que dit un des amis de Job. Le récit de Genèse 4 évite ces deux échappatoires.
    La position exprimée par le texte biblique — et qui est absolument parallèle au récit de la Passion de Jésus — 1) c'est que la victime est innocente, il ne peut rien lui être reproché qui l'aurait entraînée dans cette position de victime et justifierait ce qui lui arrive; 2) c'est que la victime est reconnue comme victime, ce n'est pas un dégât collatéral, ou ne nécessité malheureuse. Un meurtre est un meurtre; 3) le coupable est désigné comme tel, il n'est ni excusé, ni blanchi, il est coupable.
      Ces trois éléments se retrouvent aussi bien chez Abel que dans la Passion de Jésus, c'est pourquoi on peut dire qu'Abel est, dans l'Ancien Testament, une figure du Christ. Non pas parce que le rédacteur a eu une vision d'avance de ce qui allait arriver à Jésus, mais parce que Dieu est constant dans sa justice et que du début à la fin de la Bible, sa justice déclare innocent l'innocent et coupable le coupable.
    A partir de là, les disciples d'Emmaüs qui devaient être plein de doutes concernant Jésus, qui pouvaient se demander, comme Caïphe, s'il n'était pas préférable que Jésus meurt seul plutôt qu'avec tous les disciples ou tout Israël, ou bien qui pouvaient se demander ce que Jésus avaient fait de faux ou de mal pour mériter son châtiment, ces disciples d'Emmaüs peuvent comprendre, à la lumière de l'Ecriture, que des innocents meurent injustement, pas par leurs propres fautes, et que Dieu les réhabilitent.
    La résurrection — découverte dans le partage du pain — est le signe divin de cette réhabilitation, de cette déclaration d'innocence de Jésus par Dieu. Ainsi, par la relecture du récit de Caïn et Abel, les disciples d'Emmaüs peuvent commencer à comprendre le mystère de la mort de Jésus.
    Amen
    * Tite-Live, Histoire romaine 1, La Fondation de Rome, Livre 1, §VII, Paris, Les Belles Lettres, 2000, (Classiques en poche 25), p. 25-27.

    © Jean-Marie Thévoz, 2013